La collection Balenciaga Haute Couture automne 2025 marque un tournant décisif. Demna Gvasalia a orchestré son ultime défilé couture, transformant les salons parisiens de la maison en laboratoire d’expérimentation vestimentaire. Cette présentation finale révèle une approche totalement repensée du vêtement masculin, loin des codes traditionnels de la haute couture.

Le créateur géorgien a choisi de révolutionner la notion même de silhouette masculine. Sa fascination pour un documentaire sur la taillerie napolitaine l’a conduit à une découverte troublante : certaines vestes sont cousues comme des chemises. Cette technique artisanale italienne devient le fil conducteur de sa vision moderne du tailoring. « C’est vraiment ainsi que le tailleur moderne devrait être », explique-t-il, avec cette conviction qui caractérise son travail depuis dix ans chez Balenciaga.
L’expérience la plus radicale de cette collection masculine réside dans sa conception du rapport entre le corps et le vêtement. Demna a fait appel à un culturiste napolitain dont la carrure imposante a nécessité plusieurs essayages dans les salons de couture. Ce corps atypique, avec son torse en tonneau qui frôlait les encadrements de portes, est devenu le point de départ d’une réflexion approfondie sur l’ajustement vestimentaire.
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Le même costume, décliné ensuite sur des morphologies plus menues, dont celle de son époux, Loïck Gomez, appuie cette théorie audacieuse. « Je voulais souligner l’idée que ce n’est pas le vêtement qui définit la silhouette, mais le corps qui porte le vêtement », précise le designer. Cette approche bouleverse les fondements mêmes de la haute couture masculine, qui est traditionnellement obsédée par la précision de la coupe.

Les archétypes vestimentaires de Demna sont magnifiés dans cette ultime collection. Les bombers surdimensionnés, les trenchs traînants et les cuirs de motard en sont les éléments essentiels. Habituellement cantonnées au prêt-à-porter, ces pièces accèdent ici au statut de haute couture grâce à un travail technique minutieux. Le créateur a intégré ses propres codes vestimentaires au patrimoine de la maison Balenciaga, créant ainsi un langage inédit pour l’homme contemporain.
La démonstration culmine avec l’apparition du créateur lui-même, vêtu de son uniforme habituel : un sweat à capuche délavé, une casquette Balenciaga et un pantalon camouflage. Cette tenue, qu’il portait lors de ses adieux publics, synthétise parfaitement sa philosophie : faire de la couture un langage accessible et pertinent pour l’époque actuelle. Son mari, qui défile dans un costume business oversized aux derbys démesurément allongés, incarne cette nouvelle élégance masculine décontractée.

L’environnement choisi pour présenter cette collection révèle une volonté de contextualisation urbaine. Les images diffusées montrent les mannequins évoluant dans le Paris réel : sous les ponts, près des entrées de métro, devant des commerces aux rideaux tagués. Cette mise en scène délibérément prosaïque répond à l’ambition du créateur de « rendre la couture pertinente » et de la « placer dans un contexte, pas dans un palais, pas dans ce salon magnifique, mais là-bas, dans la vraie vie ».
Cette approche transgressive remet en question les frontières entre haute couture et streetwear masculin. Demna est parvenu à insuffler une énergie nouvelle à un secteur parfois figé dans ses traditions. Son départ pour Gucci, prévu pour mars prochain, laisse derrière lui un héritage masculin incontestable : celui d’avoir démocratisé la haute couture sans en altérer l’excellence technique.