Ubisoft franchit un cap stratégique en s’associant à Tencent pour créer une filiale centrée sur ses franchises phares : Assassin’s Creed, Far Cry et Tom Clancy’s Rainbow Six. Le géant chinois investit 1,16 milliard d’euros en échange de 25 % des parts de cette nouvelle entité, valorisée à 4 milliards d’euros. Cette collaboration vise à renforcer l’agilité du groupe français tout en consolidant ses finances après des années mouvementées.
Une réponse aux défis récents
Ces dernières années, Ubisoft a enchaîné les déconvenues : annulations de projets, fermetures de studios et résultats financiers en dents de scie. Le succès critique d’Assassin’s Creed Shadows, qui a franchi les 3 millions de joueurs, a offert un répit temporaire. Mais la pression reste forte pour redresser la barre, d’autant que le cours de l’action de l’entreprise a touché le fond. La création de cette filiale, pilotée par des équipes basées à Montréal, Barcelone ou Sofia, marque une tentative de recentrage sur les piliers solides du catalogue.
Des écosystèmes « evergreen » et multiplateformes
L’objectif est de transformer ces licences en écosystèmes durables et capables de séduire les joueurs sur le long terme. « Nous voulons être à la fois agiles et ambitieux », explique Yves Guillemot, PDG et cofondateur d’Ubisoft. Concrètement, la filiale bénéficiera d’une autonomie décisionnelle pour accélérer les sorties de contenu, développer des expériences solo enrichies et multiplier les modes multijoueurs. Les free-to-play et les fonctionnalités sociales seront également intégrés, une orientation déjà explorée avec Rainbow Six Siege ou The Division 2.
Tencent, un partenaire de poids
L’entrée de Tencent, déjà actionnaire minoritaire d’Ubisoft depuis 2018, renforce une relation de longue date. Martin Lau, président du groupe chinois, salue « la vision créative et le talent exceptionnel » des équipes françaises. Son investissement s’accompagne de droits de veto classiques pour un actionnaire minoritaire, mais Ubisoft conserve le contrôle exclusif de la filiale. Les clauses incluent une interdiction de cession des actions Tencent pendant cinq ans, sauf si Ubisoft perd sa majorité au capital.
Protection des emplois et feuille de route
Aucune suppression de poste n’est annoncée pour l’instant. Les équipes affectées aux trois franchises restent en place, tout comme les projets en développement. « Les catalogues existants et les jeux à venir font partie de la filiale », précise le communiqué. Ubisoft se concentrera parallèlement sur Ghost Recon et The Division, tout en explorant de nouvelles technologies pour ses futures IP.
Un modèle économique repensé
La transaction, prévue pour fin 2025, permettra à Ubisoft de réduire sa dette nette et d’accélérer sa mue. La filiale reversera des redevances en échange d’une licence exclusive et perpétuelle sur les trois licences. Pour Yves Guillemot, il s’agit de « cristalliser la valeur de nos actifs » tout en gardant la main sur la direction créative. L’expert indépendant Finexsi devra encore valider l’équité de l’opération, une formalité que le groupe peut contourner s’il le souhaite.
Réactions et attentes des joueurs
La communauté accueille la nouvelle avec prudence. Si certains saluent l’arrivée de fonds frais et la promesse de contenus réguliers, d’autres redoutent une influence accrue de Tencent sur le design des jeux. Le groupe chinois, propriétaire de Riot Games ou d’une partie d’Epic Games, a pourtant toujours privilégié une approche non intrusive avec ses partenaires. « Nous voyons un potentiel immense pour que ces franchises deviennent des plateformes de jeux pérennes », rassure Martin Lau.
L’avenir des licences emblématiques
Avec cette restructuration, Ubisoft espère insuffler un nouveau souffle à ses titres historiques. Assassin’s Creed, dont le prochain volet se déroulerait dans l’univers de la Renaissance, pourrait voir ses mises à jour s’accélérer. Rainbow Six, déjà porté par un modèle live service réussi, devrait étoffer son offre compétitive. Quant à Far Cry, la licence pourrait explorer des formules hybrides, mêlant campagne solo et éléments sociaux.
Pour les observateurs du secteur, cette opération représente une bouée de sauvetage pour Ubisoft. « Une somme significative », selon Charles-Louis Planade, directeur des opérations internationales du cabinet de courtage TP ICAP Midcap, « au vu des résultats de la société actuellement ».
L’action d’Ubisoft a d’ailleurs connu une hausse significative à l’annonce de cette nouvelle. Selon Reuters, le titre a augmenté de 10 % suite à l’annonce de l’investissement de Tencent dans la nouvelle filiale. Cette réaction positive du marché témoigne de la confiance des investisseurs dans cette nouvelle stratégie.
La création de cette filiale marque un tournant dans l’histoire d’Ubisoft, qui avait jusqu’ici préservé son indépendance malgré l’entrée de Tencent à son capital en 2018. Le groupe chinois détenait déjà environ 10 % d’Ubisoft, mais ce nouvel investissement renforce considérablement les liens entre les deux entreprises.
Les détails concernant l’organisation précise de cette nouvelle filiale, notamment son nom et sa structure exacte, n’ont pas encore été communiqués. Selon les informations disponibles, ces éléments devraient être précisés dans les prochains mois, avant la finalisation de la transaction prévue d’ici la fin de l’année 2025.
Pour Ubisoft, l’enjeu est désormais de transformer cette injection de capital en succès commercial, dans un secteur des jeux vidéo de plus en plus concurrentiel et exigeant. Le succès récent d’Assassin’s Creed Shadows, qui a attiré plus de trois millions de joueurs depuis son lancement, pourrait constituer un premier signe encourageant pour l’avenir du groupe.