Le designer britannique Kim Jones vient d’accepter un poste qui a surpris toute l’industrie de la mode mondiale. Le géant chinois de la doudoune, BOSIDENG, lui confie les rênes créatives d’AREAL, sa nouvelle ligne urbaine haut de gamme. Cette nomination marque un tournant pour la marque chinoise, qui ambitionne de conquérir le marché du luxe international.
L’annonce a été faite aujourd’hui par vidéo. Elle révèle une collaboration qui a germé l’année dernière, lors d’un voyage de Jones à Shanghai. Le créateur y explique sans détour son choix : « J’ai trouvé très intéressant de travailler avec une marque à laquelle les gens ne s’attendaient pas. C’est quelque chose que j’aimerais faire : créer des vêtements que les gens peuvent porter, s’offrir et aimer. »

Voilà qui résume bien sa démarche. Diplômé de Central Saint Martins, Kim Jones a déjà transformé plusieurs maisons. Dunhill d’abord, de 2008 à 2011, puis Louis Vuitton Homme pendant sept ans. Puis Louis Vuitton Homme pendant sept ans. Il a ensuite dirigé Dior Homme de 2018 à 2025, sans oublier Fendi, dont il a supervisé les collections femme et haute couture jusqu’en 2024.
Cette fois, le Britannique quitte les maisons européennes pour la Chine. Ce choix peut surprendre. Il traduit surtout l’ambition de BOSIDENG de jouer dans la cour des grands. La marque cherche en effet à transformer son image, passant du fonctionnel pur au luxe urbain contemporain.
BOSIDENG ne part pas de rien. Depuis 2012, elle mène une expansion internationale agressive. Elle a notamment réouvert son flagship londonien, ouvert plus de 350 boutiques haut de gamme en Italie, et organisé des défilés réguliers à Paris, Milan et New York. Les collaborations avec Jean Paul Gaultier et les égéries Nicole Kidman, Kendall Jenner et Tom Hiddleston ont déjà renforcé sa visibilité en Occident.
La marque a d’ailleurs présenté sa première collection lors de la Fashion Week parisienne ce mois-ci. Un signe supplémentaire de ses ambitions mondiales.
AREAL s’inscrit pleinement dans cette stratégie. Pietro Ferragina, le directeur créatif de BOSIDENG, a confirmé que cette nouvelle ligne serait vendue à un prix plus élevé. Elle sera distribuée dans deux pop-up stores et cinquante magasins en Chine dès cet automne. Une approche progressive qui permettra de tester le marché.
Le concept est clair. AREAL doit faire le pont entre l’expertise technique de BOSIDENG et une esthétique urbaine sophistiquée. Le nom même de la marque, « Area » et « Real », évoque à la fois l’exploration et l’authenticité. Un positionnement qui vise à séduire une clientèle exigeante.
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La philosophie de la marque s’inspire du quotidien du professionnel moderne. Il s’adresse à ceux qui naviguent entre différents climats et situations urbaines. Il a besoin de vêtements fonctionnels sans renoncer au style. Areal entend répondre à ces besoins concrets avec des pièces superposables et polyvalentes.
BOSIDENG apporte quant à lui quarante-neuf ans d’expertise dans les technologies du duvet. Jones y apporte sa vision avant-gardiste. Le résultat devrait effacer les frontières entre vêtement outdoor fonctionnel et mode haut de gamme. Une proposition qui pourrait redéfinir le segment.
Les résultats de la maison mère sont encourageants. Pour l’exercice fiscal 2025, le groupe a enregistré un chiffre d’affaires de 25,9 milliards de yuans, soit 3,6 milliards de dollars, rapporte le site The Basique. Cela représente une hausse de 11,6 % par rapport à l’année précédente. Le bénéfice attribuable aux actionnaires a quant à lui grimpé de 14,3 %, pour atteindre 3,51 milliards de yuans, soit 492,5 millions de dollars.

Avec une valeur au détail de 3,5 milliards de yuans, BOSIDENG est la troisième plus grande marque en Chine, mais ne détient pourtant que 2 % du marché fragmenté des vêtements d’extérieur. La marge de progression reste donc considérable. Le potentiel de croissance justifie largement les investissements dans le haut de gamme.
La diversification des produits a déjà porté ses fruits. Doudounes ultralégères, coupe-vent, vêtements anti-UV… AREAL pourrait renforcer cette position dans le segment urbain multifonctionnel. La marque pourrait ainsi attirer une nouvelle clientèle, plus jeune et plus cosmopolite.
Le moment est bien choisi. Les marques chinoises recrutent de plus en plus de talents internationaux pour réinventer leur image. En septembre dernier, le géant chinois du sportswear Anta Sports a engagé Kris Van Assche pour sa sous-marque durable Anta Zero. Une stratégie qui devient courante.
Jones rejoint donc un mouvement plus large. Celui des créateurs occidentaux qui parient sur l’Asie. C’est aussi le cas des marques chinoises qui souhaitent dépasser leur marché domestique. Un flux bidirectionnel qui redessine la géographie de la mode mondiale.
Pour BOSIDENG, AREAL est une expérimentation créative autant qu’un pari commercial. La marque teste sa capacité à définir la prochaine ère du luxe urbain fonctionnel. Un territoire encore peu exploré par les grandes maisons de couture.
Le parcours de Jones en est la preuve. Là où il est passé, il a su allier streetwear et luxe, collaborations transversales et savoir-faire traditionnel. Son arrivée chez BOSIDENG n’est pas anodine. Elle signale que les équilibres du luxe mondial sont en train de changer. La Chine ne se contente plus de consommer la mode, elle veut aussi la créer.
Reste à savoir si AREAL saura convaincre les consommateurs internationaux. Si les pièces tiendront leurs promesses de protection optimale et de confort. Reste également à savoir si le prix plus élevé trouvera son public, au-delà des fashionistas toujours curieux de nouveauté.
Kim Jones apporte son regard, son réseau et son sens du détail. Mais il sait aussi écouter. Il observe comment les citadins vivent, se déplacent et s’habillent. « Faire des choses que les gens peuvent porter, aimer et se permettre. » Cette phrase revient comme un leitmotiv. Elle résume une philosophie entière : la mode doit avant tout servir.



