Présentée dans un centre pour l’emploi de Londres, la collection printemps 2026 de Martine Rose marque un tournant avec l’abandon de ses volumes surdimensionnés pour explorer une approche radicalement opposée : la compression et l’ajustement au corps.
L’ancienne église du style oversize a choisi le St. Marylebone Jobcentre pour théâtre de sa révélation sartoriale. Loin des podiums conventionnels, Rose transforme cet espace administratif en salon de couture improvisé, drapé de rideaux blancs à froufrous. Cette mise en scène n’est pas anodine : elle reflète sa volonté de mettre en lumière « les gens invisibles qui constituent le tissu de la vie culturelle londonienne ».

Un étage plus bas, vingt-deux commerçants indépendants – créateurs, vendeurs vintage, disquaires – occupent un marché éphémère. Rose orchestre ainsi une rencontre entre haute couture et économie souterraine, entre création établie et débrouillardise urbaine.
Pour cette saison, Rose opère une mutation complète de son langage stylistique. Les volumes XXL qui ont fait sa signature depuis 2013, c’est fini. Place aux « idées contemporaines du sexy moderne » où « aspiration et compression créent des tensions inattendues ».
Les blazers masculins se resserrent à la taille, redéfinissant la silhouette traditionnelle. Les pantalons d’électricien, généralement amples en raison de leur fonction, deviennent étroits sans verser dans l’excès du legging. Les blousons Harrington en cuir réduisent leur volume de manière spectaculaire.
Les survêtements estampillés Martine Rose adoptent une coupe skinny inédite. Ces pièces emblématiques du streetwear abandonnent leur allure décontractée habituelle pour épouse le corps masculin avec une précision chirurgicale.

Les ponchos, eux, révèlent leur source d’inspiration inattendue : les capes de barbier, courtes dans le dos, que l’on voit habituellement sur les devantures de quartier. Cette référence culturelle typiquement londonienne ancrera la collection dans son territoire géographique et social.
Rose puise ses références dans le mythique Kensington Market de son enfance. Ce sous-sol grouillant accueillait alors hippies, métalleux, ravers, punks et gothiques. Lemmy de Motörhead y aurait vendu de la drogue, et Freddie Mercury y aurait travaillé avant Queen.
« Beaucoup de gens ont commencé là-bas. C’était une partie sérieuse de la scène underground londonienne : un lieu de rencontre, de découverte de la mode et d’exploration identitaire », confie la créatrice.
Cette nostalgie nourrit sa vision masculine actuelle. Les coiffures, comme les crinières de headbanger et les permanentes serrées réalisées par Gary Gill, ajoutent une strate référentielle britannique supplémentaire.
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Rose maintient ses provocations habituelles, mais les adapte cette fois-ci au masculin. Les tabliers à froufrous noués à la taille interrogent les codes genrés. Les boxers à carreaux intègrent des insertions de dentelle de lingerie. Les sacs arborent des textes extraits de petites annonces vintage de magazines pour adultes.
Cette approche subversive transforme les attributs masculins en terrains d’expérimentation. Rose ne cherche pas la facilité commerciale, mais propose une réflexion sur « la beauté inexplicable ». « Vous ne savez pas pourquoi vous trouvez quelque chose beau ou sexy, mais c’est ainsi », explique la créatrice.
Cette collection printemps 2026 marque un tournant dans l’œuvre de Martine Rose. Après avoir imposé la tendance oversized masculine, elle explore maintenant les territoires de l’ajustement et de la compression corporelle.
Son approche communautaire, qui consiste à intégrer des commerçants locaux et des mannequins de rue, lui permet de maintenir son ancrage social tout en renouvelant son propos esthétique. Londres a besoin de cette « folie et intensité des rencontres avec les créateurs indépendants », conclut-elle.