Le défilé résonne encore aujourd’hui dans les couloirs de la Salle Pleyel parisienne. Le créateur américain Willy Chavarria aux origines mexicaines et irlandaises a livré un défilé saisissant qui dépasse largement les frontières de la mode masculine pour embrasser un message politique puissant.

L’ouverture frappe comme un coup de poing. Trente-cinq hommes vêtus de t-shirts blancs surdimensionnés se sont agenouillés un à un sur le podium, mains derrière le dos, tête baissée. Cette mise en scène glaçante évoque les arrestations et déportations qui frappent actuellement Huron, la ville natale du créateur en Californie. Pendant que José Feliciano chante California Dreamin’, ces silhouettes immobiles incarnent la détresse des familles séparées par les services d’immigration.
Puis la lumière explose. Chavarria bascule vers une explosion chromatique inspirée de Guy Bourdin, le photographe français dont il étudie les campagnes publicitaires pour Charles Jourdan. Rouge incandescent, jaune électrique, vert menthe et rose bonbon inondent le podium. « C’est la couleur comme acte de rébellion », explique le créateur.

Les silhouettes masculines prennent des allures de dandy moderne. Les vestes longues se mêlent à des chinos larges et à des shorts XXL qui défient les codes du country club traditionnel. Ces hommes arborent fièrement du rose shocking tissé de fils dorés, revendiquant une masculinité libérée des carcans. Les coupes « Chilango » amples et drapées redéfinissent l’élégance contemporaine.
La collaboration avec Charles Jourdan enrichit cette proposition esthétique. Le créateur revisite les archives de la maison française en proposant des modèles masculins et féminins qui portent cette signature coloriste si particulière. Les matières nobles telles que le cloqué et la duchesse de satin apportent une dimension couture à ces créations.
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L’influence des uniformes d’ouvriers se reflète dans cette palette chromatique. Chavarria puise dans les codes vestimentaires des travailleurs du monde entier pour remettre en question les notions de luxe et de statut social. Ces teintes, souvent associées aux régimes oppressifs, retrouvent ici une dimension joyeuse et subversive.
La collection adidas Originals rend hommage à Los Angeles. Sal Preciado, tatoueur angeleno, signe les graphismes incluant le slogan « CHAVARRIA GLOBAL UNIFICATION ». Cette collaboration résonne douloureusement alors que Los Angeles a connu d’importantes manifestations contre les raids des services d’immigration ordonnés par le président américain Donald Trump il y a quelques semaines, manifestations réprimées par les forces de l’ordre et même par l’armée dépêchée par ce dernier.

Chavarria assume pleinement son engagement politique. Interrogé par des journalistes sur les risques de ses prises de position, il répond sans détour : « Ne rien dire résonne bien plus fort que de parler. Nous n’avons pas le choix, nous devons nous défendre. »
Le créateur poursuit son expansion européenne tout en maintenant ses ventes parisiennes et en développant sa notoriété internationale. Son costume bleu cobalt en coton froissé, « léger comme une enveloppe FedEx », illustre cette approche décontractée du luxe.