Guram Gvasalia présente une collection Vetements printemps 2026 qui interroge autant qu’elle provoque. Dans un bâtiment parisien délabré, à proximité des Champs-Élysées, le directeur artistique géorgien a orchestré un spectacle sensoriel violent, où la techno martelée et les stroboscopes aveuglants perturbaient la lecture des vêtements. Certains mannequins se sont même égarés dans la fosse des photographes, incapables de distinguer leur chemin.

La proposition masculine du défilé repose sur une déconstruction radicale du vestiaire urbain contemporain. Les jeans skinny côtoient des manteaux de cuir aux cols démesurés engloutissant littéralement le visage de celui qui les porte. Gvasalia injecte une dose d’ironie bienvenue avec des T-shirts brodés du message « I AM NAKED UNDERNEATH MY CLOTHES », clin d’œil frontal à la tradition provocatrice de la maison.
Les pièces de tailoring réservent de belles surprises pour l’homme du printemps 2026. Les blazers présentent une coupe classique sur le devant, mais leur dos ouvert défie toute convention. Un mannequin portait ainsi un jean hybride, en denim à l’avant et en plastique transparent à l’arrière, incarnant littéralement le concept « tout pour l’apparence » que Gvasalia entend dénoncer.
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Les références à Martin Margiela s’imposent naturellement. Gvasalia vénère le maître belge anonyme et ces masques opaques qui dissimulent les visages des mannequins renvoient directement à cette esthétique postmoderne démocratique. La déconstruction des trenchs et du tailoring atteint une maîtrise technique indéniable, même si l’exécution finale pose question.
Le vestiaire clubwear domine la proposition masculine. Les polos rayés rétrécis, les T-shirts courts et les pantalons cargo oversize s’adressent à une génération qui refuse l’uniforme. Les blousons aviateur gonflés se juxtaposent à des ensembles en tweed miniaturisés, créant une tension visuelle entre le masculin et le féminin qui enrichit l’ensemble.
Les détails techniques méritent qu’on s’y attarde. Les épaulettes projetées vers l’avant évoquent avec intelligence la posture voûtée de notre époque rivée aux écrans. Les cols « intimité » montés très haut sur les manteaux, parfois équipés de pressions permettant de les connecter aux casquettes de baseball pour former un espace anti-photos hermétique, sont une trouvaille pertinente.

Les accessoires et les pièces secondaires racontent une autre histoire. Les débardeurs souvenirs de Paris ornés de strass évoquent avec nostalgie la fin des années 1990. Les coussins de voyage gonflables, les cuirs acérés et ce denim « dégoulinant » forment un vocabulaire hybride alliant fonctionnalité et absurdité.
Cara Delevingne a marqué le défilé par sa présence sereine, malgré des talons démesurés et une mise en scène chaotique. Le rappeur Yeat et Winnie Harlow ont également défilé, apportant cette dimension de la culture urbaine que la maison cultive depuis ses débuts.
La collection véhicule un message sur notre société d’apparences. Gvasalia observe que les stars qu’il habille portent de moins en moins de vêtements sur scène, ce qui nourrit son obsession du « devant normal, derrière dénudé ». Cette réflexion sur notre monde, perçu uniquement à travers des écrans plats, trouve une traduction littérale dans les coupes.
Certaines références politiques ont créé le malaise. Les t-shirts « No Swastika » qui ouvraient le défilé, inspirés par une croix gammée que Gvasalia avait vue taguée près du siège suisse de Vetements, semblaient davantage relever de la provocation que d’un véritable message. Les aboiements de chiens qui accompagnaient l’ouverture restaient incompréhensibles pour quiconque ignorait leur lien avec l’histoire de réfugié du créateur.
Malgré des concepts parfois douteux, la technique de fabrication des pièces impressionne. Les vêtements témoignent d’un savoir-faire indiscutable, preuve que Gvasalia maîtrise son métier au-delà de la simple capacité à faire le buzz. Cette collection printemps-été 2026 confirme que Vetements est une maison capable de formuler des idées intelligentes, tout en flirtant dangereusement avec les limites du mauvais goût.