Le Japon vient d’accomplir une avancée majeure dans le domaine des armes électromagnétiques en réalisant un tir réel de railgun depuis un navire militaire. Cette démonstration technique, menée entre juin et début juillet, marque une étape décisive pour Tokyo dans la course mondiale aux systèmes d’armement de nouvelle génération, et pourrait rebattre les cartes de la défense navale mondiale.
Le prototype a été installé à bord du JS Asuka, un navire expérimental de la Force maritime d’autodéfense, sous l’égide de l’Agence japonaise pour l’acquisition, la technologie et la logistique (ATLA).
« C’est la première fois qu’un railgun monté sur un navire touche avec succès un véritable bateau en mer », a indiqué l’ATLA sur la plateforme X, accompagnant son annonce de quatre images des essais.

Ces tests n’ont pas été improvisés. Ils s’inscrivent dans un programme initié dès 2016, dont l’objectif est de doter les forces japonaises d’une arme capable de répondre aux nouvelles menaces, notamment les missiles hypersoniques et les bâtiments ennemis rapides.
À la différence des canons traditionnels qui utilisent des charges explosives, le railgun japonais propulse ses projectiles grâce à un champ électromagnétique. Résultat : une vitesse initiale estimée à Mach 6,5, soit environ 8 026 kilomètres par heure. À cette vitesse, le projectile frappe sa cible avec une énergie cinétique suffisante pour percer des blindages ou neutraliser des engins volants, sans avoir besoin d’explosifs.
Masashi Murano, expert en défense au Hudson Institute, souligne l’importance stratégique de cette avancée. « Les missiles anti-navires modernes volent à très basse altitude et à grande vitesse. Les systèmes de défense aérienne classiques, basés sur des fusées à proximité, ont du mal à les intercepter efficacement. » Le railgun offre une solution complémentaire, moins coûteuse et potentiellement plus réactive.
En effet, chaque missile d’interception peut coûter plusieurs milliards de yens. En comparaison, un projectile de railgun ne nécessite ni poudre, ni charge explosive, ni moteur-fusée. Son coût unitaire est donc radicalement inférieur. Cela permet d’envisager des salves rapides, essentielles pour contrer des attaques saturantes. Les recherches actuelles portent d’ailleurs sur la stabilisation du projectile en vol, la mise au point d’un système de contrôle de tir dédié et surtout, la capacité à tirer en continu sans usure excessive du canon.
Un autre aspect remarquable concerne le calibre retenu : 40 mm. Plus petit que les prototypes américains, il permet de réduire l’usure du canon tout en conservant une puissance de destruction élevée. Selon Murano, « même après cent vingt tirs consécutifs, aucune baisse de la vitesse à la bouche du canon n’a été observée ». Ce résultat technique constitue un avantage décisif par rapport aux difficultés rencontrées par d’autres nations.
Les États-Unis, pionniers dans ce domaine, ont abandonné leur programme de railgun naval en 2021. Les ingénieurs du Pentagone avaient en effet conclu que la portée effective restait insuffisante pour atteindre des cibles situées hors de portée des missiles chinois. Le Japon semble contourner cet écueil grâce à des matériaux innovants et à une méthode de décharge électrique optimisée.
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La Chine, quant à elle, poursuit activement ses propres recherches. Des sources occidentales évoquent des progrès significatifs, notamment en matière de tir soutenu. Cependant, Pékin n’a pas encore déployé son système de manière opérationnelle. Tokyo pourrait ainsi devenir le premier pays à équiper ses navires de guerre avec un tel armement.
Les applications envisagées ne se limitent pas à la marine. ATLA étudie également l’installation de railguns sur des plates-formes terrestres. L’objectif est de contrer l’artillerie adverse ou de protéger les côtes contre des incursions navales hostiles. Cette polyvalence renforce l’attractivité du système dans la stratégie de défense japonaise.

Toutefois, M. Murano rappelle que le railgun ne remplacera pas les systèmes existants. « Son efficacité maximale sera atteinte lorsqu’il sera intégré à un réseau de défense multicouche combinant intercepteurs conventionnels, lasers et radars de nouvelle génération. » L’avenir du programme dépendra également des arbitrages budgétaires. D’autres technologies, comme les armes à énergie dirigée, pourraient concurrencer le railgun si elles progressaient plus rapidement ou à moindre coût.
Aucun chiffre officiel n’a encore été communiqué concernant la cadence de tir ou la portée maximale de l’arme. Ces données restent cruciales. Une cadence trop lente le rendrait inefficace contre des cibles rapides. Une portée insuffisante exposerait le navire porteur à des représailles avant même qu’il puisse riposter.
Les essais incluent désormais le développement de munitions à fragmentation aérienne, conçues pour exploser en vol et disperser des éclats contre des formations aériennes. Cette évolution montre que le railgun japonais n’est pas seulement conçu comme une arme anti-navire, mais aussi comme un outil polyvalent de supériorité tactique.
Le ministère japonais de la Défense suit de près ces développements. Si les prochains tests confirment la fiabilité et la précision du système, une phase de préproduction pourrait être lancée d’ici quelques années. Le Japon entend ainsi renforcer sa dissuasion face aux menaces régionales, tout en affirmant son leadership technologique dans un domaine militaire hautement stratégique.



