La persévérance finit parfois par payer. Meryll Rogge a décroché lundi le Grand Prix de l’ANDAM 2025, couronnant une ascension remarquable pour cette créatrice belge de 41 ans qui avait échoué aux portes du prix l’année dernière. Avec ses 300 000 euros de dotation, cette victoire marque un tournant décisif pour cette femme qui a su transformer l’échec en tremplin.
« Honnêtement, nous avons simplement dit les choses comme elles sont ; je n’ai pas vraiment changé grand-chose par rapport à l’année dernière », confie la lauréate avec une simplicité désarmante. Cette authenticité a visiblement séduit le jury présidé par Sidney Toledano, qui supervise désormais l’Institut Français de la Mode tout en conseillant Bernard Arnault chez LVMH.
La trajectoire de Meryll Rogge ressemble à un roman de formation contemporain. Née à Gand, diplômée en 2008 de la prestigieuse Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers, elle rêvait initialement de devenir illustratrice. Le destin en a décidé autrement lors de son passage à New York, où elle a troqué les pinceaux contre des échantillons textiles. Après sept années chez Marc Jacobs, elle a décroché le poste de designer principale, puis a fait un retour aux sources chez Dries Van Noten en 2014 en tant que responsable du design féminin.
C’est en 2020, en pleine pandémie, qu’elle a conquis son indépendance. Depuis, les succès s’accumulent : elle a été désignée créatrice de l’année aux Belgian Fashion Awards 2024, elle est finaliste du Woolmark Prize 2025 et surtout, ses créations ont été portées par Dua Lipa, Chloé Sévigny et Rihanna. Un parcours impressionnant, qui se voit également récompensé par l’intégration de plusieurs de ses pièces aux collections du MoMu d’Anvers et du Musée de la Mode et de la Dentelle de Bruxelles.
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« Cela montre simplement que nous progressons chaque année », analyse-t-elle avec lucidité. Son premier défilé parisien en mars dernier a présenté ce qu’elle considère comme ses « pièces les plus abouties », qu’elle a défendues devant le jury de l’ANDAM.
Selon ses propres termes, les plans pour dépenser cette manne financière sont « très clairs ». La priorité absolue est de développer les canaux de vente directe, notamment le commerce en ligne, un domaine encore inexploité pour sa marque. « C’est un enjeu important pour nous, car nous recevons beaucoup de visites sur notre site web, de nombreux messages privés, et nous ne pouvons jamais y répondre, ce qui est dommage », explique-t-elle.
L’expansion dans les accessoires est également au programme, notamment grâce à une collaboration avec la marque japonaise de chaussures Grounds. Cette diversification stratégique témoigne d’une vision entrepreneuriale mûrie par l’expérience.
Alain Paul, cofondateur d’Alainpaul avec son époux Luis Philippe, a remporté le Prix Spécial doté de 100 000 euros. Fort de ses dix années passées chez Vetements et Louis Vuitton, ce créateur mise lui aussi sur la vente directe. « Cela nous permet vraiment de travailler sur un plan de collection qui répond aux attentes des clients et de ne pas perdre de temps sur des pièces dont nous n’avons pas besoin », souligne Philippe.
Le Prix Pierre Bergé (100 000 euros) a été attribué à Burc Akyol, dont la marque genderless allie sensualité et austérité. « Vous ne vous y attendez jamais », confie-t-il, visiblement ému. « J’ai parlé de l’importance de l’artisanat et cela a résonné. Nous avons tendance à oublier le produit dans notre industrie aujourd’hui. »
Sarah Lévy de Sarahlevy a quant à elle remporté le Prix Accessoires, devançant le chausseur Philéo Landowski et le joaillier Marco Panconesi. Elle bénéficiera du mentorat de Sophie Delafontaine, directrice artistique de Longchamp.
Sidney Toledano connaît déjà tous les lauréats grâce au vaste réseau de LVMH. « Ces quatre gagnants sont exactement le type de candidats qui ont besoin de notre aide, car ils ont atteint une taille critique », explique-t-il. Cette proximité révèle la dimension stratégique de l’Andam pour les grands groupes, qui est un laboratoire d’observation des talents émergents.
Créé en 1989 par Nathalie Dufour avec le soutien du ministère de la Culture, l’ANDAM a propulsé des créateurs devenus des références internationales : Viktor & Rolf, Jeremy Scott, Marine Serre. Guillaume Houzé, qui préside aujourd’hui l’association, salue un palmarès qui « résume la puissance créative de notre époque ».
