L’exposition « Marc Riboud, Photographies du Vietnam, 1966-1976 » au musée Guimet capture le Vietnam à travers un objectif de résilience

L'exposition « Marc Riboud, Photographies du Vietnam, 1966-1976 » du musée Guimet entremêle magistralement l'histoire déchirée par la guerre et la résilience humaine, présentant des photographies qui révèlent l'esprit durable du Vietnam à travers un objectif d'empathie et de défiance silencieuse.

9 Minutes de lecture
© Photo : Guimet

La rétrospective Marc Riboud, Photographies du Vietnam, 1966-1976 du musée Guimet propose un voyage viscéral dans la documentation du Vietnam par le photographe, qui a duré des décennies, révélant non pas le spectacle de la guerre, mais la persistance tranquille de la vie au milieu de la dévastation. Pour les amateurs d’art attirés par les histoires de résistance et d’humanité, cette exposition transcende le simple photojournalisme en cadrant le conflit à travers le regard inébranlable mais compatissant de Marc Riboud.

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L'exposition « Marc Riboud, Photographies du Vietnam, 1966-1976 » au musée Guimet capture le Vietnam à travers un objectif de résilience
Marc Riboud, La Jeune fille à la fleur, Manifestation contre la guerre au Vietnam, Washington, États-Unis, 1967 © Photo : Marc Riboud / Fonds Marc Riboud, MNAAG

Entre 1966 et 1976, Marc Riboud est retourné au Vietnam près de dix fois, s’installant dans des villes telles que Hanoï, Saigon et les ruines bombardées de Huế. À la différence des photographes de guerre traditionnels, il a évité les scènes de combat et a plutôt capturé les rythmes de la survie : des enfants jouant dans les décombres, des amoureux se rencontrant près des abris anti-bombes ou des agriculteurs replantant des rizières à l’ombre des bombardiers américains. Son travail pour Magnum Photos rejetait le sensationnalisme et se concentrait sur la manière dont les gens ordinaires reconstruisaient, pleuraient et persévéraient.

La pièce maîtresse de l’exposition, La Jeune fille à la fleur (1967), incarne parfaitement son approche. Prise lors d’une manifestation contre la guerre au Pentagone, l’image de Jan Rose Kasmir, âgée de 17 ans, offrant une fleur aux soldats, est devenue un symbole mondial de paix. La décision de Riboud de mettre en valeur ce moment — plutôt que le chaos de la manifestation — reflète sa conviction que la photographie est un outil d’empathie et non d’exploitation.

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Sa série sur Huế en 1968, qu’il a intitulée le « Guernica du Vietnam », a révélé les conséquences de l’offensive du Têt. Quarante pour cent de la ville était en ruines, son architecture impériale réduite à l’état de carcasses. Une photographie montre une femme agenouillée dans un temple, le visage marqué par le chagrin ; une autre cadre une famille récupérant des affaires dans une maison effondrée. Pourtant, au milieu de la destruction, Marc Riboud a trouvé des poches de normalité : un vendeur de fruits à vélo, des étudiants étudiant à la lueur d’une bougie dans une salle de classe de fortune.

L'exposition « Marc Riboud, Photographies du Vietnam, 1966-1976 » au musée Guimet capture le Vietnam à travers un objectif de résilience
Famille réfugiée dans une école à Hué, après la bataille du Tết, Sud Vietnam, 1968 © Photo : Marc Riboud / Fonds Marc Riboud, MNAAG

Les conservateurs du musée Guimet juxtaposent ces images avec des lettres et des articles d’archives, dont le reportage du journaliste pour Le Monde en 1966 qui exposait la disparité entre la perception des pilotes américains des « frappes de précision » et le bilan des pertes civiles. Ses écrits, comme ses photographies, remettaient en question le récit officiel. « Ces jeunes aviateurs croyaient ne viser que des sites militaires », écrivait-il. « J’ai vu des villages rayés de la carte ».

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Un chapitre moins connu de l’œuvre de Riboud apparaît dans son portrait de Hồ Chí Minh, le leader révolutionnaire qui accordait rarement des interviews, réalisé en 1968. Prise à Hanoï, l’image en noir et blanc montre Hồ Chí Minh dans une simple tunique, l’air fatigué mais déterminé. L’accès de Riboud provenait de l’admiration du leader pour La Jeune fille à la fleur, qu’il considérait comme une preuve de la dissidence croissante des Américains. La rencontre a souligné le pouvoir de la photographie de combler les divisions idéologiques, Hồ Chí Minh notant la « souffrance commune » des manifestants vietnamiens et anti-guerre.

Cette section de l’exposition comprend des planches-contacts et des clichés inédits qui révèlent le processus méticuleux de Riboud. Il attendait souvent des heures, parfois des jours, pour capturer des moments d’insouciance, une discipline qu’il a perfectionnée sous la direction d’Henri Cartier-Bresson. Une séquence de clichés pris sur un marché de Hanoï témoigne de sa patience : les premières images semblent mises en scène, mais le dernier cliché saisit une vendeuse en pleine rigolade, ses mains serrant un panier de fleurs de lotus.

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L'exposition « Marc Riboud, Photographies du Vietnam, 1966-1976 » au musée Guimet capture le Vietnam à travers un objectif de résilience
Annonce de l’arrêt de l’opération Rolling Thunder à Phat Diem, Nord Vietnam, 1968

La présentation du musée Guimet n’élude pas les complexités de l’après-guerre. Les images du retour de Marc Riboud en 1976 montrent un Vietnam réunifié aux prises avec les déplacements de population et les purges idéologiques. Une photo obsédante d’un camp de rééducation de Saigon montre d’anciens soldats plantant des cultures sous bonne garde, le visage inexpressif. Une autre montre des « nouvelles zones économiques » où des familles ont été réinstallées sur des terres sauvages. Mais même ici, Riboud trouve de la résilience : un groupe de femmes rit en réparant un filet de pêche, la lumière du soleil filtrant à travers ses fils effilochés.

Cette dualité – documenter à la fois l’oppression et l’endurance – définit l’œuvre de Marc Riboud. Comme le souligne l’exposition, Riboud n’était pas un sympathisant communiste, mais un chroniqueur de paradoxes. Son livre Face of North Vietnam, publié en 1970, le premier à humaniser l’ennemi pour un public américain, a suscité une réaction négative, mais a changé la perception du public. Une vitrine contient un exemplaire patiné de son livre, dont les marges sont remplies d’annotations d’étudiants américains qui ont organisé des séminaires d’information à l’aide de ses images.

À l’ère des reportages de guerre basés sur des algorithmes, le travail de Riboud rappelle aux spectateurs le rôle de la photographie en tant que témoin. Le musée Guimet souligne ce point en associant sa série sur le Vietnam à des entretiens avec des survivants dont la vie a croisé son objectif. L’un des sujets, une femme photographiée alors qu’elle était encore une enfant à Huế, se souvient que Riboud a donné du riz et des médicaments à sa famille après la destruction de leur maison. « Il ne s’est pas contenté de prendre des photos », dit-elle. « Il nous a vus. »

L'exposition « Marc Riboud, Photographies du Vietnam, 1966-1976 » au musée Guimet capture le Vietnam à travers un objectif de résilience
Avion Skyhawk sur le pont du porte-avion USS Enterprise, mer de Chine, décembre 1966-janvier 1967, tirage argentique d’époque

Le musée met également en avant la maîtrise technique de Riboud. Les tirages à partir des négatifs originaux révèlent son talent pour la lumière et la composition : un cratère de bombe devient un cercle abstrait et austère ; une rangée de casques sur une clôture fait écho aux courbes des feuilles de palmier à proximité. Selon les conservateurs, ces choix esthétiques élèvent son travail au-delà de la simple documentation pour en faire de l’art.

Pour les visiteurs, le message est clair : le Vietnam de Riboud n’était ni une tragédie ni un triomphe, mais une mosaïque de vies ordinaires affrontant des tempêtes extraordinaires. En replaçant son œuvre dans le contexte plus large de la photographie asiatique du XXe siècle, y compris son projet HikarIA en cours, qui utilise l’intelligence artificielle pour analyser des images historiques japonaises, le musée Guimet positionne Riboud à la fois comme artiste et anthropologue. Ses photographies ne se contentent pas de raconter l’histoire ; elles interrogent la façon dont l’humanité la subit.

Marc Riboud, Photographies du Vietnam, 1966-1976
5 mars – 12 mai 2025
Guimet – Musée national des arts asiatiques
6 place d’Iéna
75116 Paris

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