Glenn Martens opte pour une approche radicalement différente de celle de sa collection haute couture présentée en juillet dernier. La collection Maison Margiela printemps 2026 se déploie loin des apparitions spectrales et des références médiévales de l’Artisanal, pour retrouver l’esprit original de la maison belge.
Le créateur belge puise directement dans les archives de Martin Margiela pour reconstruire un vestiaire masculin essentiel. Cette démarche n’a rien d’anodin pour celui qui, étudiant à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, achetait des pièces Margiela dans les magasins d’usine avec ses amis. Martens affirme vouloir créer des vêtements dans lesquels on peut vivre, une philosophie qui guide l’ensemble de cette collection.

L’épaule tombante et la chaussure sans talon sont les deux éléments architecturaux phares de cette collection masculine. Martens réinterprète la ligne d’épaule légèrement affaissée, signature du fondateur, et décline le concept de talon invisible à travers une gamme complète de souliers. Les costumes et les trenchs masculins subissent une transformation chirurgicale précise : les revers disparaissent, remplacés par des cravates cousues directement sur le tissu, rappelant les blouses blanches portées par les équipes de la maison.
Les vestes de motard et les chemises en popeline blanche arborent des cols rentrés et sont portées avec des pantalons à entrejambe bas. Le denim brut et non lavé fait son grand retour, accompagné du cuir qui retrouve une place centrale dans le vestiaire masculin. Les rubans adhésifs, l’un des premiers éléments visuels de la marque, réapparaissent pour assembler certaines pièces.
Martens propose également des vestes masculines enveloppées de mousseline noire ne laissant apparaître qu’une silhouette fantomatique. D’autres manteaux et vestes intègrent des foulards en soie fusionnés directement dans l’encolure, créant un effet trompe-l’œil saisissant. Cette technique apporte une touche de nonchalance sophistiquée, sans effort apparent.
Les vestes tailleur voilées de soie transparente laissent entrevoir des gilets de smoking et des chemises superposés en dessous. Cette transparence calculée joue sur les strates et dévoile la construction du vêtement plutôt que de la dissimuler. L’effet de papier peint floral du XVIe siècle, déjà exploré lors du défilé haute couture, réapparaît ici imprimé sur de la maille.
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Le défilé s’ouvre sur un orchestre composé de 61 enfants musiciens, âgés de 7 à 15 ans et originaires de Romilly-sur-Seine. Vêtus de smokings surdimensionnés, ils interprètent des morceaux de Mozart, Bizet, Strauss, Beethoven et Prokofiev. Cette mise en scène fait écho au défilé printemps-été 1990, lors duquel Martin Margiela avait réservé le premier rang aux enfants du 20e arrondissement parisien.
Les mannequins portent des écarteurs buccaux métalliques inspirés des quatre points de couture emblématiques de la maison. Martens explique que ces pièces évoquent des sourires forcés et s’inscrivent dans la longue tradition d’anonymat chère à la maison. La marque justifie ce choix par une recherche d’uniformité dans l’expression.
Martens affirme que son ambition est de reconnecter la maison avec la réalité de la rue, un dialogue qu’il a entamé dès son arrivée. Fort de son expérience chez Y/Project et Diesel, le créateur sait combien il est important de concevoir des vêtements qui trouvent leur public. Il avoue aimer l’excentricité de la mode et les pièces dépourvues de sens pratique, réservées à l’Artisanal, mais il souhaite également proposer des vêtements désirables au quotidien.

Le tailleur légèrement déconstruit occupe une place stratégique dans cette collection. Martens retravaille les formes en V allongées et rentre les revers vers l’intérieur, appliquant la même logique aux trenchs masculins. Cette approche minimaliste rappelle l’uniforme subversif adopté par la génération post-Armani.
Les manteaux longs en cuir noir aux accents gothiques ouvrent le défilé, suivis de gilets croisés à encolure dégagée portés à même la peau. Les cordons de serrage blancs et la dentelle délicate viennent éclairer cette proposition sombre. L’ensemble dégage une austérité minimaliste et gothique qui correspond à l’esthétique belge originelle.