Le testament de Giorgio Armani ordonne une vente progressive de son empire

Le testament de Giorgio Armani ordonne la vente progressive de sa maison de couture, privilégiant LVMH, L'Oréal et EssilorLuxottica tout en préservant l'identité italienne via une fondation détenant 30% minimum.

Par
Duc Tran
Duc TRAN
Éditeur en chef
Après s'être formé en langues (anglais et vietnamien) et en économie internationale, Duc TRAN pivote vers le journalisme, porté par sa passion pour l'écriture. C'est une...
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© Photo : Giorgio Armani

Giorgio Armani avait tout prévu. Le créateur italien, décédé le 4 septembre dernier à l’âge de 91 ans, a organisé l’avenir de sa maison de couture, évaluée entre 5 et 12 milliards d’euros, dans ses dernières volontés. Le testament de Giorgio Armani, consulté par l’agence de presse Reuters, dévoile une stratégie de cession progressive qui pourrait bouleverser le paysage du luxe mondial.

Un plan de succession minutieusement orchestré

Surnommé « King Giorgio » par ses pairs, Armani savait qu’il n’avait pas d’enfant pour reprendre son héritage. Ses héritiers devront vendre une première tranche de 15 % de la société italienne dans les 18 mois suivant son décès. Une seconde phase prévoit la cession d’une participation supplémentaire comprise entre 30 % et 54,9 % dans les trois à cinq ans suivant le décès du couturier.

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Le document, rédigé en mars et en avril 2024, désigne clairement les acquéreurs prioritaires. LVMH, L’Oréal et EssilorLuxottica figurent en tête de liste, aux côtés d’autres groupes « de rang équivalent » identifiés par la fondation Giorgio Armani.

Cette révélation surprend les observateurs du secteur. Armani avait toujours refusé de diluer son contrôle ou d’introduire son groupe en Bourse, préservant jalousement son indépendance italienne.

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LVMH en position de force

Bernard Arnault et son groupe LVMH semblent les mieux placés pour saisir cette opportunité. Avec une capitalisation de 240 milliards d’euros et une réputation d’investisseur patient, le groupe français dispose des moyens financiers nécessaires.

« LVMH serait probablement le plus intéressé des trois par une participation, compte tenu de l’adéquation stratégique », analysent les experts de Berenberg. Ils estiment que le groupe pourrait facilement s’offrir Armani, qu’ils valorisent entre 5 et 7 milliards d’euros.

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L’Oréal, qui détient une licence d’exploitation avec Armani jusqu’en 2050, a confirmé vendredi qu’il étudierait cette opportunité. EssilorLuxottica, contrôlé par les héritiers de Leonardo Del Vecchio et lié commercialement à Armani, s’est également déclaré prêt à examiner un éventuel accord.

La fondation gardienne des valeurs

Le testament prévoit un système de gouvernance complexe. La Fondazione Giorgio Armani et Pantaleo Dell’Orco, le bras droit du créateur, détiendront respectivement 30 % et 40 % des droits de vote. Ensemble, ils contrôleront 70 % du pouvoir décisionnel.

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« La fondation ne détiendra jamais moins de 30 % du capital, agissant ainsi comme un garant permanent du respect des principes fondateurs », précise le comité exécutif d’Armani. La fondation proposera également le nom du successeur de Giorgio Armani au poste de directeur général.

Cette structure vise à préserver l’ADN de la marque. Dell’Orco présidera le conseil d’administration de cinq membres, aux côtés d’Irving Bellotti (Rothschild), d’Andrea Camerana (le neveu d’Armani) et de deux membres extérieurs à la famille.

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Un empire fragilisé, mais toujours attractif

Malgré des revenus relativement stables de 2,3 milliards d’euros en 2024, les bénéfices d’exploitation d’Armani ont fondu, ne représentant plus que 3 % du chiffre d’affaires, selon Berenberg. Cette situation reflète le ralentissement global du secteur du luxe.

L’entreprise reste néanmoins séduisante. « Giorgio Armani pourrait-il être une cible intéressante ? La réponse est absolument oui », affirme Mario Ortelli, dirigeant du cabinet Ortelli & Co. « C’est l’une des marques les plus reconnues au monde, avec une vision stylistique clairement et uniquement définie. »

Au fil des années, plusieurs approches ont été tentées. En 2021, John Elkann, héritier de la famille Agnelli, avait sondé le créateur. Maurizio Gucci avait également manifesté son intérêt à l’époque où il dirigeait la marque florentine.

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L’alternative de l’introduction en Bourse

Si la vente de la seconde tranche d’actions échoue, une introduction en Bourse reste envisageable. Le testament précise qu’elle devrait se faire en Italie ou sur un marché « de rang équivalent ».

Cette option permettrait de préserver l’identité italienne d’Armani, préoccupation constante du fondateur. Les statuts de l’entreprise, révisés pour prendre effet après sa mort, imposent d’ailleurs une « approche prudente des acquisitions ».

Un héritage partagé

Giorgio Armani laisse derrière lui sa sœur cadette, Rosanna, ainsi que ses deux nièces, Silvana et Roberta, et son neveu, Andrea Camerana. Tous occupent des postes importants au sein du groupe. Pantaleo Dell’Orco, considéré comme un membre de la famille, complète ce cercle restreint d’héritiers.

Silvana collaborait avec son oncle sur les collections féminines, tandis que Dell’Orco travaillait sur le prêt-à-porter masculin. Cette répartition des responsabilités créatives pourrait faciliter la transition.

L’Europe représente près de la moitié des revenus du groupe Armani, une proportion bien supérieure à celle d’autres marques de luxe. Les Amériques et la région Asie-Pacifique représentent chacune environ un cinquième du chiffre d’affaires.

L’avenir d’un géant

Avec 570 millions d’euros de trésorerie nette fin 2024, le groupe dispose des moyens de ses ambitions. Le groupe a récemment investi dans la rénovation de ses boutiques emblématiques, notamment celle de Madison Avenue à New York et celle d’Emporio Armani à Milan.

Ces investissements témoignent de la vision à long terme du créateur. « J’ai choisi d’investir dans des projets de grande portée symbolique et pratique, fondamentaux pour l’avenir de l’entreprise », avait-il déclaré en juillet.

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