Cette course s’intensifie à mesure que les gouvernements prennent conscience des enjeux stratégiques liés à la cryptomonnaie. Selon Samson Mow, fondateur de Jan3, le monde approche d’un point de basculement où les nations se précipiteront pour constituer des réserves stratégiques de bitcoin.
L’expert anticipe une accélération brutale du phénomène. « Je pense que nous arrivons à la fin de la phase graduelle et que nous entrons dans les phases initiales du soudain », a-t-il déclaré lors du podcast What Bitcoin Did, le 28 septembre. « Ces choses arrivent très rapidement… C’est littéralement graduel, puis soudain. Je pense que c’est simplement une question de temps avant que nous voyions une montée massive, et nous voyons déjà une FOMO massive de la part des États-nations, une sorte de panique. »
Les États-Unis établissent leur position dominante
Les États-Unis sont actuellement le leader mondial avec environ 198 012 à 212 000 bitcoins dans leurs réserves. En mars 2025, le président Donald Trump a signé un décret exécutif établissant une Réserve stratégique de bitcoin permanente, constituée principalement de bitcoins confisqués lors d’opérations judiciaires.
Cette réserve représente une valeur estimée entre 17 et 23 milliards de dollars selon les cours actuels. Bo Hines, conseiller présidentiel pour les actifs numériques, a confirmé l’ambition américaine : « Nous sommes de grands fans de bitcoin. Nous voulons en accumuler autant que possible. »
La stratégie américaine consiste à transformer les saisies judiciaires en atout géopolitique. Cependant, il met en garde contre le risque que d’autres nations devancent les États-Unis dans cette accumulation.
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Le Pakistan prend les devants
En mai 2025, le pays a surpris la communauté internationale en annonçant, lors de la conférence Bitcoin 2025 à Las Vegas, la création de sa première réserve stratégique de bitcoins. Le ministre des cryptomonnaies, Bilal Bin Saqib, a annoncé l’allocation de 2 000 mégawatts d’électricité excédentaire pour le minage de bitcoins et l’hébergement de centres de données d’intelligence artificielle.
Cette annonce marque un revirement spectaculaire pour le pays, qui interdisait les transactions en cryptomonnaies en 2018. Aujourd’hui, le Pakistan occupe la huitième place mondiale en termes d’adoption des cryptomonnaies, avec environ 20 millions de citoyens détenant des monnaies numériques d’une valeur de 20 à 25 milliards de dollars.
« Le risque est que les États-Unis soient devancés par le Pakistan », avertit Mow, soulignant l’urgence pour l’Amérique d’accélérer ses efforts d’accumulation.
L’Amérique latine émerge comme une région clé
Selon Mow, l’Amérique latine est l’une des zones sur lesquelles il est le plus optimiste concernant l’adoption du bitcoin. La région a enregistré près de 1,5 trillion de dollars de volume de transactions en cryptomonnaies entre juillet 2022 et juin 2023.
Le Brésil domine avec 318,8 milliards de dollars de transactions, suivi de l’Argentine avec 93,9 milliards de dollars. Cette adoption massive s’explique par l’inflation persistante, la volatilité monétaire et les contrôles de capitaux qui caractérisent plusieurs économies de la région.
Les stablecoins servent de système financier parallèle dans des pays comme l’Argentine et le Venezuela, où les citoyens utilisent les cryptomonnaies pour se protéger de l’instabilité économique.
La théorie des jeux s’active
Alexandre Stachtchenko, directeur de la stratégie chez Paymium, explique la dynamique en cours : « Si la première puissance mondiale se met à acheter des bitcoins, je ne vois pas pourquoi les autres États ne suivraient pas. »
Cette théorie pourrait déclencher un effet domino, d’autant que l’offre de bitcoins est limitée à 21 millions d’unités. Actuellement, seuls deux des neuf pays détenteurs de bitcoins en achètent activement : le Salvador, avec 6 246 bitcoins, et le Bhoutan, avec 11 286 bitcoins.
La Russie explore également cette voie. En décembre, le député Anton Tkachev a soumis une proposition visant à « évaluer la faisabilité de la création d’une réserve stratégique de bitcoins en Russie, à l’instar des réserves d’État en monnaies fiduciaires ».
L’impact sur les marchés
Malgré cette dynamique institutionnelle croissante, Mow observe que la hausse anticipée du prix du bitcoin pour 2025 ne s’est pas concrétisée. « Nous aurions déjà dû assister à une hausse, à une montée massive », a-t-il déclaré, suggérant que le cycle actuel pourrait être retardé jusqu’en 2026.
Plusieurs analystes du marché, dont Matt Hougan de Bitwise, partagent ce sentiment et visent désormais 2026 pour assister à des mouvements de prix significatifs.
Le cours du bitcoin a néanmoins progressé de 73 % sur un an, principalement grâce à la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, qui a exprimé sa volonté de faire de son pays la capitale mondiale des cryptomonnaies.
Enjeux géopolitiques majeurs
Cette course aux réserves de Bitcoin transforme la cryptomonnaie en un outil de souveraineté numérique. Les États-nations comprennent progressivement que détenir du bitcoin pourrait devenir aussi stratégique que de posséder des réserves d’or ou de devises étrangères.
La diversification des réserves nationales vers les actifs numériques répond à plusieurs objectifs : se protéger de l’inflation, réduire la dépendance au dollar américain et se positionner sur l’économie numérique de demain.
Les pays émergents y voient une opportunité de contourner les systèmes financiers traditionnels dominés par les puissances occidentales.