La Tate Britain restitue un tableau volé par les nazis aux descendants d’un collectionneur juif belge

La Tate Britain restitue un tableau du XVIIe siècle volé par les nazis à la famille d'un collectionneur juif belge. Cette œuvre d'Henry Gibbs, qui représente Énée fuyant Troie, avait été pillée en 1942 lors d'une persécution raciale.

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« Énée et sa famille fuyant Troie en flammes » par Henry Gibbs - © Photo : Tate Britain

La Tate Britain, célèbre musée britannique, va rendre une peinture datant du XVIIe siècle à la famille d’un collectionneur d’art juif belge, après que l’œuvre ait été volée à son domicile par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Le musée a annoncé la nouvelle dans un communiqué de presse. Cette restitution marque une nouvelle étape dans le processus de réparation des spoliations artistiques perpétrées durant cette période sombre de l’histoire européenne.

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Le tableau en question, Énée et sa famille fuyant Troie en flammes (Aeneas and his Family Fleeing Burning Troy), réalisé par le peintre Henry Gibbs en 1654, représente le héros troyen tentant de sauver sa famille de la ville incendiée. Cette huile sur toile appartenait à Samuel Hartveld, un collectionneur juif qui dut quitter précipitamment sa maison d’Anvers en Belgique en mai 1940, durant l’offensive des troupes allemandes.

L’œuvre fait partie des 66 pièces saisies par les nazis le 26 mars 1942 dans la galerie appartenant à Hartveld, dans un acte qualifié de « persécution raciale » par le Spoliation Advisory Panel, le comité britannique chargé d’examiner les cas d’œuvres d’art pillées.

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La peinture de Gibbs, inspirée du poème latin l’Énéide de Virgile, aurait été créée comme commentaire sur la guerre civile anglaise. Son caractère rare la rend particulièrement précieuse, les peintures narratives britanniques des XVIe et XVIIe siècles ayant rarement survécu jusqu’à nos jours.

Après la guerre, elle a suivi un parcours complexe avant d’intégrer les collections britanniques. La Tate l’avait acquise en 1994 auprès de la galerie Jan de Maere à Bruxelles, après que René van den Broeck eut acheté la collection et la maison de Hartveld pour « une somme dérisoire », selon le Spoliation Advisory Panel.

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Maria Balshaw, directrice de la Tate Britain, a reconnu que « bien que la provenance de l’œuvre ait été minutieusement examinée lors de son acquisition en 1994, des faits cruciaux concernant les propriétaires précédents du tableau n’étaient pas connus ».

Le Spoliation Advisory Panel, créé par le gouvernement britannique pour résoudre les réclamations des personnes ou de leurs héritiers ayant perdu des biens culturels durant l’ère nazie, a statué que les preuves fournies justifiaient la restitution de l’œuvre.

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En mai 2024, le Sonia Klein Trust, établi par les héritiers de Samuel Hartveld, a officiellement demandé le retour du tableau. Le Trust porte le nom de Sonia Klein, désignée dans un testament comme la fille de la veuve de Hartveld, Clara, décédée en 1951.

Le ministre britannique des Arts, Sir Chris Bryant, a salué le panel pour son travail « aidant à réunir les familles avec leurs possessions les plus précieuses », qualifiant la décision de « juste ».

Les administrateurs du Sonia Klein Trust ont exprimé leur profonde reconnaissance pour cette décision qui « reconnaît clairement la terrible persécution nazie subie par Samuel Hartveld et le fait que ce tableau ‘manifestement pillé’ appartenait à M. Hartveld, un collectionneur et marchand d’art juif belge ».

Maria Balshaw a pour sa part déclaré : « C’est un privilège profond d’aider à réunir cette œuvre avec ses héritiers légitimes. Nous nous réjouissons d’accueillir la famille à la Tate dans les prochains mois pour leur présenter le tableau. »

Samuel Hartveld a survécu à la guerre mais n’a jamais récupéré sa collection d’œuvres d’art, que beaucoup pensaient dispersée dans des galeries à travers l’Europe.

Cette restitution s’inscrit dans un processus plus large de retour des œuvres pillées par les nazis, qui avaient prévu de revendre certaines pièces, d’en offrir à des hauts fonctionnaires ou de les exposer dans le Fuehrermuseum, un musée qu’Adolf Hitler avait projeté de construire dans sa ville natale de Linz, mais qui n’a jamais vu le jour.

La date exacte de la remise du tableau n’a pas encore été fixée, mais la Tate a indiqué qu’elle aurait lieu « dans les prochains mois ».

Cette restitution représente une victoire importante sur le plan symbolique pour les descendants des victimes de spoliations. L’œuvre, qui n’était pas exposée actuellement à la Tate Britain, raconte une histoire de fuite et de survie, qui fait écho au destin de son propriétaire, contraint de fuir devant l’avancée nazie.

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