C’est sur des bottes de foin, dans un jardin urbain de l’est parisien, que le décor a été planté. Le créateur Masayuki Ino y présentait sa collection printemps 2026 pour doublet, une proposition de mode masculine ancrée dans la terre et le respect du vivant. Mon expérience dans l’analyse des collections de mode masculine me permet d’apprécier la profondeur de cette démarche. Le point de départ est un mot japonais : « Itadakimasu ».

Il s’agit d’une formule de gratitude prononcée avant chaque repas, un respect pour ceux qui cultivent et pour la vie elle-même, qu’elle soit végétale ou animale. Le créateur a cherché à traduire ce sentiment en vêtements. Cette perspective sage a donné naissance à une ligne de vêtements pleine d’esprit qui a su capter certaines des tendances émergentes de la saison, des costumes amples aux tenues de travail revisitées en versions courtes et urbaines.
Masayuki Ino transpose cette philosophie avec une logique anti-gaspillage claire. Il puise son inspiration dans des rencontres avec des artisans développant des matières alternatives ainsi que dans sa collaboration avec Sky High Farm, une ferme à but non lucratif de l’État de New York, pour des teintures à base de boue.

Le créateur a été marqué par sa découverte d’une usine qui récupère des filets de pêche jetés pour les transformer en fil. L’objectif était de montrer sa gratitude envers les personnes qui cultivent la nourriture, mais aussi envers la vie des plantes et des animaux, tout en évitant le gaspillage. Cette approche donne naissance à des pièces uniques dont l’origine du textile est un élément central du design.
Le résultat est une garde-robe où les matières surprennent par leur provenance. Des membranes de coquilles d’œuf, de la cellulose issue d’arbres abattus ou des fibres de bananes sont utilisées pour confectionner des t-shirts ou des sweats à capuche. Un pull en maille torsadée, dont le volume rappelle les filets des pêcheurs, est tricoté avec ces équipements de pêche recyclés. Un costume brun a été teinté avec de la terre, illustrant un lien direct avec le sol nourricier. Chaque pièce raconte une histoire, un processus de transformation où ce qui est habituellement considéré comme un déchet devient une ressource. L’innovation matérielle est au service d’une mode qui s’interroge sur son propre cycle de production et de consommation.
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Le vêtement devient ainsi le reflet de cette agriculture responsable. Le défilé a débuté avec un costume crème dont les bords semblaient trempés dans une terre boueuse, créant un dégradé naturel et subtil. Une veste en moleskine et son short assorti jusqu’aux genoux laissaient déborder de leurs poches des broderies d’aubergines, d’oignons et de courgettes, comme une récolte généreuse. Un blouson bomber était orné de grains de riz brodés, semblant avoir été dispersés au hasard sur le tissu. Ces détails ne sont pas seulement décoratifs ; ils ancrent la collection dans un univers concret et tangible, celui du potager et de la ferme.

L’esprit de doublet, souvent teinté d’humour et de fantaisie, est toujours présent. Un sweat-shirt imitant une banane trop mûre peut se zipper intégralement sur la tête, puis se « peler » pour laisser apparaître ce qu’on voit. Les accessoires poursuivent cette approche décalée et pleine d’esprit : des pochettes en forme de boîtes d’œufs, une cébette fraîche en guise de cravate ou encore un chapeau de paille surmonté d’un œuf au plat brodé.
Ces touches ludiques rappellent qu’une approche sérieuse du développement durable peut coexister avec la légèreté et la créativité. Avec les bons condiments, les pièces de base deviennent des propositions uniques et désirables. Masayuki Ino propose une réflexion sur notre consommation et sur la valeur intrinsèque des ressources. La mode devient alors un champ d’expérimentation où la créativité sert une conscience écologique.