La Corée du Sud bloque l’application d’IA DeepSeek pour des raisons de confidentialité

La Corée du Sud a bloqué les nouveaux téléchargements de l'application d'IA chinoise DeepSeek, rejoignant ainsi les efforts mondiaux visant à examiner la manière dont le chatbot traite les informations sensibles.

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© Photo : Iama_Sing (Depositphotos)

La Corée du Sud a suspendu les nouveaux téléchargements du chatbot d’intelligence artificielle chinois DeepSeek, invoquant des risques non résolus pour la vie privée liés à son traitement des données des utilisateurs. Cette décision met en évidence l’attention croissante portée à l’échelle mondiale aux outils d’IA développés par les entreprises chinoises, les régulateurs du monde entier s’interrogeant sur la manière dont ces plateformes collectent, stockent et traitent les informations sensibles.

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Lundi, la Commission sud-coréenne de protection des informations personnelles (PIPC) a annoncé le retrait temporaire de l’application DeepSeek des versions locales de l’App Store d’Apple et de Google Play. Les utilisateurs existants peuvent toujours accéder au chatbot via son site web ou les applications précédemment téléchargées, mais les autorités ont mis en garde contre la saisie d’informations personnelles jusqu’à ce que la conformité avec les lois locales sur la protection de la vie privée soit confirmée. « Des améliorations et des solutions sont nécessaires pour remédier aux lacunes dans les transferts de données par des tiers et à la collecte excessive de données », a déclaré Nam Seok, directeur du PIPC.

Une croissance rapide face à une répression réglementaire

La popularité explosive de DeepSeek en Corée du Sud — il a atteint 1,2 million d’utilisateurs hebdomadaires quelques semaines après son lancement en janvier — l’a propulsé en tête des classements des applications d’IA, juste derrière ChatGPT d’OpenAI. Ses prétentions à égaler les modèles américains avancés, tels que GPT-4, pour une fraction du coût, ont suscité à la fois admiration et inquiétude. Les analystes ont noté que le succès de l’application avait perturbé les marchés technologiques, les actions américaines des semi-conducteurs ayant chuté le mois dernier au milieu des débats sur la capacité de la Chine à contourner les restrictions sur les puces.

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Cependant, son essor a également suscité des inquiétudes. Les autorités sud-coréennes ont constaté que l’application manquait de transparence quant aux modalités de partage des données personnelles, notamment les adresses électroniques et les dates de naissance, avec des tiers ou de stockage de ces données en Chine. « La correction de ces problèmes prendra un temps considérable », a déclaré le PIPC, ajoutant que DeepSeek avait nommé un représentant local pour remédier aux lacunes en matière de conformité. Le président par intérim, Choi Sang-mok, a qualifié l’application de « choc », avec des implications pour des industries au-delà de l’IA.

Une vague de méfiance mondiale

La décision de la Corée du Sud s’inscrit dans un scepticisme international plus large. L’Australie et Taïwan ont interdit DeepSeek sur les appareils gouvernementaux au début du mois, invoquant des risques pour la sécurité nationale. De même, l’organisme de surveillance des données italien, qui a temporairement interdit ChatGPT en 2023, a exigé des révisions de la politique de confidentialité avant d’autoriser le retour de l’application dans les magasins. Aux États-Unis, les législateurs fédéraux et des États ont proposé d’interdire DeepSeek sur les appareils gouvernementaux, le Texas, la Virginie et New York appliquant déjà des restrictions.

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Les régulateurs européens enquêtent pour savoir si les pratiques de l’application en matière de données sont conformes au RGPD. La France et l’Irlande ont interrogé DeepSeek sur l’emplacement de ses serveurs et ses politiques de conservation des données, en particulier après que sa politique de confidentialité a admis utiliser des invites de saisie pour affiner ses systèmes d’IA.

Équilibrer innovation et contrôle

La société mère de DeepSeek, soutenue par une société chinoise de courtage en bourse, est devenue une source de fierté nationaliste en Chine. Le fondateur, Liang Wenfeng, a participé cette semaine à une réunion avec le président Xi Jinping, soulignant le soutien du gouvernement aux percées technologiques nationales. Pourtant, Pékin a pris ses distances par rapport à cette réaction. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Guo Jiakun, a souligné que les entreprises chinoises à l’étranger doivent « se conformer strictement aux lois locales » et a appelé à ne pas « politiser les questions technologiques ».

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Cette impasse reflète les tensions croissantes dans la course à l’intelligence artificielle. Le modèle linguistique à grande échelle et à faible coût de DeepSeek remet en question l’hypothèse selon laquelle la Chine dépendrait des puces électroniques occidentales, ce qui soulève des questions sur l’efficacité des contrôles à l’exportation des États-Unis. Parallèlement, la décision de la Corée du Sud souligne la ligne de démarcation que les gouvernements doivent respecter entre la promotion de l’innovation et la protection des droits numériques des citoyens.

Quelle sera la prochaine étape pour DeepSeek ?

Pour l’instant, DeepSeek reste accessible via les navigateurs, et son équipe technique s’efforce de se conformer aux exigences de la Corée du Sud. L’entreprise affirme que ses serveurs en Chine sont sécurisés, mais les régulateurs veulent des garanties plus claires concernant les flux de données transfrontaliers.

La décision pourrait créer un précédent concernant le respect des normes mondiales en matière de confidentialité par les outils d’intelligence artificielle. « Ce n’est pas seulement une question d’application », a déclaré un analyste technologique basé à Séoul. « Il s’agit d’un test pour savoir si les entreprises chinoises d’IA peuvent opérer de manière transparente sur les marchés démocratiques. »

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