Le projet passionné de Francis Ford Coppola, Megalopolis, est enfin arrivé, et il est tout aussi audacieux, complexe et fascinant que ce que l’on peut attendre du cinéaste légendaire. Avec Adam Driver dans le rôle de César Catilina, un architecte visionnaire déterminé à reconstruire la ville de New York dans un futur utopique, le film est un récit tentaculaire et allégorique qui aborde les thèmes importants du pouvoir, de l’idéalisme et de la poursuite des rêves face à des obstacles insurmontables.
Le scénario de Coppola, qu’il a développé par intermittence depuis le début des années 1980, réimagine l’histoire romaine de Lucius Sergius Catiline en une fable moderne qui se déroule dans un Manhattan décadent et proche de l’avenir, rebaptisé Nouvelle Rome. Le personnage de César, qui arbore une coupe de cheveux au bol rappelant son homonyme historique, est un brillant urbaniste qui invente un matériau de construction révolutionnaire, le Megalon, qu’il croit capable de transformer la ville et de la rendre au peuple.
Le maire conservateur nouvellement élu, Franklyn Cicero (Giancarlo Esposito), qui privilégie une approche plus pragmatique pour augmenter les revenus de la ville grâce à un complexe de casinos, se dresse sur le chemin de César. Les deux hommes ont une histoire d’animosité, compliquée par la relation secrète de César avec la journaliste financière Wow Platinum (Aubrey Plaza) et son attirance croissante pour Julia (Nathalie Emmanuel), la fille du maire à l’esprit indépendant.
Alors que la grande vision de César pour Megalopolis commence à prendre forme, il est confronté au sabotage de son cousin narcissique Clodio (Shia LaBeouf, dans une performance drolatique), à des problèmes juridiques et à l’opposition croissante de l’élite fortunée de la ville. Le récit tentaculaire du film englobe le drame politique, la science-fiction arty, la romance et même la comédie screwball, avec des références nobles à la littérature, à la philosophie, à l’histoire et à la religion qui parsèment le film.
Si Megalopolis est indéniablement trop long, souvent confus et parfois incohérent sur le plan du ton, il est aussi une œuvre d’une imagination visuelle stupéfiante et d’un idéalisme touchant. La vision de Coppola d’un New York futur décadent est un exploit éblouissant de production et de cinématographie, s’inspirant des beaux-arts, de la photographie et de l’histoire du cinéma pour créer un monde qui semble à la fois familier et fantastique.
La distribution, emmenée par César, idéaliste mais pragmatique, et Esposito, sévère mais pas totalement inflexible, est uniformément forte, avec des rôles mémorables d’Aubrey Plaza, Nathalie Emmanuel et Shia LaBeouf. Si certains personnages ne sont pas suffisamment mis en valeur par cette histoire tentaculaire, l’ensemble apporte de la profondeur et des nuances à leurs rôles.
Au fond, Megalopolis est un film profondément personnel pour Coppola, reflétant ses propres difficultés en tant qu’auteur essayant de donner vie à une vision monumentale dans un Hollywood qui privilégie souvent l’économie à l’art. L’autofinancement du projet de 120 millions de dollars par le réalisateur grâce à la vente de son empire viticole montre son engagement inébranlable dans le projet, et son dévouement à sa défunte épouse, Eleanor, confère au film une dimension encore plus poignante.
Même si Megalopolis n’est pas une réussite totale, c’est un film qui mérite l’attention et le respect pour son ambition et sa portée. À une époque où peu de cinéastes sont prêts à prendre des risques aussi audacieux à une échelle aussi grande, l’opus de Coppola est un rappel du pouvoir du cinéma de rêver en grand et d’atteindre les étoiles, même s’il ne les atteint pas toujours.
Megalopolis est-il un bon film ? Pas tout à fait. Mais c’est un film qui ne peut pas être facilement rejeté, une œuvre d’art imparfaite mais fascinante qui met en évidence la vision sans compromis d’un maître du cinéma et aborde des thèmes qui résonnent avec notre réalité contemporaine chaotique. Comme le dit César dans le film, “Ne laissez pas le présent détruire l’éternel”. Avec Megalopolis, Francis Ford Coppola a créé un film qui, malgré toutes ses imperfections, s’efforce de capturer un sentiment d’éternité.