Selon des sources proches du dossier, Nvidia prévoit de commercialiser une version moins performante de sa puce d’intelligence artificielle H20 dès juillet 2025. Face aux restrictions américaines qui bloquent l’exportation du modèle original, le géant des semi-conducteurs adapte sa stratégie pour préserver sa présence sur ce marché crucial.
Le fabricant américain aurait déjà informé ses principaux clients chinois, notamment les grands fournisseurs de services cloud, de son intention de lancer cette puce H20 modifiée dans les deux prochains mois. Cette décision fait suite à la notification par les autorités américaines le mois dernier que la version originale nécessiterait désormais une licence d’exportation, la rendant de facto inaccessible sur le marché chinois.
D’après les informations obtenues par Reuters auprès de trois sources différentes, les modifications apportées à la puce H20 incluront une réduction significative de ses performances, notamment de sa capacité mémoire. Ces ajustements techniques visent à respecter les nouveaux seuils définis par les restrictions américaines tout en maintenant une offre viable pour les entreprises chinoises.
La Chine, marché stratégique pour Nvidia
Jusqu’à présent, la puce H20 représentait le modèle d’IA le plus puissant de Nvidia autorisé à la vente en Chine. Son blocage marque une nouvelle étape dans les efforts de Washington pour limiter l’accès de Pékin aux technologies avancées de semi-conducteurs, notamment celles liées à l’intelligence artificielle.
Pour Nvidia, l’enjeu est considérable. La Chine représente en effet environ 17 milliards de dollars de revenus, soit 13 % du chiffre d’affaires total de l’entreprise sur l’exercice fiscal clos en janvier dernier. La demande pour ces puces était notamment portée par les géants technologiques chinois, comme Alibaba, Tencent et ByteDance, ainsi que par des startups spécialisées en IA comme DeepSeek.
La visite surprise de Jensen Huang à Pékin en avril dernier souligne l’importance stratégique du marché chinois pour Nvidia. Le PDG fondateur s’y était rendu juste après l’annonce des nouvelles restrictions, pour rencontrer des responsables officiels du pays. Lors de ces entretiens, Huang avait qualifié la Chine de « marché clé » pour son entreprise, exprimant son souhait de poursuivre la collaboration malgré le contexte géopolitique tendu.
Une guerre technologique qui s’intensifie
Cette situation s’inscrit dans un contexte plus large de guerre technologique entre les États-Unis et la Chine. Depuis 2022, Washington restreint l’exportation des puces les plus sophistiquées de Nvidia vers la Chine, invoquant des préoccupations liées à leur utilisation potentielle à des fins militaires. Ces contrôles ont été renforcés en octobre 2023, contraignant Nvidia à développer spécifiquement la puce H20 pour respecter les limitations imposées.
Selon une source, les clients pourraient potentiellement modifier la configuration du module afin d’ajuster les performances de la puce, suggérant que certaines optimisations resteraient possibles malgré les limitations techniques imposées.
Cette adaptation témoigne de la difficulté croissante pour les entreprises technologiques américaines de concilier les restrictions gouvernementales et leurs intérêts commerciaux sur le marché chinois. Pour Nvidia, maintenir sa position dominante dans le secteur des puces d’IA en Chine devient un défi de plus en plus difficile, car des concurrents locaux développent leurs propres alternatives.
La nouvelle version de la puce H20 devra trouver un équilibre délicat : respecter les contrôles à l’exportation américains tout en offrant suffisamment de puissance pour répondre aux besoins des développeurs chinois d’IA, qui travaillent sur des modèles nécessitant d’importantes capacités de calcul.
Sollicité par Reuters, Nvidia n’a pas souhaité faire de commentaire. Le département américain du Commerce n’a pas non plus répondu immédiatement aux demandes de commentaires.
Cette évolution intervient dans un contexte de tensions commerciales accrues entre les deux superpuissances. L’administration Trump poursuit globalement la politique de restrictions technologiques initiée sous l’administration Biden, limitant davantage l’accès de la Chine aux technologies d’intelligence artificielle avancées.
Les analystes du secteur observent attentivement cette situation, qui pourrait avoir des répercussions importantes sur l’écosystème mondial de l’intelligence artificielle dans les mois à venir.