L’Union européenne intensifie ses négociations avec l’Inde en exigeant la suppression totale des droits douaniers sur les importations automobiles. Cette requête s’inscrit dans le cadre d’un accord commercial attendu depuis plusieurs années, auquel le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi semble désormais prêt à donner un nouvel élan.
D’après plusieurs sources confidentielles, New Delhi envisagerait une réduction progressive des droits de douane jusqu’à 10 %, alors qu’ils atteignent actuellement plus de 100 %. Cette concession majeure surprend les observateurs, notamment parce que les industriels indiens militent activement pour maintenir un seuil minimal de 30 %, même après d’éventuelles baisses tarifaires.
La pression européenne intervient dans un contexte particulier, quelques semaines seulement après des demandes similaires formulées par l’administration Trump. Washington pousse également pour l’élimination des barrières douanières sur les véhicules, y compris électriques, créant ainsi un front occidental face auquel l’industrie automobile indienne se trouve fragilisée.
« L’UE est revenue en demandant un meilleur accord et l’Inde veut faire une meilleure offre », confie une source industrielle proche des négociations à l’agence de presse Reuters.
Enjeux pour les constructeurs européens
L’enjeu est considérable pour les constructeurs européens comme Volkswagen, Mercedes-Benz ou BMW. Une réduction substantielle des droits douaniers leur ouvrirait grand les portes d’un marché prometteur au monde. Tesla pourrait également figurer parmi les grands gagnants, alors que le constructeur américain prévoit de lancer ses véhicules électriques en Inde dès cette année, probablement importés depuis son usine berlinoise.
La Commission européenne reste discrète sur les détails précis mais a partagé quelques éléments concernant son dernier cycle de négociations avec l’Inde en mars. « Pour de nombreux domaines clés, l’UE et l’Inde ont des approches et des objectifs différents… Cela se traduit, dans certains cas, par des niveaux d’ambition différents », explique Olof Gill, porte-parole de la Commission pour les questions commerciales, dans un communiqué.
Résistance de l’industrie automobile indienne
Avec ses 4 millions de véhicules vendus chaque année, le marché automobile indien reste l’un des plus protectionnistes au monde. Les constructeurs locaux défendent farouchement ce modèle, arguant que des réductions tarifaires brutales rendraient les importations trop compétitives et menaceraient les investissements dans l’appareil productif national.
Les constructeurs Tata Motors et Mahindra & Mahindra font partie des opposants les plus virulents à la baisse des droits d’importation, en particulier pour les véhicules électriques. Ces entreprises soulignent qu’une telle décision compromettrait les investissements massifs qu’elles ont déjà réalisés et qu’elles prévoient d’autres injections de capitaux.
Face aux pressions occidentales, l’industrie automobile indienne propose une approche graduelle : réduction immédiate des droits de douane à 70 % pour un nombre limité de véhicules thermiques, puis diminution progressive jusqu’à 30 %. Pour les voitures électriques, le secteur plaide pour un statu quo jusqu’en 2029, puis pour une libéralisation contrôlée maintenant un plancher de 30 %.
Perspectives d’accord
Les experts économiques anticipent désormais une attitude plus conciliante des deux parties, notamment face aux menaces de guerre commerciale mondiale et aux conséquences potentiellement récessionnistes des hausses tarifaires prônées par Donald Trump.
Les négociations entre l’Inde et l’UE s’éternisent depuis des années, mais un engagement commun a été pris en février dernier pour conclure l’accord avant la fin de l’année, les deux blocs cherchant à limiter l’impact des barrières douanières sur leurs économies respectives.
António Costa, qui préside le Conseil européen, affichait récemment sa détermination sur la plateforme X, déclarant qu’il était temps de « progresser de manière décisive dans les négociations avec l’Inde ».
« Si l’UE ressent maintenant une pression pour conclure un accord avec l’Inde, nous devons voir comment nous pouvons en tirer parti. Tout est question de rapport de force », analyse une source industrielle.
Ces négocations pourraient transformer significativement le marché automobile indien, avec une présence accrue des marques européennes premium. Cependant, les constructeurs locaux devront redoubler d’efforts pour maintenir leur compétitivité face à cette nouvelle donne. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour le secteur automobile indien ainsi que pour l’avenir des relations commerciales euro-indiennes.