Le nom de Jeanne Friot est devenu synonyme d’individualité sur la scène parisienne de la mode. Pourtant, son parcours a commencé par un manque de modèles à suivre. “Il n’y avait pas de femmes homosexuelles à la tête d’une maison de couture”, se souvient Jeanne Friot, un sentiment qui a alimenté sa créativité à l’école Duperré. La collection Printemps 2025 de cette saison, judicieusement intitulée “Idoles”, rend hommage aux diverses personnalités qui ont façonné sa vision artistique.
Des musiciens audacieux David Bowie, Grace Jones et Debbie Harry aux intellectuels Françoise Sagan et Maggie Nelson, les idoles de Friot transcendent les frontières. La collection traduit cette admiration en une tapisserie vibrante de textures et de silhouettes. Des Levi’s retravaillés et ornés de franges de plumes ludiques ont défilé, leur mouvement faisant écho à l’esprit rebelle du punk.
La désormais iconique robe ceinturée, pierre angulaire de la marque Friot, a occupé le devant de la scène sous diverses formes. Les versions en cuir structuré épousent le corps, tandis que les versions en denim clouté apportent une touche d’originalité. Cette saison, cependant, le concept s’est épanoui au-delà de sa forme littérale. Des imprimés vibrants inspirés du motif de la ceinture ont orné des pièces en maille près du corps, des chemises en soie et même des T-shirts, ce qui témoigne de la volonté de Friot d’élargir l’ADN de la marque.
La palette de couleurs s’est également élargie, allant du jaune pâle et de l’argent drapé sur des robes asymétriques au denim boxy indigo aux coutures volontairement floues et décolorées. Des influences punk ludiques sont apparues dans les kilts plissés et teints à la main, ajoutant une autre dimension au récit de la collection.
Les collaborations ont encore enrichi l’expérience Friot. Une collection capsule de T-shirts à slogan intitulée “Love, Louder” est née d’un partenariat avec la plateforme de rencontres Tinder. Une partie des recettes de cette ligne en édition limitée sera reversée à SOS Homophobie, une organisation qui défend les droits des personnes LGBTQ+. La marque de chaussures Both s’est également associée à Friot pour créer deux modèles de bottes au-dessus du genou, l’un reprenant la silhouette ceinturée caractéristique, l’autre imitant l’esthétique denim de la saison.
Friot reconnaît les défis auxquels sont confrontés de nombreux jeunes créateurs sur le marché actuel. “Nous sommes les premiers à être touchés par l’effondrement des détaillants multimarques”, explique-t-elle, soulignant la lutte constante pour le financement et l’incertitude des saisons à venir. Heureusement, Friot a acquis une grande popularité en Corée du Sud, notamment auprès des stars de la K-pop. En outre, sa collaboration avec le détaillant canadien La Maison Simons sur des T-shirts à slogan politique et une activité florissante de vente directe aux consommateurs lui offrent une bouée de sauvetage.
Cependant, la montée de l’extrême droite en France jette une ombre sur son optimisme. En tant que jeune créatrice lesbienne dont les créations sont porteuses d’un message social fort, Friot fait part de ses inquiétudes. “Le contexte politique est vraiment inquiétant”, se souvient-elle. “Dois-je continuer à être une guerrière ou n’ai-je plus de place pour exister ?”
© Photos : JEANNE FRIOT