Après vingt et un ans de construction et de reports successifs, le Grand Musée égyptien sera enfin prêt à accueillir le public. Cette ouverture tant attendue marque l’aboutissement d’un projet titanesque qui promet de révolutionner le paysage culturel égyptien et de redynamiser le secteur touristique du pays.
Le président Abdel Fattah El-Sissi a officiellement validé cette nouvelle date d’inauguration, après que l’ouverture, initialement prévue le 3 juillet, a été reportée en raison des tensions régionales entre Israël et l’Iran. Le Premier ministre, Moustafa Madbouly, a qualifié cet événement d’« exceptionnel » lors d’une réunion de cabinet.
Un projet pharaonique aux dimensions historiques
Situé à seulement deux kilomètres des pyramides de Gizeh, ce musée de 120 acres a nécessité un investissement colossal d’un milliard de dollars. « Ce sera le musée du XXIe siècle », avait déclaré en 2019 le directeur général, Tarek Tawfik. « Tous les moyens de la technologie moderne ont été pris en considération afin de faire de cette visite une expérience inoubliable pour les visiteurs, tout en offrant le meilleur environnement possible aux artefacts. »

Conçu par le cabinet dublinois Heneghan Peng Architects, lauréat d’un concours international lancé il y a deux décennies, l’édifice s’inspire directement de l’architecture pharaonique. Sa structure en forme de pyramide chanfreinée aligne ses murs nord et sud avec ceux de la Grande Pyramide de Khéops et de la pyramide de Mykérinos.
Dès les premiers pas, l’entrée du musée impressionne avec son obélisque suspendu, créé en l’honneur du roi Ramsès II et découvert en deux morceaux à Tanis, dans le delta oriental du Nil. Après un processus de restauration minutieux, cette pièce maîtresse trône désormais sur une plateforme qui permet aux visiteurs de circuler en dessous de cette structure imposante.
Les trésors de Toutânkhamon enfin réunis
Le clou de cette collection exceptionnelle reste incontestablement l’exposition complète du tombeau du jeune pharaon, présentée pour la première fois depuis sa découverte en 1922. Le jeune pharaon, qui a régné de l’âge de neuf à dix-neuf ans, demeure l’une des figures les plus fascinantes de l’Égypte antique. Son influence considérable sur la promotion de la religion et de l’art égyptiens traditionnels se reflète dans la richesse des objets trouvés dans sa sépulture.
Les visiteurs pourront notamment admirer le célèbre masque funéraire en or, son trône doré, ses chars et ses sanctuaires, autant de témoignages de l’art raffiné de cette époque. Ces pièces exceptionnelles viennent s’ajouter aux 100 000 artefacts que compte la collection du musée, couvrant 700 000 ans d’histoire.
L’organisation muséographique suit une approche à la fois chronologique et thématique. Les galeries sont réparties en trois espaces consacrés à des périodes spécifiques : la Préhistoire et l’Ancien Empire, le Moyen Empire et le Nouvel Empire, puis la Période tardive et l’époque gréco-romaine.
Un impact économique considérable
Pour Mona, propriétaire d’une boutique de souvenirs à proximité des pyramides, cette réouverture est un espoir immense. « J’avais tout misé sur cette ouverture », confie-t-elle depuis son magasin. Elle avait contracté un emprunt pour rénover sa boutique et enrichir son stock, en prévision de l’affluence attendue.
Mohamed Mamdouh Khattab, qui tient un bazar d’artisanat local, partage cette attente. « L’ouverture du musée constitue une étape clé », explique ce commerçant dont la famille est présente dans le secteur depuis les années 1970. « C’est un projet qui aurait dû voir le jour depuis longtemps. »
L’enjeu économique dépasse largement le cadre local. Le tourisme représente environ 10 % de la main-d’œuvre égyptienne, mais le secteur a traversé de nombreuses épreuves depuis le Printemps arabe de 2011, les attaques terroristes et la pandémie de la COVID-19. Les premiers signes de reprise sont toutefois confirmés : l’Égypte a accueilli 3,9 millions de touristes au premier trimestre 2025, soit une hausse de 25 % par rapport à la même période de l’année précédente.
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Des attentes touristiques ambitieuses
Le Grand Musée égyptien table sur 5 millions de visiteurs par an. Cette prévision s’appuie sur le succès d’événements culturels précédents, comme la Parade dorée des pharaons en 2021 ou la réouverture de l’avenue des Sphinx. « Les grandes inaugurations ont toujours attiré beaucoup de touristes en Égypte », observe Sara Mahmoud, une guide touristique de 30 ans qui travaille dans un atelier de papyrus à Gizeh. « Ces événements suscitent l’enthousiasme et nous avons constaté l’afflux de touristes. »
Ragui Assaad, économiste à l’université du Minnesota, souligne l’importance stratégique de ce projet. « Toute initiative qui augmente directement les recettes en devises étrangères a probablement un bon retour sur investissement », analyse-t-il. « Si on le compare à tous les autres mégaprojets qui ne génèrent pas de devises étrangères, celui-ci est bien meilleur. »
Cette perspective économique revêt une importance cruciale. Depuis 2022, la monnaie égyptienne a perdu les deux tiers de sa valeur, comprimant les budgets des ménages et fragilisant l’ensemble de l’économie.
Une expérience muséale révolutionnaire !
L’expérience commence dès l’entrée avec le parcours baptisé « Voyage vers l’éternité ». Des statues de divinités, des sarcophages, des colonnes, des sphinx et des obélisques jalonnent les marches d’accès. Cette scénographie évoque les rituels funéraires de l’Égypte antique, notamment le voyage de l’âme royale vers les cieux pour devenir une étoile.
La statue colossale de Ramsès II, haute de 11 mètres et pesant 83 tonnes, accueille immédiatement les visiteurs. Cette œuvre en granit rouge, vieille de plus de 3 000 ans, a été découverte au début du XIXe siècle près de l’ancienne Memphis. Après une restauration complexe, elle a été transportée à Gizeh en 2006, puis a rejoint le musée en 2018.
L’architecture du musée constitue elle-même un spectacle permanent. L’entrée en albâtre translucide et la décoration triangulaire évoquant une constellation de pyramides créent une ambiance unique. La vue sur les pyramides de Gizeh depuis l’intérieur du musée offre l’une des perspectives les plus saisissantes sur ces monuments millénaires.
Une ouverture très attendue par le secteur culturel
Nadine Ahmed, une agente de voyages de 28 ans chez Time Travel Tours, résume les défis auxquels les professionnels du tourisme ont été confrontés. « Nous avions planifié tous nos forfaits d’été et d’automne autour de l’ouverture du musée. Mais avec les annulations de groupes, les remboursements et les changements d’itinéraires, nous avons perdu des dizaines de milliers de dollars. »
Ces difficultés illustrent l’impatience du secteur face aux reports successifs. Le musée avait connu une ouverture partielle en octobre 2024, mais les trésors de Toutânkhamon restaient inaccessibles au public, en attendant l’inauguration officielle.
L’Égypte mise également sur d’autres investissements pour optimiser l’expérience touristique. Le pays a ainsi consacré 30 millions de dollars à l’amélioration de l’accueil des touristes aux abords des pyramides de Gizeh. Cette stratégie globale vise à positionner l’Égypte comme une destination culturelle de premier plan.