Les automobilistes français peuvent pousser un soupir de soulagement. Mercredi 28 mai 2025, l’Assemblée nationale a voté la suppression des zones à faibles émissions par 98 voix contre 51, marquant potentiellement la fin d’un dispositif profondément diviseur depuis sa généralisation.
Un dispositif controversé depuis ses débuts
Les zones à faibles émissions (ZFE) faisaient partie des mesures environnementales les plus critiquées de ces dernières années. Initialement lancées en 2018 avec Paris comme seule agglomération concernée, elles se sont progressivement étendues jusqu’au 1er janvier 2025, date à laquelle toutes les villes de 150 000 habitants ou plus ont dû mettre en place leurs propres zones restrictives.
Le principe semblait pourtant logique : interdire l’accès aux centres-villes pour les véhicules les plus polluants, identifiés par les vignettes Crit’Air. L’objectif affiché était d’améliorer la qualité de l’air urbain, un enjeu sanitaire majeur quand on sait que la pollution atmosphérique cause 40 000 décès par an selon Santé publique France.
Mais la réalité du terrain s’est révélée bien différente des intentions initiales. Les automobilistes ont rapidement pointé les incohérences du système : certains SUV récents et très émetteurs de CO₂ pouvaient circuler librement, tandis que des citadines plus anciennes mais efficientes énergétiquement, comme les Renault Clio ou Peugeot 206, se retrouvaient bannies.
Un vote transpartisan contre l’injustice sociale
Le débat parlementaire a révélé une opposition massive et inhabituelle, rassemblant des députés de tous bords politiques. « Les ZFE sont un dispositif de séparatisme territorial » et « ne servent à rien », a déclaré Pierre Meurin du Rassemblement national, « ému » de pouvoir défendre un combat qui l’anime « depuis quatre ans ».
Cette convergence politique s’explique par la dimension sociale du problème. « L’amélioration de la qualité de l’air ne peut pas se faire au détriment des plus démunis », a souligné Ian Boucard, de La République en Marche. Un constat que partage Corentin Le Fur du même groupe, qui qualifie les ZFE de « mesure la plus injuste qui soit », susceptible de « dégoûter de l’écologie » les classes populaires.
La gauche elle-même s’est montrée divisée. Manon Meunier de La France Insoumise a rappelé que son parti s’était toujours opposé aux ZFE. « C’est une mesure très mal faite, qui crée des inégalités sociales », a-t-elle préféré défendre, en défendant une « écologie populaire ».
Le gouvernement isolé face au mécontentement
Le gouvernement a tenté de sauver les meubles en proposant des aménagements plutôt que de les supprimer totalement. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, a défendu un dispositif restreint aux seules agglomérations de Paris et Lyon, laissant le choix aux autres maires.
« Oui, il faut adapter les ZFE pour renforcer leur acceptabilité », a soutenu le corapporteur Stéphane Travert, tentant de trouver un compromis. Mais cette position modérée n’a pas convaincu l’hémicycle, qui a préféré l’abrogation pure et simple proposée par la commission.
Même les partisans habituels de l’écologie ont reconnu les limites du dispositif. « Les ZFE sont un outil non abouti », a admis Sandra Regol du groupe Écologiste, énumérant les mesures d’accompagnement nécessaires, comme les aides à l’achat ou les parkings relais.
Des conséquences européennes importantes
La suppression des ZFE soulève toutefois des questions majeures concernant les engagements européens de la France. Le dispositif avait été mis en place conformément aux directives de l’Union européenne, qui avait accordé 40 milliards d’euros de subventions pour son déploiement.
Cette situation place désormais la France dans une position délicate. Non seulement elle risque de perdre ces financements européens, mais elle pourrait également faire face à de lourdes pénalités pour non-respect des accords initiaux. Une perspective qui complique singulièrement les finances publiques déjà fragilisées.
Le parcours législatif reste incertain
Malgré ce vote favorable à l’Assemblée nationale, l’avenir des ZFE n’est pas définitivement scellé. Le projet de loi doit maintenant être examiné par la Commission mixte paritaire, où de nouvelles discussions pourraient avoir lieu. Les prochaines semaines seront donc déterminantes pour connaître le sort final de ce dispositif controversé.
Cette étape supplémentaire laisse encore du temps aux différents acteurs pour affiner leurs positions. Les collectivités locales, qui ont investi massivement dans la mise en place de ces zones, observent attentivement la suite de l’affaire.
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