La collection Printemps 2026 de Saint Laurent marque un tournant radical pour Anthony Vaccarello. Le créateur artistique abandonne l’esthétique sombre qui caractérisait ses précédentes propositions pour explorer un univers chromatique inédit, riche en nuances sophistiquées et en références culturelles profondes.

L’après-midi ensoleillé du mardi a transformé la rotonde de la Bourse de Commerce en théâtre d’une révélation stylistique. Les invités ont découvert l’installation hypnotique de Céleste Boursier-Mougenot : des bols en céramique blanche flottent sur un bassin d’eau turquoise, créant une mélodie apaisante à chaque collision. Cette mise en scène poétique annonçait parfaitement l’esprit de la collection.
Vaccarello a orchestré un défilé où ses mannequins filiformes évoluaient avec désinvolture autour du bassin. Avec leurs lunettes de soleil surdimensionnées rappelant celles de Johnny Depp dans Charlie et la Chocolaterie, leurs mains nonchalamment glissées dans les poches de shorts audacieux ou de pantalons fuselés aux plis multiples, les mannequins semblaient sortir tout droit d’un monde imaginaire.
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Le directeur artistique révèle sa maîtrise grandissante des associations chromatiques. L’ocre et le kaki, empruntés à sa magnifique collection féminine d’automne, se retrouvent ainsi que la menthe et le marine, qui s’accordent avec élégance. Or, vert forêt et bordeaux viennent compléter cette palette automnale inspirée des portraits de Larry Stanton.

« Moins sombre, plus lumineux, plus sensuel, plus amusant », résume le créateur pour décrire cette collection printemps. Cette approche évoque « un moment suspendu » entre Paris et Fire Island dans les années 70.
Une photographie en noir et blanc du fondateur Yves Saint Laurent sur un court de tennis vers 1950 figure sur le programme du défilé. Ses jambes élancées dépassent de shorts décontractés identiques à ceux présentés sur le podium. Cette référence historique ancre la collection dans l’ADN de la maison tout en la projetant vers l’avenir.
Vaccarello concentre son énergie créatrice sur les chemises, véritables vedettes de cette collection. Avec leurs épaules saillantes grâce à des baleines extra-longues amovibles, leurs volumes généreux des années 80 qui flottent au-dessus des pantalons fuselés, ces chemises rappellent les modèles phares des années 80. Soies fluides aux poches militaires, nylons techniques quasi transparents déclinés en citron et kaki.

Certaines pièces adoptent la coupe des blousons bombardier, tandis que d’autres évoquent l’anorak soigneusement rentré. La construction suit des lignes fluides, accompagnée de cravates en soie unie portées à chaque sortie, glissées dans la chemise entre le troisième et le quatrième bouton.
« C’est un geste simple, mais qui donne une autre perspective de la silhouette », explique Vaccarello. « C’est moins strict, moins formel. »
Cette collection puise dans l’histoire queer, notamment à travers Fire Island des années 80. Vaccarello rend hommage aux artistes Patrick Angus et Billy Sullivan, ainsi qu’à toute une génération de jeunes hommes emportés par le sida. Les couleurs vibrantes des portraits d’artistes nourrissent directement sa palette.
« Parce que je suis gay », répond simplement le créateur quand on l’interroge sur cette inspiration. « Mais aussi parce qu’ils ont vécu une période intense et amusante, sans savoir ce qui allait leur arriver. Je relie cela à ce qui se passe aujourd’hui en général. »
Cette réflexion sur l’instant présent et la joie de vivre traverse toute la collection, offrant une alternative lumineuse à la morosité ambiante.