L’essentiel
– Washington s’inquiète qu’un partenariat Apple-Alibaba sur l’intégration d’intelligence artificielle sur iPhone n’améliore les capacités d’IA chinoises et n’expose davantage l’entreprise aux lois de censure de Pékin.
– Sans cet accord, Apple risque de perdre du terrain face aux concurrents chinois comme Huawei et Xiaomi.
– La Chine représente près d’un cinquième des ventes totales d’Apple.
Les ambitions d’Apple en matière d’intelligence artificielle sur iPhone se heurtent à une forte résistance du gouvernement américain concernant ses projets pour le marché chinois. Le géant californien de la technologie considère que l’avenir de son smartphone phare dépend largement des nouvelles fonctionnalités d’intelligence artificielle, mais les tensions croissantes entre Washington et Pékin pourraient compromettre gravement ses plans pour ce marché, le deuxième plus important pour l’entreprise.
Le partenariat stratégique avec Alibaba sous surveillance
Ces derniers mois, la Maison Blanche et des responsables du Congrès américain ont minutieusement examiné le projet d’Apple de conclure un accord avec Alibaba pour rendre l’intelligence artificielle du géant chinois disponible sur les iPhone en Chine. Cette surveillance n’est pas anodine : trois personnes proches du dossier révèlent que les autorités américaines craignent que cet accord aide une entreprise chinoise à améliorer ses capacités en matière d’intelligence artificielle, n’élargisse la portée des chatbots chinois soumis à la censure et n’expose davantage Apple aux lois de Pékin sur la censure et le partage des données.
Pour Apple, l’enjeu est considérable. La Chine représente en effet près d’un cinquième des ventes totales de l’entreprise. Le partenariat avec Alibaba est jugé essentiel pour apporter des fonctionnalités d’IA aux iPhone sur l’un des marchés les plus réglementés et compétitifs au monde. Sans cette collaboration, les iPhone risqueraient de prendre du retard par rapport aux smartphones de leurs concurrents chinois, comme Huawei et Xiaomi.
Washington inquiet des implications sécuritaires
La préoccupation de Washington concernant cet accord a été renforcée par la conviction croissante que l’intelligence artificielle pourrait devenir un outil militaire crucial. Cette technologie, capable de rédiger des textes et de développer du code informatique, pourrait potentiellement coordonner des attaques militaires et contrôler des drones autonomes. Inquiets d’un possible conflit futur entre les États-Unis et la Chine, les responsables américains tentent de limiter l’accès de Pékin à la technologie d’IA, notamment en restreignant sa capacité à fabriquer et à acheter des puces d’IA.
Le représentant démocrate de l’Illinois Raja Krishnamoorthi, membre éminent du comité permanent du renseignement de la Chambre des représentants, a déclaré qu’il était « extrêmement troublant qu’Apple n’ait pas été transparent concernant son accord ». Il a ajouté qu’Alibaba était l’exemple parfait de la stratégie de fusion militaro-civile du Parti communiste chinois, et qu’il restait un mystère pour tous les raisons pour lesquelles Apple choisirait de travailler avec eux sur l’IA.
L’avenir de l’iPhone en Chine est en jeu
L’année dernière, Apple a repensé l’iPhone avec de nouvelles fonctionnalités d’intelligence artificielle baptisées Apple Intelligence. Ces fonctionnalités permettent aux utilisateurs de résumer des notifications et d’accéder à des outils d’écriture pour améliorer leurs e-mails et autres messages. La société a également dévoilé une version améliorée de l’assistant virtuel Siri, capable de combiner les informations d’un téléphone avec celles du Web.
Aux États-Unis, Apple a conclu un partenariat avec OpenAI pour soutenir certaines de ses fonctionnalités d’IA. Cependant, comme OpenAI n’est pas présent à Pékin, Apple devait trouver un partenaire local pour offrir aux iPhone en Chine les mêmes performances que celles des modèles vendus aux États-Unis. L’entreprise a discuté avec plusieurs sociétés technologiques chinoises avant de conclure un accord avec Alibaba, et elle a demandé cette année l’approbation des régulateurs chinois pour ces fonctionnalités d’IA.
Des conséquences potentiellement graves
Si l’accord avec Alibaba venait à s’effondrer, les conséquences pourraient être graves pour Apple. La part de marché d’Apple dans les ventes de smartphones en Chine est déjà tombée à 15 % l’année dernière, contre 19 % en 2023. Alibaba est non seulement un partenaire technologique potentiel, mais aussi un important détaillant de commerce électronique qui pourrait vendre et commercialiser des iPhone.
Sans Alibaba, les utilisateurs chinois d’iPhone pourraient télécharger des applications d’IA, mais l’expérience serait plus difficile que celle que pourraient offrir les concurrents. Comme l’a souligné Richard Kramer, analyste principal chez Arete Research, « les gens continueront d’acheter leurs téléphones, mais cela sera plus difficile ».
Un équilibre délicat entre deux superpuissances
Cette situation illustre parfaitement les défis auxquels Apple est confronté pour maintenir ses activités aux États-Unis et en Chine, dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. Il y a trois ans, le gouvernement américain est parvenu à faire pression sur l’entreprise pour qu’elle renonce à un accord d’achat de puces mémoire avec Yangtze Memory Technologies Corporation (YMTC). Plus récemment, l’entreprise a été confrontée aux tarifs douaniers américains sur les produits fabriqués en Chine, comme l’iPhone, ce qui menace de réduire ses bénéfices.
À Washington, certains craignent qu’un accord d’Apple avec Alibaba ne crée un précédent problématique. Des entreprises américaines pourraient aider des fournisseurs d’IA chinois à atteindre davantage d’utilisateurs et à utiliser les données qu’ils collectent pour améliorer leurs modèles. Le risque serait que Baidu, Alibaba, ByteDance et d’autres entreprises chinoises utilisent ensuite ces améliorations pour aider l’armée chinoise.
Pour limiter la collaboration américano-chinoise, l’administration Trump a discuté de la possibilité de placer Alibaba et d’autres entreprises chinoises d’intelligence artificielle sur une liste leur interdisant de faire des affaires avec des entreprises américaines. Le Pentagone et les services de renseignement ont également examiné les liens d’Alibaba avec le Parti communiste chinois et l’Armée populaire de libération.
Tim Cook, le PDG d’Apple, fait également face à de nouvelles critiques de la part du président Trump. La semaine dernière, lors d’un voyage au Moyen-Orient, ce dernier a déclaré avoir « un petit problème » avec lui parce qu’Apple commençait à fabriquer des produits en Inde plutôt qu’aux États-Unis.
Alors que la course mondiale à l’intelligence artificielle s’intensifie, Apple se retrouve au centre d’un dilemme stratégique majeur : satisfaire aux exigences de son marché d’origine tout en préservant sa position dans la deuxième économie mondiale. L’issue de cette confrontation pourrait redéfinir non seulement l’avenir de l’iPhone en Chine, mais aussi les relations technologiques entre les deux superpuissances mondiales.
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