Nvidia suspend la production de sa puce d’IA H20 destinée à la Chine

Nvidia suspend la production de sa puce H20 pour la Chine suite aux pressions géopolitiques croissantes et aux réactions chinoises aux déclarations américaines controversées sur la « dépendance technologique ».

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Christian Morizot
Christian Morizot
Pigiste ardu
Christian Morizot, c’est un peu le couteau suisse du numérique : pigiste depuis presque dix ans, il a roulé sa bosse dans la tech et le...
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© Photo : Stock_Market_Visuals (Depositphotos)

Le géant américain des semi-conducteurs Nvidia a ordonné à certains de ses fournisseurs de cesser la production de la puce d’IA H20, spécialement conçue pour le marché chinois. Cette décision marque un nouveau tournant dans les tensions sino-américaines autour de l’intelligence artificielle.

Selon des informations obtenues par le site The Information, Nvidia a demandé cette semaine à l’entreprise américaine Amkor Technology, basée en Arizona, de cesser la production des puces H20. Le groupe sud-coréen Samsung Electronics, qui fournit les mémoires haute performance pour ce modèle, a également été informé de cette suspension. Amkor se charge de l’assemblage avancé des composants, tandis que Samsung apporte son expertise en matière de mémoire HBM (High Bandwidth Memory).

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La situation est particulièrement délicate pour Nvidia, qui doit jongler entre les exigences réglementaires américaines et ses intérêts commerciaux en Chine. Un porte-parole de l’entreprise californienne a déclaré : « Nous gérons constamment notre chaîne d’approvisionnement pour répondre aux conditions du marché. »

Les autorités chinoises ont récemment convoqué plusieurs entreprises technologiques locales, dont les géants d’Internet Tencent et ByteDance, pour discuter de leurs achats de puces H20. Pékin exprime en effet des préoccupations croissantes concernant les risques informationnels liés à ces composants américains.

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Cette escalade fait suite aux déclarations controversées d’Howard Lutnick, secrétaire américain au Commerce, qui avait évoqué, lors d’une interview sur CNBC en juillet dernier, la volonté de rendre la Chine « dépendante » de la technologie américaine. « Nous ne leur vendons pas nos meilleurs produits, ni les deuxièmes, ni même les troisièmes. Je pense que nous sommes arrivés au quatrième niveau, ce qui nous convient », avait-il précisé.

Ces propos ont particulièrement irrité les dirigeants chinois, qui y voient une référence insultante aux guerres de l’opium du XIXe siècle. Cette période historique douloureuse, au cours de laquelle la Grande-Bretagne avait imposé la légalisation de l’opium en Chine, est restée gravée dans la mémoire collective comme le début du « siècle de la honte » chinois.

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Les organismes de régulation chinois, dont l’Administration du cyberespace (CAC), la Commission nationale du développement et de la réforme (NDRC) et le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT), travaillent désormais activement à réduire la dépendance aux puces Nvidia. Les entreprises chinoises reportent leurs commandes et diminuent leurs achats de processeurs graphiques d’intelligence artificielle du constructeur américain.

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Cette offensive s’inscrit dans une stratégie plus large de Pékin. Les régulateurs chinois poussent déjà les entreprises locales à délaisser les GPU Nvidia, notamment le modèle H20. Les médias d’État la qualifient d’obsolète et dangereuse, tandis que le gouvernement impose aux centres de données nationaux d’acheter au moins 50 % de leurs puces d’intelligence artificielle auprès de fabricants locaux.

Nvidia avait pourtant misé gros sur ce marché. L’entreprise dirigée par Jensen Huang avait initialement enregistré une forte demande pour ce modèle et augmenté ses commandes auprès de TSMC pour répondre à la demande chinoise. Cette puce représentait un compromis technologique permettant de contourner partiellement les restrictions d’exportation américaines, tout en conservant une présence sur le marché chinois très lucratif.

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Malgré ces tensions, les alternatives chinoises ont encore du mal à rivaliser pleinement avec l’écosystème Nvidia. Si des entreprises comme Huawei ou Cambricon développent des puces compétitives sur le papier pour certaines applications spécifiques, l’écosystème logiciel de Nvidia, notamment CUDA, reste difficilement remplaçable pour les développeurs chinois.

Pour Nvidia, perdre définitivement le marché chinois représenterait un manque à gagner considérable, car la Chine est l’un de ses débouchés les plus importants en matière d’intelligence artificielle.

Cette nouvelle escalade pourrait accélérer les investissements chinois dans les technologies domestiques et intensifier la fragmentation technologique mondiale. Les entreprises technologiques des deux côtés du Pacifique devront naviguer avec prudence dans cet environnement de plus en plus polarisé.

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