Les banques européennes lancent un stablecoin en euros pour contrer la domination du dollar

Neuf banques européennes prévoient de lancer un stablecoin en euros d'ici 2026, afin de concurrencer les géants américains qui dominent ce marché de 292 milliards de dollars. ODDO BHF a déjà lancé son propre stablecoin.

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Christian Morizot
Christian Morizot
Pigiste ardu
Christian Morizot, c’est un peu le couteau suisse du numérique : pigiste depuis presque dix ans, il a roulé sa bosse dans la tech et le...
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© Photo : bloodua (Depositphotos)

Les banques européennes passent à l’offensive sur le marché des cryptomonnaies. Neuf établissements majeurs du continent viennent d’annoncer la création d’un stablecoin en euros, qui devrait voir le jour au second semestre 2026. Cette initiative marque un tournant pour l’Europe dans sa quête d’autonomie financière face aux géants américains.

Le projet rassemble des poids lourds tels que UniCredit, ING, CaixaBank, Danske Bank et Raiffeisen Bank International. L’objectif est clair : proposer une alternative européenne crédible finaaux stablecoins adossés au dollar américain, qui contrôlent actuellement 99 % du marché mondial.

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Un marché largement dominé par les États-Unis

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Tether affiche une capitalisation de 172 milliards de dollars, tandis que l’USDC de Circle atteint les 74 milliards. Face à ces mastodontes, les stablecoins en euros ne pèsent que 620 millions de dollars, selon les données de la Banque d’Italie.

Cette asymétrie révèle un déséquilibre structurel que les institutions européennes cherchent désormais à corriger. Les banques européennes souhaitent reprendre le contrôle de leur propre monnaie dans l’écosystème numérique.

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Le consortium a créé une société basée aux Pays-Bas, qui sera supervisée par la Banque centrale néerlandaise en tant qu’établissement de monnaie électronique. Cette structure permettra d’obtenir l’agrément nécessaire pour opérer dans le cadre du règlement européen MiCAR.

Une infrastructure pensée pour la finance moderne

Floris Lugt, responsable des actifs numériques chez ING, détaille les avantages techniques du projet. La technologie blockchain permettra des règlements transfrontaliers instantanés, disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les paiements programmables ouvriront également de nouvelles possibilités pour la gestion des chaînes d’approvisionnement.

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Les cabinets Strategy& et PwC accompagnent les banques sur les aspects stratégiques et réglementaires. Matt Blumenfeld, responsable mondial des actifs numériques chez PwC, fait partie des experts mobilisés sur ce dossier.

Le stablecoin sera entièrement conforme au règlement MiCAR, qui régit désormais les crypto-actifs dans l’ensemble de l’Espace économique européen depuis le début de l’année 2025. Cette conformité réglementaire constitue un argument commercial majeur pour attirer les investisseurs institutionnels, réticents aux cryptomonnaies volatiles.

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ODDO BHF prend les devants

Alors que le consortium de neuf banques prépare son lancement, la banque française a déjà franchi le pas. L’établissement a lancé EUROD le 15 octobre 2025 sur la plateforme madrilène Bit2Me.

Cette institution, vieille de 175 ans, qui gère plus de 150 milliards d’euros d’actifs, a développé son stablecoin en collaboration avec Fireblocks. EUROD s’appuie sur la technologie Polygon et garantit une parité stricte avec l’euro grâce à des réserves détenues dans des banques réglementées.

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Bit2Me, qui accueille EUROD, bénéficie du soutien financier de Tether, qui a investi 30 millions d’euros dans la plateforme cette année. L’entreprise compte également parmi ses actionnaires le géant des télécommunications Telefonica, ainsi que les banques espagnoles Unicaja et BBVA.

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Des enjeux stratégiques considérables

En octobre 2025, les ministres des Finances de la zone euro ont discuté des stratégies pour développer les stablecoins libellés en euros. Selon leurs estimations, ce marché pourrait décupler au cours de la prochaine décennie.

Selon Bloomberg Intelligence, les stablecoins pourraient faciliter plus de 50 000 milliards de dollars de transactions annuelles d’ici 2030. Un rapport de Citi projette même une émission mondiale atteignant 1 900 milliards de dollars selon un scénario de base.

Ces prévisions expliquent pourquoi les banques européennes se positionnent dès à présent. Laisser le marché aux acteurs américains reviendrait à abandonner une part croissante des transactions financières mondiales.

Le consortium souligne que son initiative contribuera à l’autonomie stratégique de l’Europe dans le domaine des paiements. Cette formulation fait écho aux priorités politiques de l’Union européenne, qui cherche à réduire sa dépendance technologique et financière vis-à-vis des États-Unis.

Les réserves de la BCE

Christine Lagarde adopte une position plus prudente. La présidente de la Banque centrale européenne estime en effet que les stablecoins émis par des acteurs privés présentent des risques pour la politique monétaire et la stabilité financière.

Elle plaide en faveur d’un euro numérique directement émis par la BCE. L’institution se prépare actuellement à ce projet, qui pourrait aboutir d’ici 2029.

Cette divergence de vue entre les banques commerciales et la Banque centrale européenne reflète des approches différentes. Les établissements privés souhaitent saisir rapidement les opportunités commerciales, tandis que la BCE privilégie une approche centralisée et prudente.

Un calendrier ambitieux

Le consortium bancaire vise un lancement au second semestre 2026. Ce calendrier leur permettrait de prendre trois ans d’avance sur l’euro numérique de la BCE, dont la mise en service n’est pas prévue avant la mi-2029 au plus tôt.

Cette fenêtre temporelle représente un avantage compétitif considérable pour établir des normes et conquérir des parts de marché. Les banques comptent proposer individuellement des services à valeur ajoutée, comme des portefeuilles et des services de garde, à leurs clients.

Le consortium reste ouvert à l’arrivée de nouveaux membres. La nomination d’un directeur général est attendue prochainement, sous réserve de l’approbation réglementaire.

Les établissements fondateurs misent sur une adoption progressive par les entreprises pour les paiements transfrontaliers et le règlement d’actifs numériques. Les transactions entre entreprises constituent un marché naturel pour ce type d’innovation, avant une éventuelle démocratisation auprès du grand public.

Cette offensive européenne sur les stablecoins intervient à un moment charnière. La réglementation MiCAR offre désormais un cadre juridique clair, tandis que la demande de solutions de paiement numériques ne cesse d’augmenter. Reste à savoir si ces initiatives parviendront à grignoter des parts de marché face aux acteurs américains déjà bien implantés.

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