Imaginez la scène : non pas un podium, mais la scène d’un théâtre parisien, le Théâtre National de l’Opéra-Comique. Pour cette saison masculine, Emily Bode Aujla a choisi de délaisser le format traditionnel du défilé. Sa collection printemps 2026 a été révélée au public d’une façon profondément personnelle et inattendue.

Plutôt qu’une succession de mannequins, le public a découvert un spectacle intimiste porté par le pianiste de jazz Bill Charlap. Une approche délibérée, comme l’explique la créatrice : ses présentations ne se produisent que lorsqu’elles sont chargées d’une intention claire.
L’objectif de cet événement était de donner un contexte au vêtement, de vous faire entrer dans l’univers qui inspire chaque pièce. Cette collection est le second volet d’un hommage à la vie et à l’œuvre de Morris « Moose » Charlap, un compositeur américain célèbre pour la partition de Peter Pan à Broadway. Bill Charlap, qui se produisait sur scène, n’est autre que le fils du compositeur et l’oncle de la créatrice. Le lien est donc à la fois familial et intime. Durant la performance, il a partagé avec le public des souvenirs de son père, notamment celui d’un voyage à Paris, un an avant sa disparition. « Chaque coin de rue à Paris ravive un souvenir », a-t-il confié, soulignant la résonance particulière du lieu.

Les collections de Bode Aujla sont nées de fragments de mémoires personnelles. C’est cette force qui rend son travail si remarquable, cette capacité à transformer des souvenirs en vêtements palpables. Pour Bill Charlap, Paris était l’un de ces souvenirs marquants de son enfance.
La créatrice a ainsi cherché à capturer la faculté qu’avait Moose Charlap de saisir l’essence de l’enfance, ce moment charnière juste avant de devenir adulte. Cet esprit se retrouve dans la manière dont les vêtements ont été présentés : non pas sur des corps humains, mais sur des poupées.
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Des dioramas délicats dépeignent des scènes de la vie du compositeur, de son camp d’été d’enfance à son lieu de détente favori à Central Park, dans le vestibule du théâtre. Sur une longue table, la collection était exposée sous forme de vêtements miniatures : pulls tricotés, chemises sur mesure, shorts, costumes et caftans, tous réalisés pour des poupées artisanales.

Cette mise en scène n’est pas un simple exercice de style. Elle rappelle à la créatrice les vêtements qu’elle cousait pour ses poupées lorsqu’elle était enfant. Les pièces elles-mêmes faisaient écho à la vie de Moose, avec des écussons rappelant ceux qu’il avait gagnés au camp ou la reproduction d’un pull que portait sa femme, la chanteuse Sandy Stewart, sur une pochette d’album.
Cette présentation fut une respiration bienvenue au cœur de l’effervescence de la Fashion Week parisienne. Les acheteurs avaient déjà pu voir la collection lors d’un showroom et en ligne ; cet événement visait autre chose. Il offrait l’occasion de se reconnecter à une certaine forme d’émerveillement.
En choisissant ce format, Emily Bode Aujla continue de cultiver une approche non conventionnelle de sa présence à Paris, explorant le potentiel émotionnel d’une présentation de mode au-delà du simple spectacle. Mon expérience dans l’analyse de collections pour hommes et femmes me permet d’apprécier cette démarche singulière.