La collection automne 2025 de Walter Van Beirendonck n’est pas seulement une vitrine de vêtements, mais aussi un manifeste d’innovation. Intitulée « New », la collection remet en question l’obsession croissante de la mode pour la nostalgie et exhorte les créateurs et les consommateurs à privilégier un design tourné vers l’avenir. Organisé à Saint-Ouen, dans la banlieue nord de Paris, loin de l’agitation de la ville, le salon a attiré une foule enthousiaste, impatiente de découvrir la dernière vision du créateur anversois. Pour Walter Van Beirendonck, cette saison est l’occasion de redonner à la mode son rôle de catalyseur de l’inattendu.

La critique du styliste à l’égard des tendances du renouveau du vintage est précise. Tout en reconnaissant les avantages de la durabilité, il affirme que la dépendance à l’égard des styles d’archives étouffe la créativité. « Le boom du vintage laisse peu de place aux techniques ou aux silhouettes novatrices », explique M. Van Beirendonck. Sa solution ? Une collection qui allie un tailoring pointu à une fantaisie extraterrestre. Les costumes, dominants, ont été réimaginé avec des proportions exagérées : des pantalons gonflés par des plis, des vestes étirées pour épouser les épaules et des shorts associés de manière inattendue à des blazers structurés. Les extensions de doigts en silicone et les chaises en forme d’extraterrestres ajoutent à l’absurdité ludique, mais le message principal est clair : l’innovation s’épanouit lorsque la tradition rencontre l’expérimentation.
Les motifs extraterrestres, un thème récurrent dans l’œuvre de Van Beirendonck, symbolisaient l’aliénation moderne. Les mannequins portaient des vestes brodées d’yeux tridimensionnels et de motifs géométriques, tandis que les vêtements de travail dystopiques, tels que les casquettes de baseball à franges et les chapeaux melon surdimensionnés, équilibraient l’aspect pratique et le surréalisme. Les tissus ont fusionné héritage et futurisme : les tweeds écossais et les carreaux anglais côtoient les textiles techniques, et les tons sourds sont ponctués d’accents fluorescents. Un pantalon écru avec des détails géométriques en relief, associé à un pull Aran azur portant l’inscription « New », était l’un des looks les plus marquants.
Les tricots, signature de Van Beirendonck, étaient subtilement provocants. Une veste proclamait « We Come in Peace » dans le dos, flanquée d’écussons portant les inscriptions « Dream », « Love » et « Rave ». La phrase, imprimée en lettres 3D, reflète sa conviction que la mode est un vecteur d’optimisme. « La combinaison de ces mondes – l’artisanat et la technologie, l’espoir et la rébellion – crée quelque chose de vital », a-t-il déclaré. Le défilé s’est achevé avec des mannequins assis sur des meubles d’apparence extraterrestre, faisant des signes de paix à l’aide de prothèses digitales. Pour Van Beirendonck, la paix reste à la fois une éthique personnelle et une déclaration radicale en ces temps troublés.
Le créateur, qui en est à sa quatrième décennie, est le dernier des Six d’Anvers à présenter des défilés pendant la semaine de la mode. Sa longévité est le fruit d’une curiosité inlassable. Là où d’autres revisitent les gloires du passé, il s’aventure en terrain inconnu. L’exploration du « nouveau tailoring » de cette collection redéfinit les classiques de la mode masculine sans sacrifier la facilité d’utilisation. Un pantalon à plis marron spacieux, par exemple, s’appuie sur une veste à carreaux confortable, prouvant que les concepts d’avant-garde ne doivent pas nécessairement sacrifier la fonction.
L’engagement de Van Beirendonck en faveur de l’originalité va au-delà de l’esthétique. Il considère le design comme une responsabilité, celle de remettre en question les normes et de susciter le dialogue. « Transformer les rêves en mode est coûteux, admet-il, mais nécessaire. Cette philosophie se retrouve dans des détails tels que les griffes en silicone et les broderies extraterrestres, qui attirent l’attention sans pour autant submerger le porteur. Même l’emplacement isolé du défilé semblait intentionnel, une métaphore pour sortir des zones de confort et découvrir de nouvelles perspectives.
La collection automne 2025 fait également référence à l’artisanat. Les tissus traditionnels ont été coupés avec précision, tandis que l’impression 3D et les matériaux techniques ont introduit des textures futuristes. Un autoportrait peint du créateur entouré d’extraterrestres dans un champ de tournesols a inspiré les touches extraterrestres de la collection, mêlant récit personnel et thèmes universels. La capacité de Van Beirendonck à combiner l’intime et l’abstrait permet à son travail d’être à la fois profondément humain et follement imaginatif.
Les critiques peuvent se demander si une telle audace est compatible avec les réalités commerciales, mais l’influence du designer est indéniable. Ses pièces d’archive ont une grande valeur de revente, ce qui prouve que l’audace a son public. Pour l’automne 2025, Van Beirendonck ne s’excuse pas. Au contraire, il invite ceux qui le portent à considérer le vêtement comme une forme de rébellion, un moyen de perturber le quotidien et d’imaginer des possibilités au-delà de l’emprise de la nostalgie.