Shanghai Tang traverse actuellement sa plus importante métamorphose depuis sa création. La marque hongkongaise légendaire, qui habillait autrefois Kate Moss et la princesse Diana, opère aujourd’hui un virage radical sous l’impulsion de ses nouveaux propriétaires chinois.
Fondée par le regretté Sir David Tang, cette griffe pionnière avait su séduire l’élite internationale des années 1990 en revisitant les codes traditionnels chinois avec un flair pop art assumé. Mais après la disparition de son créateur en 2017, puis plusieurs changements de propriétaires successifs, la marque avait perdu de sa superbe face aux mutations du luxe contemporain.
Une révolution orchestrée depuis Shanghai
Il y a six ans, le fonds d’investissement Lunar Capital a racheté Shanghai Tang avec une ambition claire : transformer cette maison de couture confidentielle en un véritable empire du lifestyle. Derek Sulger et Jerry Mao, les dirigeants de ce fonds d’investissement spécialisé dans la consommation chinoise, n’y vont pas par quatre chemins.
Leur premier chantier : démanteler les chaînes d’approvisionnement éparpillées entre Hong Kong et l’Italie. Les nouveaux propriétaires ont relocalisé le siège social à Shanghai et ont repensé entièrement la stratégie de marque. « Quand nous l’avons acquise, Shanghai Tang était une marque très appréciée. Beaucoup d’aspects pouvaient être améliorés, mais les gens l’adoraient », confie Derek Sulger.
L’approche se veut désormais holistique. Shanghai Tang ambitionne de définir l’art de vivre chinois contemporain. Cette vision s’appuie sur l’écosystème déjà développé par Lunar Capital, propriétaire notamment du groupe UCCA dans l’art contemporain et du groupe Unmi dans la restauration gastronomique.

Des produits qui parlent à la nouvelle génération
Sans directeur artistique officiel, Sulger et Mao supervisent personnellement la création. Leur méthode ? Une approche très pragmatique qui privilégie les tendances actuelles. Les bracelets Five Element figurent parmi les meilleures ventes récentes. « Les gens les accrochent à leurs sacs pour projeter un bon feng shui », explique Sulger, faisant référence à cette sagesse ancestrale chinoise qui recherche l’harmonie par l’aménagement de l’espace.
Cette dimension fonctionnelle traverse toute la nouvelle collection. Le polo Playmaker, avec son col mandarin, est censé porter bonheur lors de négociations, en faisant du sport ou simplement autour d’un café. Le parfum Ginger Flower rencontre également un succès notable auprès d’une clientèle en quête d’authenticité.
L’atelier shanghaien, qui emploie une vingtaine d’artisans qualifiés, développe des collaborations inattendues. L’artiste Xu Bing, la photographe de mode Chen Man ou encore le créateur hongkongais Jacky Tsai apportent leur vision créative à la marque.
L’hospitalité comme nouveau terrain de jeu
La marque a ouvert deux cafés à Shanghai et prépare l’inauguration d’un flagship alliant mode et hospitalité au Moyen-Orient. Plus ambitieux encore, un hôtel Shanghai Tang sera opéré par Nocture, la branche hospitalité du groupe.
Cette diversification s’inspire du partenariat noué avec Louis Vuitton en Chine. Unmi Group gère le restaurant étoilé The Hall à Chengdu, ainsi que le Café Louis Vuitton à Shanghai. « Les revenus croissent parallèlement lorsque les produits s’intègrent directement aux expériences retail », observe Sulger.
Malgré le ralentissement économique, les ventes organiques ont bondi de 60 % l’année dernière. Avec dix boutiques physiques réparties entre Shanghai, Hong Kong, Singapour et la Malaisie, la marque confirme sa stratégie d’expansion contrôlée.
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Redéfinir l’identité chinoise contemporaine
Pour Jerry Mao, Shanghai Tang a une responsabilité particulière : définir le lifestyle chinois d’aujourd’hui. « C’est une ambiance, une atmosphère », précise-t-il. « David Tang en costume Tang, cigare à la bouche, c’est fini. Nous explorons comment placer Shanghai Tang dans un contexte plus large. »
Cette quête d’authenticité puise dans l’héritage méconnu du fondateur. Dès les années 80, David Tang avait soutenu le mouvement « 85 New Wave », première génération d’artistes professionnels diplômés de l’Académie centrale des beaux-arts après la Révolution culturelle. « Les fondateurs de l’UCCA n’ont commencé à collectionner l’art chinois qu’après avoir rencontré David Tang à Hong Kong », rappelle Mao.
Cette légitimité artistique nourrit aujourd’hui l’identité de Shanghai Tang. La marque ne se positionne plus comme une simple entreprise de mode, mais comme « un univers de lifestyles chinois », selon les mots de Mao.
L’expérience avant tout
Face aux défis économiques actuels, Sulger mise sur une tendance de fond : la recherche d’expériences authentiques. « Que ce soient les difficultés liées au Covid-19, une économie fragile ou la faiblesse des marchés financiers, les aspirations restent claires : les gens veulent vivre des expériences, s’évader, s’entourer d’esthétique et se sentir bien. »
Cette philosophie guide tous les développements futurs. L’hôtel Shanghai Tang offre une immersion totale dans l’univers de la marque, tandis que les collaborations artistiques alimentent une créativité débordante.
Sulger et Mao possèdent Shanghai Tang indépendamment du portefeuille Lunar Capital. Cette structure autonome leur permet d’envisager sereinement l’avenir d’une marque qui retrouve progressivement sa place sur l’échiquier du luxe international.