La collection Printemps 2026 de DIOR Men marque un tournant historique pour la maison française. Jonathan Anderson, le nouveau directeur artistique, a présenté sa première vision masculine dans un décor somptueux aux Invalides, transformant radicalement l’approche de l’élégance masculine chez DIOR.
Le créateur irlandais a choisi de présenter sa collection face au tombeau de Napoléon, dans un environnement reproduisant la Gemäldegalerie berlinoise. Cette mise en scène sophistiquée accueillait deux œuvres de Jean Siméon Chardin prêtées par le Louvre et le Musée national d’Écosse, créant ainsi une atmosphère culturelle exceptionnelle.

Jonathan Anderson a bâti sa première proposition autour de trois piliers fondamentaux. Sa démarche repose sur la confrontation entre des pièces normcore assumées, des répliques de vêtements historiques et des créations conceptuelles s’inspirant des archives haute couture de la maison. Cette trilogie créative redéfinit les codes masculins traditionnels de la maison.
La veste Bar d’ouverture illustre à la perfection cette philosophie. Réalisée en tweed Donegal vert forêt avec un col en faille noire, elle revisite l’emblématique New Look en l’adaptant à la silhouette masculine. Son architecture sablier repose sur des toiles de poitrine plutôt que sur du rembourrage, créant un profil étonnamment plat vu de côté.
Associée à un bermuda cargo plissé en seize mètres de tissu, elle rend hommage à la robe Delft de 1948. Cette pièce volumineuse, portée avec des chaussettes de sport et des sandales de pêcheur, symbolise l’approche transgressive du designer.
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Les looks suivants développent cette dialectique entre ancien et moderne. Anderson marie chemises de soirée formelles, jeans délavés, baskets, nœuds papillon sur le torse nu, ou encore vestes de smoking raccourcies laissant apparaître le nombril. Cette esthétique provocante interroge les conventions sociales contemporaines.
« J’aime que ce soit un peu snob », confie Anderson lors d’une présentation privée. Le designer explique cette fascination pour l’articulation entre passé et présent, et s’interroge sur la signification de ces références aujourd’hui. Sa démarche évoque autant « Bande à part » de Godard que l’univers de « Saltburn ».

Les ateliers haute couture DIOR ont reproduit fidèlement une collection de vêtements masculins du XVIIIe siècle. Des redingotes ornées de dorures côtoient ainsi des sweatshirts à fermeture éclair ornés du logo DIOR ou des pulls en maille pastel rappelant Ralph Lauren. Cette juxtaposition crée un dialogue inédit entre l’artisanat d’exception et la démocratisation vestimentaire.
La profusion de pièces commercialement viables traduit la volonté d’Anderson de relancer les ventes chez DIOR Men. La marque accusait un retard par rapport aux autres divisions mode et maroquinerie du groupe LVMH. Cette première collection propose des solutions concrètes pour séduire une clientèle plus large.
Le sac DIOR Tote réinterprété avec des reproductions de couvertures littéraires classiques en est un parfait exemple. Des œuvres de Bram Stoker à Truman Capote ornent désormais cet accessoire emblématique, créant un potentiel de variations saisonnières collectionnables.

La collaboration avec l’artiste américaine Sheila Hicks pour personnaliser le sac Lady Dior avec des pompons superposés ouvre de nouvelles perspectives créatives. Cette démarche s’inscrit dans la continuité du projet Dior Lady Art qui célèbre son dixième anniversaire.
Olivier Gabet, directeur du département des arts décoratifs du Louvre, souligne que cette scénographie témoigne de l’ancrage artistique profond de la maison. Cette tradition remonte aux débuts de Christian Dior en tant que galeriste. Le choix des œuvres de Chardin, peintre prestigieux mais discret du XVIIIe siècle, contraste avec les installations spectaculaires de Kim Jones.
Anderson reconnaît qu’il apprend encore à maîtriser l’univers DIOR. « C’est comme faire un doctorat. On entre en essayant d’absorber, puis de reconfigurer », explique-t-il. Le créateur dispose de cinq collections jusqu’au défilé croisière du printemps prochain pour développer sa vision.
L’accueil enthousiaste du public et la standing ovation finale confirment l’adhésion du milieu de la mode. Rihanna, ambassadrice de la marque, exprime son enthousiasme total pour cette nouvelle orientation créative.
Cette première collection masculine d’Anderson chez DIOR pose les fondations d’une nouvelle ère créative. Sa capacité à articuler le détail et la grandeur simultanément promet une évolution passionnante pour la maison. Son expérience chez LOEWE, où il a révolutionné la marque pendant dix ans, constitue un atout majeur pour relever le défi DIOR
La confrontation prochaine avec Matthieu Blazy chez Chanel et Demna Gvasalia chez Gucci s’annonce particulièrement stimulante. Anderson ne redoute pas cette concurrence dans un marché du luxe en pleine mutation. « Je pense que c’est positif que le marché soit difficile, car cela signifie qu’il est prêt à changer. Et je travaille toujours mieux sous pression », confie-t-il.