Antonio Filosa face aux nouveaux défis de Stellantis

Le nouveau PDG du groupe, Antonio Filosa, est confronté à d'immenses défis. Il doit notamment restaurer la confiance des clients, clarifier la stratégie électrique, gérer un portefeuille de marques complexe et affronter la concurrence mondiale.

Par
Aurélien Ronto
Né au début des années 1990 dans la région parisienne, Aurélien Ronto est un journaliste spécialisé dans l'automobile qui a su transformer sa passion pour les...
9 Minutes de lecture
© Photo : Stellantis

Un vent nouveau souffle sur Stellantis. Après des mois d’incertitude suivant le départ de Carlos Tavares en décembre 2023, le géant de l’automobile a enfin un nouveau pilote aux commandes. Son nom est Antonio Filosa et sa mission s’apparente à une véritable épopée.

Cet Italo-Brésilien de 52 ans, pur produit du groupe Fiat où il a fait ses classes dès 1999, prend la tête d’un empire aux fondations solides, mais qui montre des signes de fragilité. Pour les passionnés d’automobile, l’arrivée d’Antonio Filosa à la tête de Stellantis est bien plus qu’un simple changement de direction. C’est le début d’un nouveau chapitre, avec des défis colossaux à relever sur tous les fronts.

- Publicité -

Son parcours est impressionnant : une ascension fulgurante qui l’a mené des usines brésiliennes à la direction de Jeep, puis de toute la branche sud-américaine du groupe.

Sa nomination, officialisée le 28 mai pour une prise de fonction le 23 juin, n’est pas une surprise pour ceux qui suivent les coulisses du secteur. Il était déjà pressenti pour succéder à Tavares. Il hérite d’une situation complexe : un groupe qui a enregistré des bénéfices records en 2023, mais dont la marge et les ventes ont dangereusement chuté en 2024. Le nouveau dirigeant devra transformer les obstacles en opportunités.

- Publicité -

Un nouveau style pour apaiser les tensions

Sa première tâche sera de changer le ton. La méthode de Carlos Tavares, très directive et axée sur la réduction des coûts, a laissé des traces. Si elle a enrichi les actionnaires, elle a aussi tendu les relations à tous les niveaux. Filosa est réputé pour son approche plus collaborative et humaine, qualité essentielle pour ressouder les équipes.

Il devra d’abord restaurer les liens avec le réseau de concessionnaires. Ces derniers, qui sont souvent en première ligne face aux clients mécontents, ont accueilli sa nomination avec soulagement. L’ombre du contrat d’agent, projet que Tavares voulait imposer, plane toujours. Filosa pourrait choisir de mettre ce sujet explosif de côté pour un temps, afin de rétablir une base de confiance.

- Publicité -

La même logique s’applique aux fournisseurs. Beaucoup de grands partenaires du groupe s’étaient plaints de l’ingérence constante de l’ancienne direction. Le nouveau patron mise sur des relations plus saines et durables, car il sait qu’une chaîne d’approvisionnement solide est vitale pour la production.

Enfin, il y a le défi interne. Stellantis est né de la fusion entre PSA et FCA en 2021, mais l’entreprise doit encore atteindre une cohésion culturelle et opérationnelle. La nomination d’un pur produit Fiat a pu raviver quelques craintes du côté français. Filosa doit désormais prouver qu’il est le patron de tout le groupe et qu’il est capable de faire travailler ensemble des marques françaises, italiennes et américaines, tout en apaisant les tensions qui ont pu naître, notamment entre Paris et Rome.

- Publicité -

Suivez toute l’actualité d’Essential Homme sur Google Actualités, sur notre chaîne WhatsApp, ou recevoir directement dans votre boîte mail avec Feeder.

La reconquête du produit et du client

Le plus grand chantier est peut-être celui de la confiance. Les affaires des airbags défectueux Takata ou des problèmes de fiabilité des moteurs PureTech ont durablement terni l’image des marques du groupe. Pour Filosa, la priorité absolue sera d’allouer les budgets nécessaires pour garantir la qualité et la fiabilité. C’est la condition sine qua non pour regagner le cœur des clients et en séduire de nouveaux.

- Publicité -

Reconquérir les clients passe également par l’émotion. Vous vous souvenez sans doute de projets passionnants sacrifiés par le passé sur l’autel de la rentabilité. Une Peugeot 208 cabriolet prête à sortir, le renouvellement du coupé RCZ, autant de voitures qui font rêver et construisent une image de marque forte. Pour vendre, il faut donner envie. Fort de son expérience sur d’autres marchés, Antonio Filosa saura-t-il rallumer cette flamme en Europe ? Sa capacité à allier passion et pragmatisme sera déterminante.

Le plan produit est la clé de voûte de cette stratégie. Il faut des modèles désirables et fiables. DS, par exemple, a l’obligation de réussir et son avenir proche semble assuré par un plan solide. Mais pour d’autres, l’avenir est plus incertain.

Une stratégie industrielle et électrique à clarifier

Stellantis doit également faire face à un portefeuille de marques pléthorique. À l’instar de General Motors, le groupe pourrait devoir faire des choix difficiles. Maserati semble particulièrement menacée si des investissements importants ne sont pas consentis rapidement. Lancia a besoin d’un véritable réseau pour survivre. Il faudra également trancher sur le sort de Leapmotor, la marque chinoise intégrée au groupe, dont le lancement en Europe a été difficile.

Parallèlement, la transition vers le tout électrique constitue un véritable casse-tête stratégique. L’Europe maintient le cap d’une interdiction des moteurs thermiques neufs à partir de 2035, mais le marché ralentit. Filosa devra donc naviguer avec finesse, adaptant la vitesse de l’électrification selon les continents.

À la différence de son prédécesseur, qui avait claqué la porte de l’Association des constructeurs européens, il devra jouer collectif pour obtenir des aménagements et préserver une part de thermique, y compris en Europe.

Cette rationalisation aura des conséquences sur l’outil industriel. Les syndicats, notamment en France, s’inquiètent de l’avenir de certaines usines, comme celle de Poissy. Le nouveau patron devra trouver un équilibre délicat pour satisfaire les gouvernements français, italiens et américains, tout en optimisant la production.

Les grands défis mondiaux d’Antonio Filosa

Le champ de bataille de Stellantis est mondial. Les États-Unis représentent un enjeu majeur. Antonio Filosa y est déjà considéré comme légitime, lui qui a redressé la barre en Amérique du Sud. Sa proximité avec l’administration Trump, dont il a accompagné John Elkann lors de l’investiture, est un atout indéniable pour naviguer dans un contexte politique complexe et redresser les comptes sur ce marché crucial.

L’autre grande menace vient de l’Est. La concurrence chinoise est redoutable. Des marques comme BYD ou MG déferlent sur l’Europe avec des véhicules électriques à des prix très compétitifs. Stellantis a subi une double peine : ses propres marques ont sous-performé sur le marché chinois tandis que l’Europe ouvrait grand ses portes à ces nouveaux acteurs. Le groupe commence à proposer des véhicules électriques plus abordables, mais la lutte s’annonce féroce.

Tout cela ramène à l’ultime défi : avoir une vision à long terme. La course aux profits à court terme a montré ses limites. Après des bénéfices historiques, le groupe a connu une chute brutale en 2024, avec une marge opérationnelle qui est passée de 12,8 % à 5,5 % et des ventes en recul de 12 %.

Antonio Filosa doit mettre en place une stratégie durable, basée sur un plan produit solide, une capacité à séduire et une fiabilité retrouvée. C’est à ce prix que Stellantis pourra non seulement survivre, mais aussi prospérer dans le paysage automobile de demain.

- Publicité -
ÉTIQUETTES :
Partager cet article