Pour la première fois au Royaume-Uni, les visiteurs peuvent contempler l’héritage de Marie-Antoinette, la souveraine française la plus controversée et admirée de l’histoire. Du 20 septembre 2025 au 22 mars 2026, l’exposition sur Marie-Antoinette au Victoria and Albert Museum réunit 250 objets qui retracent l’influence durable d’une femme dont le style a façonné deux siècles et demi de création.

Une reine devenue icône moderne
Marie-Antoinette a transformé la cour de Versailles en laboratoire de tendances. Son approche révolutionnaire de la mode et de la décoration d’intérieur a établi les codes d’une esthétique qui résonne encore aujourd’hui dans les collections de haute couture. La commissaire Sarah Grunert explique que « l’archiduchesse autrichienne devenue reine de France a eu un impact énorme sur le goût et la mode européens de son époque, créant un style distinctif qui a aujourd’hui un attrait et une application universels ».
Le parcours chronologique commence en 1770 et se termine avec l’exécution de la reine en 1793. Les premières salles présentent les origines de son style personnel à travers des meubles d’apparat, des bijoux étincelants et des instruments de musique raffinés. Cette section révèle également ses multiples rôles de reine consort et son intérêt pour les idées des Lumières.

Des prêts inédits venus de Versailles
Le musée londonien a obtenu des prêts exceptionnels qui n’avaient jamais quitté le territoire français. Les visiteurs peuvent notamment admirer ses mules en soie, des fragments brodés de ses robes de cour et des bijoux issus de sa collection personnelle. Le service en porcelaine du Petit Trianon, ses accessoires de toilette et d’autres objets intimes témoignent de son quotidien à Versailles.
Un fauteuil aux armes de la reine, provenant des collections du V&A, est exposé à côté d’un bol sein de la manufacture de Sèvres. Cette pièce de la Laiterie de Rambouillet, livrée en 1787, a alimenté la légende persistante selon laquelle elle aurait été moulée sur le sein de la souveraine. L’exposition présente également la dernière note manuscrite de la souveraine, griffonnée dans son livre de prières avant sa mort.
Le mythe déconstruit
La scénographie aborde frontalement les mythes qui entourent Marie-Antoinette. L’exposition examine l’affaire du collier de diamants de 1784-1785 à travers une réplique du collier Boehmer et Bassenge, initialement commandé pour Madame du Barry. Le collier Sutherland, issu des collections du V&A et probablement fabriqué à partir de diamants du collier volé, accompagne cette reconstitution.
Sarah Grunt souligne que « l’histoire de Marie-Antoinette a été racontée et réappropriée par chaque génération successive selon ses propres besoins ». Cette relecture s’appuie sur les recherches récentes concernant les femmes du début de l’ère moderne, la royauté et la notion de célébrité.
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Une renaissance romantique au XIXe siècle
La deuxième section explore le renouveau du style Marie-Antoinette entre 1800 et 1890. L’impératrice Eugénie a initié cette vague de nostalgie qui a transformé la perception de la reine guillotinée. Une vision sentimentale et romancée s’est alors imposée dans l’imaginaire collectif.
Les éléments stylistiques de Marie-Antoinette sont alors devenus le « style français » ou « French Revival », dominant en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord pendant plus de cinquante ans. Les collectionneurs britanniques se sont activement mis en quête d’objets, de meubles et de souvenirs liés à la reine. Des robes de bal créées par la maison Worth et des photographies d’Eugène Atget illustrent cette période de fascination renouvelée.

L’imaginaire de l’Art nouveau à l’Art déco
À la fin du XIXe siècle, le style Marie-Antoinette a basculé dans la fantaisie et le merveilleux. L’image de la reine incarnait désormais l’évasion, la beauté, mais aussi la décadence. Les robes de soirée des couturières Jeanne Lanvin et Boué Soeurs dialoguent avec les aquarelles lumineuses d’Erte, de George Barbier et d’Edmund Dulac.
Cette transformation révèle la manière dont les créateurs ont adapté l’héritage de Marie-Antoinette aux mouvements artistiques de leur époque. Les codes esthétiques de Versailles se sont fondus dans les lignes fluides de l’Art nouveau, puis se sont réinventés dans la géométrie de l’Art déco.

L’influence contemporaine sur la haute couture
La dernière partie examine l’influence de Marie-Antoinette sur la mode actuelle. Les créations de Moschino, Dior, Chanel, Erdem, Vivienne Westwood et Valentino témoignent de la vitalité de cet héritage. Les photographies de Tim Walker et de Robert Polidori illustrent la persistance de l’imaginaire versaillais dans la création contemporaine.
Le film oscarisé de Sofia Coppola occupe une place centrale dans cette réflexion. Les costumes portés par Kirsten Dunst et les chaussures créées par Manolo Blahnik pour le tournage révèlent la manière dont le cinéma a réinterprété le style de la reine pour le XXIe siècle. L’artiste Beth Katleman et le créateur de mode Victor Glemaud ont également conçu des œuvres spécifiques s’inspirant de l’univers de Marie-Antoinette.

Une expérience sensorielle immersive
Le parcours propose une dimension olfactive inédite. Une installation recrée les parfums de la cour et la fragrance préférée de la reine. Cette approche multisensorielle permet de mieux comprendre le style excessif et raffiné qui caractérisait Versailles.
La mise en scène théâtrale et les installations audiovisuelles plongent les visiteurs dans l’atmosphère de la cour française. Sarah Grant précise que « le style excessif, luxueux et féminin prend vie et dresse le décor de plus de 250 ans de style réinventé encore et encore ».

Un héritage qui traverse les siècles
Marie-Antoinette a marqué la mode, le design, les intérieurs, les jardins et les arts décoratifs de son époque. Son influence s’étend aux arts graphiques, à la photographie, au cinéma et aux arts vivants contemporains. La commissaire souligne que « le pouvoir de fascination » de la reine « n’a jamais faibli ».
Cette première rétrospective britannique consacrée à Marie-Antoinette révèle la complexité d’une femme dont la jeunesse, le style et la notoriété continuent de captiver. Le partenariat avec Manolo Blahnik illustre les liens étroits entre l’héritage historique de la reine et la création de luxe contemporaine.
Une collaboration franco-britannique exceptionnelle
Le château de Versailles a accepté de prêter des pièces majeures pour cette exposition. Cette générosité témoigne de l’importance accordée au rayonnement international de l’héritage de Marie-Antoinette. Le V&A possédait déjà plusieurs objets ayant appartenu à la souveraine dans ses collections permanentes.
Les collectionneurs britanniques ont joué un rôle déterminant dans la préservation et la redécouverte du style de Marie-Antoinette au XIXe siècle. Ils ont acquis des éléments de ses anciennes collections lors des ventes révolutionnaires de 1793-1794. Cette fascination historique explique pourquoi Londres est le cadre idéal pour célébrer la personnalité la plus influente de l’histoire européenne en matière de style.

Un nouveau regard sur une figure historique
L’exposition bénéficie des avancées de la recherche historique des vingt dernières années. Les conservateurs et les historiens ont en effet profondément renouvelé notre compréhension de sa personnalité et de sa vie. Cette approche permet de dépasser les clichés pour saisir la personnalité complexe d’une femme prise dans les tourments de son époque.
Sarah Grant explique que « la combinaison rare de glamour, de spectacle et de tragédie qu’elle présente reste aussi envoûtante aujourd’hui qu’au XVIIIe siècle ». L’exposition offre ainsi une réflexion nuancée sur une célébrité de l’ère moderne dont l’image a été constamment réinventée.






