Bugonia s’impose comme une expérience cinématographique radicale, drôle et inclassable, signée par un Yorgos Lanthimos en pleine mutation artistique.
Ce film, attendu en salles le 26 novembre 2025 grâce à Universal International Pictures France, bouscule les attentes avec une audace que l’on croyait réservée aux débuts du cinéaste grec.
Le cinéaste abandonne en partie sa misanthropie habituelle pour livrer un thriller absurde qui réussit l’exploit de rester accessible sans perdre son identité.
Cette comédie noire suit Teddy, un apiculteur complotiste incarné par Jesse Plemons, qui kidnappe Michelle, une PDG de laboratoire pharmaceutique jouée par Emma Stone. La raison de cet enlèvement tient du délire pur : prouver que cette femme d’affaires est une extraterrestre venue préparer une invasion terrestre.
Le pitch repose sur une prémisse totalement barrée. Avant de passer à l’action, Teddy et son cousin pratiquent une castration chimique sur eux-mêmes. Leur objectif est d’éviter que le physique de leur captive ne perturbe leur mission. Une fois Michelle entre leurs mains, les deux hommes lui rasent la tête pour l’empêcher de contacter son vaisseau-mère par l’intermédiaire de ses cheveux. Cette logique folle aurait pu rapidement sombrer dans le grand n’importe quoi, mais Lanthimos tient fermement la barre du début à la fin.

Un remake qui s’émancipe totalement de l’original
Bugonia est le remake du film coréen Save the Green Planet !, réalisé par Jang Joon-hwan en 2003. Will Tracy signe l’adaptation du scénario et modifie certains éléments clés, notamment le sexe de plusieurs personnages. Ces changements servent admirablement le propos sans trahir la trame originale. Jang Joon-hwan devait initialement réaliser lui-même ce remake, mais Lanthimos a repris les rênes du projet en février 2024.
Le cinéaste grec reste fidèle à l’œuvre originale tout en y apportant sa propre vision. Les interrogatoires et les tests que Teddy fait subir à sa prisonnière donnent lieu à des joutes verbales absolument hilarantes. Cette dimension comique rappelle l’euphorie procurée par Pauvres créatures, son précédent succès avec Emma Stone.
Un Lanthimos plus ouvert : l’accessibilité enfin assumée
Lanthimos semble avoir décidé de s’adresser à un public plus large que celui des festivals. Bugsy évite les digressions snobs et pseudo-intellectuelles dans lesquelles le réalisateur se complaît parfois. Son film précédent, Kinds of Kindness, avait particulièrement souffert de cette tendance. Avec La Favorite, Lanthimos signe donc son œuvre la plus accessible et la plus drôle.
Cette nouvelle orientation artistique pourrait s’expliquer en partie par l’influence d’Ari Aster, le producteur du film. Le réalisateur d’Hérédité et de Midsommar a en effet toujours privilégié des films tournés vers le public plutôt que vers eux-mêmes. L’échec de son Beau is afraid lui aurait permis de réfléchir à cette question avant de produire Eddington, puis Bugonia.
Un portrait psychologique d’une puissance inédite
Au-delà de la comédie noire, Bugonia dresse surtout le portrait empathique d’un homme rendu fou par ses traumatismes d’enfance. Jesse Plemons transforme Teddy en martyr d’une société inhumaine grâce à une performance remarquable. Lanthimos abandonne ici la misanthropie qui caractérisait ses précédents films. Cette approche plus humaine surprend et marque une véritable évolution pour le cinéaste.
Les motivations de Teddy dépassent la simple théorie du complot extraterrestre. Le personnage porte en effet des blessures profondes qui expliquent sa dérive paranoïaque. Emma Stone déploie toute sa puissance face à Plemons lors d’un affrontement psychologique intense. Le jeu constant de pouvoir entre les deux acteurs maintient la tension et l’imprévisibilité.
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Une production internationale aux ambitions démesurées
Bugonia est une coproduction entre l’Irlande, la Corée du Sud, le Canada, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Element Pictures rejoint le projet en février 2024 aux côtés de CJ ENM et Fruit Tree. Cette collaboration internationale témoigne de l’ambition du film.
Le casting s’étoffe progressivement durant le tournage. Alicia Silverstone rejoint l’aventure en octobre 2024. Aidan Delbis et Stavros Halkias complètent la distribution en mai 2025. Jerskin Fendrix compose une bande originale paranoïaque qui accentue l’atmosphère oppressante. Robbie Ryan signe une photographie qui rend chaque scène à la fois belle et étrange.
Un mélange de genres explosif, tenu avec une maîtrise rare
Bugonia est un mélange de comédie noire, de thriller haletant, de tragédie familiale, de parabole politique et de délire science-fictionnel. Ce cocktail détonnant exigeait une maîtrise exceptionnelle pour tenir debout du début à la fin. Lanthimos relève le défi haut la main. Le film est un croisement improbable entre Psychose et Galaxy Quest.
La structure narrative reste cohérente, malgré l’absurdité du propos. Les retournements de situation interviennent au bon moment pour maintenir l’attention du spectateur. Le rythme s’intensifie progressivement jusqu’à une escalade choquante. La conclusion est satisfaisante et laisse une impression durable.

Un accueil critique enthousiaste et durable
Bugonia a été présenté en compétition à la Mostra de Venise 2025. Le film a obtenu de bonnes notes sur les plateformes spécialisées, avec 7,7/10 sur IMDb. Les critiques saluent unanimement les performances d’Emma Stone et de Jesse Plemons. Leur quatrième collaboration avec Lanthimos confirme une alchimie remarquable.
Les spectateurs apprécient tout particulièrement la capacité du film à provoquer des émotions inattendues malgré son absurdité. La dimension visuelle fascine autant qu’elle dérange. Le design sonore perturbe le spectateur de manière volontaire afin de renforcer l’immersion. La fin laisse une impression troublante qui perdure longtemps après la projection.
Un film radical qui trouve son public
Bugonia ne s’adresse pas à tout le monde, et le cinéaste l’assume pleinement. Les salles enregistrent une fréquentation limitée, mais un public conquis. Cette œuvre parle aux amateurs de chaos à combustion lente et de brutalité émotionnelle. Elle ravira également ceux qui apprécient la folie sous toutes ses formes.
Le ton décalé et la violence psychologique peuvent toutefois rebuter certains spectateurs. Pourtant, ceux qui acceptent de se laisser emporter découvrent un film surprenant qui bouscule les codes. Lanthimos prouve une nouvelle fois sa capacité à explorer les recoins les plus sombres de la nature humaine tout en conservant une certaine légèreté.



