À 71 ans, Jackie Chan revient en force dans The Shadow’s Edge, un polar high-tech tourné à Macao où il incarne un ex-flic obligé de déjouer des braqueurs dopés à l’intelligence artificielle. Entre cascades réelles, choc des générations et questionnement technologique, le film prouve qu’un corps humain entraîné reste un outil redoutable face aux algorithmes tout-puissants.
Le septuagénaire hongkongais y incarne Wong, un ancien expert en surveillance devenu promeneur de chiens à Macao, qui est rappelé pour traquer une bande de braqueurs utilisant l’intelligence artificielle pour échapper à la police. Le pitch résonne comme un manifeste : face à la toute-puissance technologique, l’expérience humaine garde ses droits.

Un polar high-tech qui réinvente le cinéma d’action hongkongais
Réalisé par Larry Yang, qui avait déjà collaboré avec Chan sur Ride On en 2023, The Shadow’s Edge transpose le classique hongkongais Eye in the Sky dans notre époque saturée de caméras et d’outils numériques.
Le film ne conserve que 10 à 15 % du matériau original, préférant réinventer l’idée centrale plutôt que de copier scène par scène. Yang assume totalement ce choix : selon lui, un grand concept peut se décliner de mille façons différentes, et son travail consistait à trouver le ton juste pour les spectateurs d’aujourd’hui.
La force du film repose sur son duo de légendes. Face à lui, Tony Leung Ka-fai reprend le rôle qu’il tenait déjà dans Eye in the Sky : celui du Shadow, un cerveau criminel qui organise son dernier coup. Le réalisateur a réimaginé le personnage pour créer une tension nouvelle : que se passerait-il si ce bandit avait survécu, avait été sauvé par des gamins, et les avait élevés et formés pendant vingt ans ? Cette dimension sentimentale apporte de la profondeur au méchant classique.
Jackie Chan face aux machines : mécanique humaine vs superordinateurs
Dans The Shadow’s Edge, Wong se retrouve dans un environnement hostile où les forces de police misent tout sur des superordinateurs pour résoudre les enquêtes. Il doit leur réapprendre les méthodes traditionnelles de surveillance, qui demandent observation, déduction et surtout présence physique. Chan grimpe, se déguise, tombe et se relève sans doublure, ou presque.
Ses compétences n’ont pas faibli : il démontre encore sa capacité à se battre avec des objets improbables dans des lieux improbables, qu’il s’agisse d’une blanchisserie d’hôtel ou du vide sanitaire d’un restaurant.
Le réalisateur multiplie les séquences inventives qui font monter la tension. Une filature palpitante traverse un marché bondé, puis se transforme en repas improvisé entre voisins, avec des couteaux cachés sous la table.
Les combats ponctuent le récit toutes les dix minutes au plus, garantissant un rythme soutenu, même si le fil narratif qui relie ces moments demeure parfois confus. Les dialogues rapides sur des histoires de cryptage et de vol de données risquent de perdre ceux qui ne lisent pas vite les sous-titres.
Macao, un décor spectaculaire pour des cascades authentiques
Le choix de Macao comme décor n’est pas anodin. La ville mêle hôtels de luxe et quartiers anciens, créant une atmosphère unique que l’équipe de production a exploitée pendant huit mois de repérage.
Certaines séquences sont nées directement de la géographie locale : lorsque les braqueurs sautent de la tour Macau, ils atterrissent sur la plateforme du Wynn Macau, un choix dicté par la configuration du terrain. Cette approche organique confère une crédibilité rare aux scènes d’action.
La production a mobilisé des moyens conséquents. Cinq mois de préparation, 84 jours de tournage et un seul chef opérateur ont été nécessaires pour maintenir la cohérence visuelle des combats. Les démonstrations d’action ont été filmées pendant la préproduction, puis présentées à Chan, qui a apporté son expertise : quelles parties pouvaient intensifier la tension, lesquelles présentaient des dangers nécessitant des préparations supplémentaires. Yang confirme que Chan peut encore se battre et que le film est loin d’avoir atteint ses limites physiques.
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Quand l’ancienne école affronte l’ère numérique
Zifeng Zhang incarne une jeune policière capable d’envoyer des coups redoutables, la fille du partenaire décédé de Wong. Tuée en service à cause d’une erreur de ce dernier, cette figure paternelle crée une culpabilité qui alourdit le personnage principal.
Les flashbacks sentimentaux, qui étirent un métrage déjà long de 2 h 20, permettent d’ancrer émotionnellement un film qui pourrait se contenter d’enchaîner les scènes de combat.
La productrice Victoria Hon explique que le thème central oppose justement l’ancien et le nouveau. Comment raconter une histoire qui parle aux spectateurs contemporains tout en intégrant l’intelligence artificielle, qui transforme notre société ? Le défi était de prouver aux investisseurs que le cinéma d’action pouvait encore fonctionner en Chine, alors que le genre traversait une mauvaise passe au box-office.
Le scénario solide a convaincu les stars comme Jackie Chan et Donnie Yen, ainsi que de jeunes acteurs formés au wushu et une équipe technique créative et énergique.

Un succès chinois qui relance le débat sur l’avenir du genre
The Shadow’s Edge a dominé le box-office chinois pendant quatre week-ends consécutifs, puis a fait ses débuts internationaux au festival de Busan, dans la section Open Cinema. Les ventes internationales ont principalement été conclues à Cannes, où les acheteurs se sont montrés confiants après avoir vu des extraits. Une suite est déjà en discussion, même si Yang refuse de se répéter et cherchera probablement une nouvelle approche.
Pourtant, le film soulève une question troublante que Nicolas Moreno pose dans le magazine Première : que deviendra le cinéma d’action hongkongais quand ses icônes nous auront quittés ? Chan et Leung transforment avec élégance la nostalgie de leur image passée en intrigue contemporaine, mais ils empêchent peut-être une nouvelle génération d’émerger. Le casting de luxe porte tout le film, au détriment du renouvellement.
L’humain contre l’IA : un thème universel et contemporain
Ce qui frappe dans The Shadow’s Edge, c’est le parallèle involontaire qu’il établit avec les deux derniers Mission: Impossible, dans lesquels Tom Cruise affronte l’Entité, un algorithme divin.
Tom Cruise n’a jamais caché son admiration pour Chan, son maître en matière de cascades réelles, qui lui a appris qu’au cinéma, un corps vaut mieux qu’un effet spécial. Chan réalise ici le même combat, mais dans un polar chinois traditionnel où chaque coup résonne comme un manifeste anti-numérique.
Les forces de l’ordre dépendent tellement de leurs ordinateurs qu’elles ont oublié comment fonctionne la surveillance humaine. Wong leur rappelle que regarder, comprendre et anticiper sont des compétences irremplaçables. Yang insiste : son film reste centré sur l’humain, jamais dominé par la technologie. Les outils numériques sont des obstacles et des opportunités pour les deux parties, mais l’intelligence et la ruse humaines restent prévalentes.
Le réalisateur considère les scènes d’action comme la poursuite des dialogues, des missions de surveillance discrètes et des obstacles que la technologie seule ne peut surmonter. Il construit des séquences qui parlent à travers les personnages, en maintenant toujours le facteur humain au centre. Cette philosophie transparaît dans chaque combat, où Chan improvise avec son environnement plutôt que de compter sur des gadgets.

Un film qui perpétue l’héritage du cinéma d’action « fait main »
Malgré ses 71 ans et ses quelques rides, il démontre qu’une présence physique authentique crée un spectacle que les écrans verts ne pourront jamais égaler. Il continue de réaliser ses cascades, de travailler comme producteur et coordinateur de combats, prouvant ainsi que l’âge n’est qu’un chiffre quand on possède sa discipline.
Son personnage de promeneur de chiens qui recense précisément quel animal a fait ses besoins et dans quel ordre prouve que ses compétences d’observation sont intactes.
The Shadow’s Edge ne révolutionne pas le genre ; il préfère s’appuyer sur ce qui a toujours fonctionné : des vedettes charismatiques, des combats inventifs et une mise en scène flirtant avec la limite de la lisibilité. Cette grandiloquence assumée plaira aux amateurs du cinéma hongkongais des années 1990, même si les longueurs nuisent parfois au rythme. Yang envisage d’explorer d’autres genres à l’avenir, notamment la science-fiction ou les récits historiques, mais pour l’instant, il prouve qu’il maîtrise parfaitement les codes de l’action.
Le film sort dans un contexte où Hollywood multiplie les IA maléfiques, de M3GAN à The Creator en passant par Tron : Ares. Face à ces menaces numériques, certains veillent. Jackie Chan et Tom Cruise rappellent que les héros « faits main », qui foncent, tombent et se relèvent, créent un spectacle increvable qui ne nécessite aucune mise à jour. Leurs corps deviennent des arguments, des preuves vivantes que la technique artisanale garde toute sa valeur face à la surenchère technologique.
The Shadow’s Edge (2h 20m) de Larry Yang
Sortie en France le 3 décembre 2025.
Questions fréquentes
Jackie Chan réalise-t-il encore ses propres cascades dans « The Shadow’s Edge » ?
Oui. À 71 ans, l’acteur continue d’exécuter la majorité de ses cascades sans doublure, conservant son style artisanal unique.
Le film traite-t-il vraiment d’intelligence artificielle ?
Oui. Les criminels utilisent l’IA pour tromper la police, tandis que Jackie Chan incarne la résistance humaine face à la technologie.
Le film est-il un remake de « Eye in the Sky » ?
Il s’agit plutôt d’une réinvention : seuls 10 à 15 % du film original sont conservés.
Pourquoi Macao est-elle un décor important du film ?
Ses contrastes architecturaux et ses hauteurs vertigineuses ont inspiré plusieurs séquences d’action inédites.
Le film connaîtra-t-il une suite ?
Une suite est en discussion après son succès au box-office chinois, mais le réalisateur souhaite trouver une nouvelle approche.



