Nike traverse la période la plus difficile de son histoire récente. Nike enregistre une sixième baisse consécutive de son chiffre d’affaires et peine à retrouver sa vitalité d’antan. Le géant américain du sportswear affronte des défis majeurs sur tous ses marchés clés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Le quatrième trimestre de l’exercice fiscal 2025 révèle un recul brutal. Le chiffre d’affaires s’établit à 11,1 milliards de dollars. La baisse atteint 12 % par rapport à la même période de l’année précédente. Les analystes s’attendaient à pire, avec des prévisions à 10,72 milliards de dollars. Mais cette relative bonne nouvelle ne suffit pas à rassurer les investisseurs.
Des résultats annuels préoccupants
L’année fiscale complète confirme la tendance négative. Le chiffre d’affaires de Nike s’élève à 46,3 milliards de dollars. Cette diminution de 10 % marque un tournant dans l’histoire de l’entreprise. Le résultat net chute encore plus violemment, à 3,22 milliards de dollars. Cette baisse de 44 % par rapport aux 5,7 milliards de l’année précédente inquiète sérieusement Wall Street.
Les trimestres précédents racontent la même histoire. Le troisième trimestre avait déjà révélé une baisse de 9 % avec 11,3 milliards de dollars de revenus. Le premier trimestre de l’exercice 2024-2025 avait déjà enregistré un recul de 10 % à 11,59 milliards de dollars. Cette série de baisses consécutives est inédite pour la marque à la virgule.

Elliott Hill face à un défi historique
Elliott Hill a repris les commandes en octobre 2024. Ce vétéran de l’entreprise est sorti de sa retraite pour tenter de redresser la barre. Ses 32 années passées chez Nike lui confèrent une connaissance intime de l’entreprise. Mais le contexte actuel est sans précédent.
Dès son arrivée, le nouveau directeur général a lancé la stratégie « Win Now ». Les premières mesures visent à recentrer Nike sur la performance sportive. La marque avait en effet dérivé vers une approche trop axée sur le lifestyle, au détriment de son ADN sportif. Hill entend reconstruire les relations avec les partenaires de gros, comme Foot Locker. Ces distributeurs traditionnels avaient été négligés au profit de la vente directe.
Plus récemment, Nike a dévoilé sa nouvelle approche, baptisée « Sport Offense ». Cette stratégie doit accélérer les actions engagées et permettre à l’entreprise de se repositionner. L’objectif affiché est de retrouver la croissance. Pour l’instant, les résultats financiers ne reflètent pas encore ces changements.
Le problème de Nike Direct
Les ventes directes de Nike rencontrent des difficultés particulières. Les ventes directes de Nike ont reculé de 14 % au quatrième trimestre, pour atteindre 4,4 milliards de dollars. Le commerce en ligne subit les baisses les plus sévères, avec un recul de 26 %. Seuls les magasins physiques de la marque résistent, affichant une légère hausse de 2 %.
Cette situation révèle une erreur stratégique majeure commise ces dernières années. L’ancienne direction avait en effet misé massivement sur la vente directe. L’objectif était de contrôler l’intégralité de l’expérience client et d’améliorer les marges. Mais cette approche a fragilisé les relations avec les détaillants traditionnels. Elle a également réduit la présence de Nike dans les points de vente physiques.
Le secteur de la vente en gros n’échappe pas non plus à cette tendance. Les ventes aux distributeurs tiers ont diminué de 9 % au cours du dernier trimestre. Elles s’établissent à 6,4 milliards de dollars. Les stocks excédentaires nécessitent des promotions importantes. Ces remises pèsent sur l’image premium de la marque.

La Chine reste un point noir
Le marché chinois est un véritable casse-tête pour Nike. La région du Grand China affiche les pires performances. Les ventes ont chuté de 21 % lors du premier trimestre fiscal de 2025. Le troisième trimestre confirme ces difficultés avec une nouvelle contraction. Les prévisions pour les trimestres à venir sont pessimistes.
Plusieurs facteurs expliquent cette débâcle. Les tensions politiques entre les États-Unis et la Chine pèsent sur les marques américaines. Les consommateurs chinois privilégient de plus en plus les marques locales, comme Anta Sports. Ces concurrents proposent en effet des produits adaptés au marché local à des prix attractifs. Le nationalisme commercial influence également les choix d’achat.
Pourtant, quelques signaux encourageants apparaissent. Le trafic e-commerce en Chine a ainsi progressé de 11 % sur un an. Cette amélioration survient après huit mois consécutifs de baisse. Elle suggère peut-être le début d’une stabilisation. Toutefois, il est encore trop tôt pour parler d’une reprise solide.
L’Amérique du Nord déçoit
Le marché américain ne parvient pas à compenser les faiblesses enregistrées ailleurs. Cette région génère 19,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel. Cette région demeure le premier marché de Nike. Mais les ventes y reculent également trimestre après trimestre. Les prévisions pour le prochain trimestre tablent sur une baisse de 4 à 4,5 milliards de dollars.
La concurrence s’intensifie sur le territoire américain. Hoka et On Holding grignotent des parts de marché dans la course à pied. Ces marques spécialisées séduisent les coureurs confirmés. Adidas regagne du terrain sur le segment lifestyle. New Balance connaît un succès inattendu auprès des jeunes consommateurs. Nike est attaqué sur tous les fronts.
L’Europe résiste mieux, mais fléchit
La région Europe, Moyen-Orient et Afrique fait preuve de plus de résilience. Elle réalise un chiffre d’affaires annuel de 12,2 milliards de dollars. Les baisses y sont moins prononcées qu’ailleurs. Cependant, la tendance reste négative, avec un recul d’environ 1 % prévu pour le trimestre en cours. Cette région ne peut pas à elle seule assurer la croissance du groupe.
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Les tarifs douaniers compliquent la donne
Les politiques tarifaires de l’administration Trump constituent une difficulté supplémentaire. Nike estime à un milliard de dollars le surcoût lié aux droits de douane sur les importations en provenance de Chine. Le directeur financier, Matthew Friend, a confirmé ces chiffres lors de la dernière présentation aux analystes.
L’entreprise réagit en diversifiant sa chaîne d’approvisionnement. La part des chaussures importées de Chine doit ainsi passer de 16 % à moins de 10 %. Cette réorganisation logistique prend du temps et coûte cher. L’entreprise prévoit également d’augmenter certains prix pour compenser partiellement l’impact de ces tarifs. Mais cette stratégie risque d’affaiblir encore davantage la demande.
Les marges sous pression
La marge brute subit une pression importante. Elle a en effet chuté de 330 points de base au troisième trimestre, pour atteindre 41,5 %. Cette détérioration reflète plusieurs phénomènes. Les promotions nécessaires pour écouler les stocks pèsent lourdement. Les coûts logistiques augmentent en raison de la réorganisation des chaînes d’approvisionnement. Les tarifs douaniers réduisent également les marges.
Le quatrième trimestre montre toutefois une légère amélioration, avec un taux de 45,4 %. Cette progression reste toutefois fragile. Elle repose sur des actions ponctuelles de réduction des coûts. La marge brute devra encore s’améliorer pour atteindre un niveau satisfaisant.
Des licenciements limités, mais symboliques
En août 2025, Nike a annoncé la suppression de moins de 1 % de ses effectifs. Ces licenciements concernent principalement les fonctions de direction. L’entreprise cherche à réduire ses frais généraux. Les frais de vente et d’administration ont baissé de 2 % sur un an au premier trimestre 2024-2025. Ces économies restent toutefois modestes au regard de l’ampleur des défis à relever.
Converse s’enfonce également
La filiale Converse aggrave les difficultés du groupe. La marque aux sneakers iconiques a enregistré un chiffre d’affaires de 1,692 milliard de dollars sur l’année. La baisse atteint 18 %. Le quatrième trimestre affiche un recul de 18 %, à 405 millions de dollars. Converse ne représente plus que 3,4 % du chiffre d’affaires total. Mais sa trajectoire négative inquiète.
Le segment des chaussures est le plus touché
Les chaussures constituent le cœur de métier de Nike. Ce segment a généré 29,51 milliards de dollars sur l’année. La baisse de 11,7 % est particulièrement marquante. Les vêtements baissent de 5,9 % à 12,9 milliards de dollars. Seul le segment des équipements progresse, avec une hausse de 5,6 % à 2,1 milliards de dollars. Mais ce segment reste marginal dans le portefeuille global.
La valorisation boursière corrigée
Fin septembre 2025, l’action Nike se négocie autour de 69 dollars. Le titre reste plus de 40 % en dessous de ses plus hauts historiques. La capitalisation boursière a fondu de plusieurs dizaines de milliards de dollars. En mars 2025, l’action avait perdu 9,3 % en une seule séance. Cette chute avait effacé 9 milliards de dollars de valorisation.
Le ratio cours sur bénéfice s’établit à 21,4 fois les bénéfices futurs. Ce multiple reste nettement inférieur à la moyenne historique, qui se situe au-dessus de 30. Les investisseurs ne sont pas convaincus par la capacité de rebond. Ils attendent des preuves concrètes d’amélioration avant de revenir en masse sur le titre.
Elliott Hill reconnaît que les résultats financiers ne sont pas à la hauteur des espérances. Il affirme toutefois que l’amélioration viendra grâce aux actions engagées. La stratégie « Sport Offense » doit permettre à Nike de retrouver son statut de leader. Le chemin sera long et semé d’embûches. Les prochains trimestres seront déterminants pour savoir si la marque peut réellement inverser la tendance.