Depuis décembre dernier, l’action Tesla a perdu près de la moitié de sa valeur, passant de 1 500 à 845 milliards de dollars. Pourtant, malgré des ventes en berne et des bénéfices en baisse, l’entreprise d’Elon Musk reste valorisée comme un géant technologique plutôt que comme un constructeur automobile. La raison ? Les promesses d’une révolution imminente avec les robotaxis et les robots humanoïdes : un pari risqué qui divise les investisseurs.
Le rêve électrique est en difficulté
Les modèles 3 et Y, vieillissants, ont vu leurs prix baisser face à la concurrence chinoise, tandis que le Cybertruck ne décolle pas avec seulement 38 965 unités vendues en 2024. « Le cœur de métier de Tesla – les voitures électriques – traverse une crise », explique Gordon Johnson de GLJ Research à Reuters. Les ventes en Europe reculent également, impactées par les prises de position politiques de Musk en faveur des mouvements d’extrême droite.
Pire encore : le soutien financier de Musk à l’élection de Donald Trump pourrait se retourner contre Tesla. Le président américain, hostile aux subventions pour les véhicules électriques, menace un secteur où Tesla a pourtant engrangé des milliards d’aides publiques. « Les rivaux souffriraient plus que nous », a répliqué Musk, minimisant les risques.

L’autonomie, nouvelle obsession de Musk
Abandonnant le projet de Model 2 à 25 000 dollars, Musk mise désormais sur les robotaxis. Il promet des Cybercab sans volant ni pédales dès 2026, avec un lancement commercial à Austin en juin. « Rien ne l’en empêche techniquement, mais ces véhicules causeraient des accidents en série s’ils sortaient maintenant », avertit Johnson.
Les analystes restent pourtant optimistes. Truist Securities estime que 51 % de la valeur de Tesla repose sur l’autonomie, Morgan Stanley y consacre 60 %, et Ark Investment Management table sur 760 milliards de dollars de revenus annuels d’ici 2029 grâce aux robotaxis. « Cela coûtera moins cher que de conduire sa propre voiture », affirme Tasha Keeney d’Ark à Reuters.
Un optimisme en décalage avec la réalité
Malgré les promesses, les accidents impliquant les systèmes Autopilot et Full Self-Driving alimentent les enquêtes fédérales et les procès. Pendant ce temps, BYD, le nouveau leader des ventes de véhicules électriques, offre gratuitement une technologie d’aide à la conduite similaire à celle que Tesla facture 8 000 dollars en Chine. « BYD montre que l’autonomie n’a aucune valeur », ironise Johnson.
Les ratios financiers soulignent ce décalage. Tesla s’échange à un PER anticipé neuf fois supérieur à la moyenne des constructeurs, et quadruple celui de BYD. « Jusqu’à quand l’action ignorera-t-elle les fondamentaux ? », s’interrogeait Ryan Brinkman de JP Morgan en janvier, après des résultats décevants.
La bulle Musk peut-elle encore gonfler ?
Les partisans du PDG misent sur son génie visionnaire. « Musk réalise toujours ses projets technos, malgré son côté savant fou », défend Brian Mulberry de Zacks Investment Management. Mais les doutes grandissent. Mark Spiegel de Stanphyl Capital mise sur la chute de l’action : « Leur approche robotaxi sans lidar ni radar ne fonctionnera jamais en sécurité ».
Entre espoirs démesurés et réalités économiques, Tesla incarne plus que jamais les excès des marchés. Comme le résume un gestionnaire de fonds sous couvert d’anonymat : « Musk vend du rêve à des investisseurs qui croient acheter de la tech, pas des voitures ». Reste à savoir si le rêve résistera à une concurrence chinoise agressive et à des promesses d’autonomie toujours repoussées.