Fondée en 1875 par Jules Louis Audemars et Edward Auguste Piguet, la manufacture Audemars Piguet franchit cette année un cap historique. Audemars Piguet et ses 150 ans d’innovation horlogère marquent une étape exceptionnelle pour cette maison suisse installée dans la vallée de Joux.
Ce sesquicentenaire survient trois ans seulement après les célébrations du 50e anniversaire de la Royal Oak, en 2022, un modèle qui a profondément transformé le secteur en créant le concept de montre de sport de luxe. Pour beaucoup, la Royal Oak est plus connue que l’histoire même de la marque, mais ce 150e anniversaire offre une occasion unique de redécouvrir un patrimoine horloger sans équivalent.
Les fondations d’une maison d’exception
L’histoire commence dans le village suisse de Le Brassus, où deux descendants de familles horlogères de la vallée de Joux décident de s’associer. Jules Louis Audemars et Edward Auguste Piguet posent ainsi les bases d’une entreprise qui se distinguera rapidement par sa maîtrise des complications horlogères. Dès 1892, la marque crée sa première montre de poche à répétition minute, marquant le début d’une longue série de prouesses techniques.
Les recherches menées par Sébastien Vivas, directeur du patrimoine et du musée Audemars Piguet, ont permis de retracer les liens entre les fondateurs et les premiers horlogers de la vallée de Joux. Depuis 2012, son équipe, qui est passée de deux à quinze personnes, a rassemblé des archives considérables, aujourd’hui accessibles via AP Chronicles, une ressource en ligne lancée à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Royal Oak. Ces travaux ont notamment alimenté l’exposition « The House of Wonders », présentée à Shanghai cette année.
Un livre monumental pour transmettre les savoir-faire
Pour célébrer cet anniversaire, la manufacture a publié The Watch – Stories and Savoir-faire (« La Montre – Histoires et Savoir-Faire », en français, ndlr) chez Flammarion, un ouvrage de près de 600 pages qui dépasse largement le cadre d’un simple livre commémoratif. Ce travail titanesque documente l’ensemble des métiers qui composent la création d’une montre de haute horlogerie, de la construction du boîtier à la réalisation des cadrans, en passant par la taille des pignons et le sertissage des pierres précieuses. L’ouvrage ne se limite pas aux réalisations d’Audemars Piguet, mais évoque également les innovations d’autres manufactures qui ont contribué à faire progresser l’horlogerie suisse.
Sébastien Vivas, directeur du musée et du patrimoine de la manufacture Audemars Piguet, explique que ce livre s’adresse à tous les passionnés, et pas seulement pour célébrer Audemars Piguet, mais aussi pour rendre hommage aux artisans qui font vivre l’horlogerie. Cette démarche reflète la volonté de la marque de partager ses connaissances et de mettre en valeur les compétences qui permettent de produire des garde-temps aussi sophistiqués.
Le calibre 7138 révolutionne le quantième perpétuel
La collection 2025 comprend plusieurs innovations techniques remarquables, à commencer par le calibre 7138 qui équipe trois modèles, dont une Code 11.59 et deux Royal Oak. Ce mouvement est le fruit d’une longue lignée de calibres ultra-plats à quantième perpétuel, une spécialité historique de la manufacture. Développé à partir du calibre de base 7121, lancé en 2022 pour remplacer le légendaire calibre 2121, ce nouveau mouvement perpétue une tradition initiée en 1972.
À son lancement, le calibre 2121 était le mouvement automatique le plus fin au monde équipé d’un affichage de la date. Six ans plus tard, en 1978, Audemars Piguet présentait le calibre 2120/2800, alors le mouvement à quantième perpétuel le plus fin jamais créé. Le calibre 7138 franchit une nouvelle étape en permettant de réaliser tous les réglages nécessaires au paramétrage du quantième perpétuel directement via la couronne. Cette innovation simplifie considérablement l’utilisation de cette complication réputée complexe.
La Royal Oak RD#5 repense l’ergonomie
L’automne 2025 a été marqué par la présentation de la cinquième montre de la série « Research and Development », lancée en 2015 avec la RD#1 Supersonnerie. La Royal Oak « Jumbo » Extra-Thin Selfwinding Flying Tourbillon Chronograph RD#5 introduit une dimension jusqu’ici négligée dans la haute horlogerie : l’ergonomie. Cette édition limitée à 150 exemplaires associe un boîtier en titane de 39 mm à une lunette en BMG (verre métallique en masse), un matériau alliant légèreté, durabilité et éclat.
Le directeur industriel Lucas Raggi et ses équipes ont consacré cinq années au développement du calibre 8100 qui anime ce chronographe flyback à tourbillon volant. L’objectif était de réduire considérablement la pression nécessaire pour actionner les poussoirs. Selon Raggi, dans les années 1960, les chronographes offraient un toucher très souple, mais les exigences d’étanchéité, d’industrialisation et de robustesse ont progressivement doublé, voire triplé, la force nécessaire pour actionner les poussoirs.
La RD#5 retrouve la douceur d’utilisation des montres vintage tout en conservant la fiabilité des chronographes modernes. Cette prouesse technique a nécessité de repenser entièrement l’architecture du mécanisme de chronographe, une complication que beaucoup considèrent comme relativement simple, mais qui reste, selon Raggi, la plus difficile à concevoir d’un point de vue mécanique. Pendant deux siècles, les chronographes ont été fabriqués selon le même principe, avec certes des variations, mais jamais une refonte architecturale aussi profonde.
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Une céramique qui honore la Royal Oak originelle
Parmi les avancées techniques présentées pour cet anniversaire figure la création d’une céramique baptisée « Bleu Nuit, Nuage 50 ». Cette teinte reproduit exactement la nuance de bleu qui ornait le cadran de la première Royal Oak en 1972. Obtenir cette couleur précise en céramique représente un défi considérable, car ce matériau réagit différemment aux traitements de surface que les métaux traditionnels.
Cette recherche chromatique illustre la volonté de la marque de relier ses créations contemporaines à son héritage tout en exploitant les matériaux les plus modernes. La céramique présente des propriétés mécaniques exceptionnelles, notamment une grande résistance aux rayures et une légèreté appréciable au poignet.
Des célébrations qui dépassent les frontières
Lucas Raggi souligne que le calendrier de lancement des innovations ne suit pas nécessairement les impératifs du calendrier historique d’une marque. « Quand on développe un nouveau produit, on sait quand on commence, mais jamais quand on va terminer », précise-t-il. Certaines innovations prêtes pour ce 150e anniversaire sont donc des surprises plutôt que le résultat d’une planification stricte.
Les célébrations ne se limitent pas aux lancements de montres. En juin dernier, la marque a organisé un événement mémorable à Londres, présentant sa collaboration avec le producteur Mark Ronson et la chanteuse Raye. Ces collaborations avec des artistes contemporains témoignent de la capacité d’Audemars Piguet à dialoguer avec la culture populaire actuelle, tout en préservant son identité horlogère.
Une vision tournée vers l’avenir
La série RD symbolise l’engagement de la manufacture dans la recherche et le développement à long terme. Ces garde-temps incarnent des technologies révolutionnaires et marquent des étapes importantes dans l’histoire de la marque. Raggi indique que son équipe se concentre actuellement sur le lancement de la RD#5, mais qu’elle prévoit déjà de déployer cette technologie sur d’autres modèles de la collection.
Cette approche progressive permet de tester les innovations sur des éditions limitées avant de les généraliser. Elle garantit également que chaque avancée technique bénéficie du recul nécessaire pour être affinée et optimisée. L’ergonomie pourrait-elle remplacer les complications comme carte de visite de la haute horlogerie ? Une question qui ne restera peut-être pas sans réponse pendant les 150 prochaines années.
Un patrimoine vivant
L’expansion de l’équipe patrimoine d’Audemars Piguet témoigne de l’importance que la manufacture accorde à son histoire. Le passage de deux à quinze personnes en treize ans montre que la marque considère ses archives non pas comme un trésor figé, mais comme une ressource active pour comprendre son présent et préparer son avenir. Les recherches généalogiques menées sur les familles fondatrices ont permis de retracer précisément les liens entre les différentes dynasties horlogères de la vallée de Joux.
Cette connaissance approfondie des origines aide à comprendre comment certains savoir-faire se sont transmis de génération en génération. Elle met également en lumière les conditions particulières qui ont permis à cette région montagneuse de devenir l’un des berceaux de l’horlogerie de luxe mondiale. Le musée-atelier Audemars Piguet, situé à Le Brassus, est aujourd’hui un lieu de mémoire autant qu’un espace pédagogique où le public peut découvrir ces métiers d’exception.
L’excellence technique au service de l’usage quotidien
La philosophie qui guide la conception de la RD#5 marque une évolution significative dans l’approche de la haute horlogerie. Audemars Piguet ne cherche plus seulement à créer des montres techniquement impressionnantes, mais des garde-temps qui s’intègrent naturellement à l’art de vivre contemporain. L’étude ergonomique approfondie qui a précédé le développement du calibre 8100 en est la preuve.
Les poussoirs discrets de la RD#5 s’inspirent de l’ergonomie des smartphones pour offrir une expérience tactile plus fluide et intuitive. Cette référence aux objets technologiques du quotidien peut surprendre dans l’univers traditionnellement conservateur de l’horlogerie mécanique. Elle révèle toutefois une volonté de dialogue entre artisanat ancestral et usages modernes. Malgré sa grande complexité technique, cette montre de 8,1 mm d’épaisseur reste confortable au poignet grâce à l’utilisation du titane et du BMG.
Les trois piliers de la collection
Pour célébrer cet anniversaire, Audemars Piguet a choisi de réinventer ses trois collections emblématiques : la Royal Oak, la Royal Oak Offshore et la Code 11.59. Cette approche permet de montrer comment l’ADN de la marque se décline à travers des esthétiques différentes, tout en conservant des standards techniques constants. La Royal Oak demeure le pilier central, avec sa silhouette octogonale reconnaissable entre toutes et son bracelet intégré.
La Code 11.59, lancée plus récemment, bénéficie également du nouveau calibre 7138 à quantième perpétuel. Cette collection au design contemporain prouve qu’Audemars Piguet ne se repose pas uniquement sur ses succès passés, mais qu’elle continue d’explorer de nouvelles directions stylistiques. Chacune de ces gammes répond à des attentes différentes, tout en partageant les mêmes exigences en matière de finition et de performance.
