Lorsque les flammes ont menacé le studio d’Eli Russell Linnetz à Venice Beach quelques jours avant le lancement de sa collection automne 2025, le fondateur d’ERL a sauvé bien plus que des vêtements ; il a saisi l’occasion de redéfinir la masculinité moderne. La crise a cristallisé sa vision : tailleur en nylon épuré, tricots d’inspiration vintage et vêtements d’extérieur bouffants animent désormais une ligne qui allie la nonchalance californienne à la précision. « Je voulais quelque chose de sérieux, mais sans effort », explique Linnetz.

À l’origine, le créateur imaginait des adolescents de Beverly Hills en voyage de ski en Suisse, avec des vestes en argile aux tons acidulés et des ensembles en nylon technique. Mais l’incendie a imposé un montage plus précis. Le fait de ne photographier que les pièces récupérées – polos flasques en mohair blush, pantalons à jambes larges avec des plis nets – a révélé une maturité inattendue. Les séparations monochromes et les trenchs minimalistes ont remplacé les pièces théâtrales, mettant en valeur des clins d’œil plus subtils au sportswear américain des années 90. Un trench bouffant couleur camel, gonflé comme un radeau de sauvetage, est devenu le héros discret de la collection. « Les choses simples sont porteuses de beauté », a souligné Linnetz, citant des tee-shirts en jersey parfaitement délavés et des baskets à empeigne dont les semelles gonflées sont déjà devenues virales (20 000 paires vendues avant le lancement de la collection).
L’évolution d’ERL reflète la clarté de son fondateur. Les blazers en nylon, à la coupe étroite mais tolérante, reflètent l’évolution de la marque vers la polyvalence. Les reprises en cachemire des rayures classiques de Gap et les cols roulés qui évoquent l’âge d’or des comédies romantiques équilibrent la nostalgie avec une fabrication avant-gardiste. De même, le denim usé et les pantalons habillés à double plis, coupés large mais jamais négligés, suggèrent un homme qui apprécie l’aisance sans sacrifier l’originalité.
Les clients de Linnetz, dont beaucoup ont été déplacés par les mêmes incendies, portent désormais ses créations comme une seconde peau. Il remplace les garde-robes perdues des habitants de Palisades, un geste qui s’inscrit dans sa conviction que les vêtements peuvent ancrer l’identité. « Ces pièces me semblent familières, mais elles sont entièrement nouvelles », dit-il.
L’automne 2025 prouve la métamorphose d’ERL : il ne s’agit plus d’un terrain de jeu pour stylistes, mais d’un laboratoire d’innovation vestimentaire. Linnetz, qui accueille chez lui des amis touchés par l’incendie, reconnaît le double rôle de la mode : protection et aspiration.