Un chapitre oublié du luxe parisien se dévoile dans « Paris, Capitale de la perle », une exposition organisée par L’École des Arts Joailliers. Jusqu’au 1ᵉʳ juin 2025, l’exposition révèle comment les perles du Golfe ont façonné l’identité de la ville en tant que centre mondial de l’art et du commerce. Des objets rares, des documents d’archives et plus de 100 pièces de joaillerie historiques retracent la relation symbiotique entre Paris et le commerce des perles, une saga qui a transformé à la fois l’économie et l’esthétique.

L’empreinte cachée du commerce des perles
De la fin des années 1860 aux années 1930, les perles ont dominé le luxe parisien. Des marchands tels que Léonard Rosenthal et Jacques Cartier ont tracé des routes à travers les déserts et les océans pour amener les perles du Golfe jusqu’à la Place Vendôme, où les joailliers les ont transformées en symboles de la modernité. La pièce maîtresse de l’exposition, un collier de perles naturelles à cinq rangs datant de 1910, illustre l’opulence de l’époque. À proximité, des télégrammes et des registres détaillent les transactions qui ont financé des empires. Un document de 1917 montre que Cartier a échangé un collier de perles à double rang contre un manoir de la Cinquième Avenue, une transaction emblématique de la valeur stupéfiante des perles.
Les joailliers parisiens n’étaient pas seulement des artisans ; ils étaient aussi des innovateurs culturels. Les pionniers de l’Art nouveau comme René Lalique ont intégré des perles baroques dans des créations Art nouveau inspirées de la nature, tandis que Georges Fouquet a associé des perles du Golfe à du platine pour créer des pièces géométriques Art déco. L’exposition juxtapose ces œuvres avec des perles d’huîtres du Mississippi, appréciées des bohèmes, révélant comment Paris est devenu un laboratoire d’expérimentation.
Les perles comme muse : de Vermeer aux Années folles
Bien que centrée sur l’histoire de France, l’exposition fait référence à l’héritage artistique plus large des perles. La Jeune fille à la perle de Johannes Vermeer apparaît dans des reproductions, soulignant comment les perles ont transcendé le simple ornement pour incarner la pureté et le mystère. Un tableau de Nicolaes Maes datant de 1664, représentant une femme avec des perles symbolisant la chasteté, souligne leur rôle dans la narration visuelle.
Dans les années 1920, les perles imprégnaient la culture parisienne. L’Exposition internationale des arts décoratifs modernes de 1925 présentait des accessoires incrustés de perles aux côtés d’une architecture avant-gardiste, consolidant ainsi leur statut d’emblèmes de la modernité. L’exposition recrée cette frénésie avec des affiches de cabaret et des photos de films montrant des perles ornant des femmes de la Belle Époque. Cependant, elle confronte également les réalités plus sombres : des photographies de plongeurs du Golfe, souvent endettés et en danger, rappellent aux spectateurs le coût humain derrière le glamour.

Les perles de culture et la fin d’une époque
L’arrivée des perles de culture japonaises dans les années 1920 a bouleversé les traditions. Si les puristes les rejetaient comme des imitations, des bijoutiers comme les Rosenthal les ont adaptées en créant des collections, allant même jusqu’à s’installer à Tahiti pour cultiver des perles noires. La dernière partie de l’exposition juxtapose une perle naturelle du Golfe et son équivalent de culture, mettant les visiteurs au défi de reconnaître les différences. Des écrans interactifs expliquent la science de la biominéralisation et démystifient des idées reçues telles que la théorie du « grain de sable ».
L’approche immersive de L’École

L’École des Arts Joailliers excelle dans l’art de mêler éducation et spectacle. Les visiteurs peuvent manipuler des répliques de colliers de perles, écouter des audioguides narrés par des historiens et participer à des ateliers de nouage de perles. Une série de podcasts, Voice of Jewels, plonge dans le folklore du Golfe, tandis qu’un catalogue bilingue propose des plongées plus approfondies pour les collectionneurs. Le lieu lui-même, l’Hôtel de Mercy-Argenteau, un manoir du XIXe siècle situé près du Palais Garnier, reflète le mélange de grandeur et d’intimité propre aux perles.
Pourquoi cette exposition est-elle importante aujourd’hui ?
« Paris, Capitale de la perle » arrive à un moment où les joailliers contemporains reconsidèrent les perles naturelles. Les fonds du Golfe étant désormais protégés, les perles anciennes réapparaissent dans les ventes aux enchères et les parures d’héritage. L’exposition contextualise ce renouveau en montrant comment les innovations passées influencent les créations d’aujourd’hui. Pour les amateurs d’art et d’histoire, c’est un rare aperçu de la façon dont une seule pierre précieuse a façonné le commerce, l’art et l’identité à travers les continents.
« Paris, Capitale de la perle »
(Du 21 novembre 2024 au 1er juin 2025)
Informations pratiques
Du mardi au dimanche, de 11h à 19h
Nocturne jusqu’à 21h le jeudi
Entrée gratuite, sur réservation
Visites guidées gratuites
- pour les adultes : les mardis, vendredis, samedis et dimanches à 15h15 et 16h15, et les jeudis à 18h15 et 19h15.
- pour les enfants de 7 à 11 ans : les mercredis à 15h15 et 16h15.
L’École des Arts Joailliers – Hôtel de Mercy-Argenteau
16 bis boulevard Montmartre, Paris 9