Hier soir, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe : le président américain Donald Trump a annoncé des droits de douane à 100% sur les films produits hors des États-Unis. « L’industrie cinématographique américaine meurt très rapidement », a-t-il déclaré sur Truth Social, pointant du doigt les incitations financières offertes par d’autres pays pour attirer les tournages. Une décision qui secoue déjà le secteur, des studios hollywoodiens aux salles obscures européennes.
« C’est un effort concerté de la part d’autres nations et donc une menace pour la sécurité nationale », a martelé Trump, ajoutant que ces productions étrangères véhiculent « des messages et de la propagande ». Le secrétaire au Commerce Howard Lutnick a répondu par un laconique « Nous nous en occupons » sur X. Quid des détails pratiques ? Aucune précision n’a été fournie. Appliquera-t-on cette taxe aux plateformes de streaming ? Sur quels critères ? Coûts de production ou recettes en salles ? Le flou persiste, mais l’intention est claire : « Nous voulons des films fabriqués en Amérique, à nouveau ! »
Trump évoque un Hollywood moribond, mais les chiffres racontent une histoire plus nuancée. Si les revenus du box-office américain ont chuté de 31 % depuis 2019, ils remontent progressivement pour atteindre 8,7 milliards de dollars en 2024. La pandémie, les grèves des scénaristes et les incendies en Californie ont certes frappé l’industrie du cinéma. Pourtant, des blockbusters comme Thunder Force ont engrangé 76 millions de dollars lors de leur premier week-end d’ouverture. « C’est une mesure insensée », tempête un producteur britannique. « Les distributeurs indépendants feront faillite s’ils doivent absorber ces coûts. »
Des films comme Mission : Impossible – Dead Reckoning ou Gladiator 2, partiellement tournés à l’étranger, pourraient voir leurs budgets exploser. Les studios Disney, Paramount ou Warner Bros., qui économisaient jusqu’à 3,2 milliards de dollars en produisant hors des États-Unis, redoutent une compression de leurs marges. En réaction, la Chine a déjà réduit ses quotas de films américains, tandis que l’Australie et la Nouvelle-Zélande promettent de défendre leurs industries locales. « Ces tarifs pourraient porter un coup fatal à un secteur à peine remis du Covid », alerte Philippa Childs, dirigeante du syndicat britannique Bectu.
« Le véritable enjeu, c’est l’emploi », rappelle un cadre d’une major hollywoodienne. En Californie, les tournages ont chuté de 40 % en dix ans. Les techniciens, maquilleurs ou ingénieurs du son pourraient migrer vers Toronto, Vancouver ou Londres, où les incitations fiscales restent attractives. « Trump ignore comment les films se fabriquent », déplore Kathryn Arnold, consultante dans le secteur du divertissement. « Le cinéma est une économie globale. Taxer les productions étrangères, c’est menacer un écosystème entier. »
Cette annonce s’inscrit dans une série de mesures protectionnistes qui fragilisent les marchés, telles que les taxes sur l’acier et l’aluminium ou encore les restrictions sur les médicaments. « Les représailles seront dévastatrices », prévient William Reinsch, ex-responsable du Commerce. Les bourses ont déjà réagi : Disney, Netflix et Paramount ont vu leurs actions chuter ce matin. Pendant ce temps, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, tente de sauver les meubles avec un plan de crédits d’impôt de 2,5 milliards de dollars.
Reste une question : comment définir un « film étranger » à l’ère des coproductions délocalisées ? Avatar : Fire and Ash (tourné en Nouvelle-Zélande) ou Spider-Man : Brand New Day (Royaume-Uni) seront-ils considérés comme des films américains grâce à leurs studios américains ? Le flou artistique règne. « C’est typique de Trump : il annonce aujourd’hui quelque chose qu’il contredira demain », ironise le producteur néo-zélandais Barnett.
En voulant protéger Hollywood, Trump risque de l’isoler. Les salles obscures s’adaptent, les plateformes dominent, et les créateurs cherchent à raconter des histoires universelles. La taxe de 100 % ressemble davantage à un coup de canon dans l’aile d’une industrie déjà en turbulence qu’à un bouclier.