Du 7 mai au 7 septembre 2025, l’exposition « Worth : Inventer la haute couture » au Petit Palais est consacrée à Charles Frederick Worth, fondateur de la haute couture. Plus de 400 œuvres illustrent l’évolution d’une maison qui a transformé l’univers de la mode parisienne du Second Empire aux années folles.
Un Anglais à Paris qui transforme la mode
Né en Angleterre en 1825, Charles Frederick Worth arrive à Paris en 1846 où il travaille d’abord comme commis chez Gagelin, un marchand renommé. En 1858, il fonde avec le Suédois Otto Gustav Bobergh la maison « Worth & Bobergh » au 7, rue de la Paix, adresse qui deviendra mythique.
« Ce qui se dévoile à travers cette exposition, explique Marine Kisiel, conservatrice du patrimoine au Palais Galliera, c’est l’invention d’un monde et d’un système qui a façonné l’image et le fonctionnement de la couture, mais aussi du luxe parisien, et donc du luxe français, et de son rayonnement mondial tout au long du XXe siècle. »
La maison habille rapidement la princesse de Metternich, puis l’impératrice Eugénie et toute la cour impériale. En 1870, après sa séparation d’avec Bobergh, la griffe devient simplement « Worth ».

Des salles thématiques riches en découvertes
Le parcours, déployé sur 1 100 m² dans les vastes galeries du Petit Palais, retrace l’histoire de la maison de la fin du Second Empire à l’entre-deux-guerres. Le visiteur comprend alors comment Worth a contribué à hisser Paris au rang de capitale mondiale de la mode.
Je découvre avec fascination comment Charles Frederick Worth, coiffé d’un béret et vêtu d’une blouse en velours, se mettait en scène à la manière de Rembrandt dans des photos du célèbre portraitiste Nadar, et personnalisait ses étiquettes en utilisant sa signature manuscrite.
« Cette rétrospective est ponctuée de quatre vidéos réalisées par le journaliste Loïc Prigent, dévoilant les secrets de la confection de quatre vêtements iconiques et les coulisses de leur mannequinat », précise Raphaëlle Martin-Pigalle, conservatrice en chef au Petit Palais.
Des créations exceptionnelles pour une clientèle prestigieuse
L’espace central de l’exposition présente des pièces majestueuses ayant appartenu à des personnalités emblématiques. Parmi elles, la fameuse « Robe aux lys », portée par la comtesse Greffulhe, a inspiré à Marcel Proust le personnage de la duchesse de Guermantes.
« La Robe aux lys, considérée comme l’un des joyaux de notre collection permanente, est exposée sur mannequin ici pour la dernière fois », note Marine Kisiel. Cette robe a été radiographiée par les experts du Palais Galliera qui l’ont démontée puis remontée après une restauration minutieuse de ses appliques en satin de soie ivoire.
Le manteau de cour orné d’une traîne impressionnante, que Franca Florio portait lorsqu’elle fut nommée dame d’honneur de la reine Elena d’Italie en 1902, attire particulièrement mon regard. Tout comme le spectaculaire costume de la Reine de Palmyre que Louise, duchesse de Devonshire, a commandé pour un bal donné en l’honneur du jubilé de diamant de la reine Victoria en 1897.

Les innovations d’un visionnaire
L’exposition illustre magnifiquement comment Worth a transformé l’industrie du luxe en introduisant des concepts novateurs : le couturier star, l’étiquette du créateur, les collections saisonnières et les défilés de mode.
Les documents exposés, également très fragiles, comprennent des registres de commandes, des factures, des catalogues illustrés et des livres d’échantillons de tissus en soie. « Pratiquement tout ce que vous voyez ici sera rangé pour les trois ou quatre prochaines années au moins, si nous pouvons les ressortir. Ce pourrait être la dernière fois », confie Raphaëlle Martin-Pigalle.
Une chose reste toutefois mystérieuse : le prix exact des vêtements. « Nous n’avons pas trouvé comment déchiffrer le système de lettres utilisé dans les registres de commandes, qui servait de code pour garder les prix secrets mais connus de la maison », avoue Kisiel. « Ce que nous savons, c’est que les prix étaient exorbitants et qu’il suffisait de ruiner un mari ou un amant en s’habillant chez Worth ».

L’évolution de la maison au fil des générations
Après la mort du fondateur en 1895, la maison est reprise par ses fils Gaston et Jean-Philippe, qui maintiennent le rythme effréné des tendances changeantes en introduisant des silhouettes plus épurées.
Dans les années 1920, Jean-Charles et Jacques, fils de Gaston Worth, modernisent davantage la maison avec des innovations telles que les tricots à logo et des collaborations avec des artistes comme Jean Dunand et Raoul Dufy. En 1924, Worth lance ses parfums dans des flacons conçus par René Lalique.
L’exposition fait revivre le parfum « Je reviens » grâce à un dispositif olfactif exceptionnel conçu en collaboration avec l’Osmothèque, Conservatoire international des parfums.

Une scénographie pensée pour valoriser les œuvres
La scénographie offre à chaque section une identité propre. L’implantation des vitrines favorise le dialogue entre les objets et une co-visibilité entre les familles d’œuvres.
Dans la première section, les pièces sont présentées de face, dans une relation de frontalité. La section suivante propose une présentation circulaire, offrant une vue d’ensemble du vestiaire d’un seul coup d’œil.
Les dispositifs d’accrochage s’inspirent de la notion d’emmarchement, en référence aux salons de la boutique Worth du XIXe siècle. Cette progression s’accompagne d’une évolution douce de la teinte des murs, chapitre après chapitre.
En cinq ans de préparation, cette exposition offre un aperçu d’une époque déterminante pour la mode française. Elle retrace l’invention d’un monde et d’un système qui ont façonné l’image de la couture parisienne, son fonctionnement, ainsi que le luxe français et son influence mondiale tout au long du XXe siècle.
Worth : Inventer la haute couture
(Du 07 mai 2025 au 07 septembre 2025)
Petit Palais
Avenue Winston-Churchill 75008 Paris
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturnes jusqu’à 20h le vendredi et le samedi