La collection Printemps/Été 2024 de Jeanne Friot, élégante fusion du passé et du présent, est imprégnée de symbolisme et cousue avec des fils d’espoir, de résistance et d’éternel combat pour l’identité. Baptisée “SIRENS”, elle redonne vie à la créature mythologique de la sirène, emblème d’un corps en perpétuelle transformation et métaphore intemporelle de l’identité queer.
À une époque où la communauté queer se trouve à l’épicentre d’un discours politique décourageant, cette collection résonne comme le chant d’une sirène, faisant écho à un appel à la reconnaissance et au respect. Elle intervient à un moment critique, avec la récente législation régressive au Tennessee et au Kentucky, mettant en péril les droits et l’existence des corps queer.
En réponse poignante à ces évènements, la collection “SIRENS” de Jeanne Friot s’élève telle un phénix, plaidant pour ces corps, ces vies, en état de siège, à travers une symphonie créative de la mode. La collection exprime un sentiment d’urgence, un appel à l’aide, mais elle tisse également une tapisserie d’espoir, symbolisant la résilience de l’identité queer.
Ce récit puise dans les profondeurs de l’histoire, faisant écho au poignant conte de la “Petite Sirène” de Hans Christian Anderson en 1837. La sirène, figure immortelle de l’hybridité, évoque l’identité queer – une identité altérée, niée et pourtant durable. Il est intéressant de noter que cette créature symbolique était une expression voilée de l’amour homosexuel réprimé d’Anderson, une facette souvent négligée au milieu de l’utopie scintillante présentée à nos jeunes âmes.
En revisitant cette figure, la collection “SIRENS” devient une plateforme pour exprimer le non-dit, pour manifester l’identité queer dans sa fluidité et sa beauté. Les métaphores muettes du passé prennent ainsi la parole, résonnant à travers le tissu des créations de Friot.
Cette collection se distingue également par son engagement en faveur de la durabilité et de la réinterprétation. En hommage à la déconstruction et à la reconstruction des récits, les vêtements eux-mêmes témoignent d’un parcours similaire. Les vieux vêtements sont réimaginés et reconstruits avec soin – les jeans sont méticuleusement déconstruits et retissés, les chemises sont démontées et recousues selon de nouveaux motifs.
En collaboration avec Cahu, la collection comprend également de larges sacs noirs sur lesquels sont inscrits des cris d’alarme, un rappel brutal des luttes menées et un appel à l’action pour la société. Ces éléments reflètent la philosophie de la “lecture réparatrice”, un terme emprunté au texte fondateur de la théorie queer d’Eve Kosofsky Sedgwick, “Closet Epistemology” (“Épistémologie du placard”), publié en 1990.
En fin de compte, “SIRENS” est une collection réparatrice. Elle est un témoignage de l’esprit indomptable de la communauté queer et de la bataille permanente pour l’acceptation et la compréhension. Tout comme le chant de la sirène, c’est un appel séduisant à la conscience collective, une demande mélodieuse de changement et une symphonie d’espoir qui résonne dans la mode.
© Photos : JEANNE FRIOT
Cliquez sur ce lien pour lire cet article dans sa version anglais