Le célèbre Œuf d’Hiver Fabergé sera de nouveau mis en vente chez Christie’s à Londres

Créé en 1913 par Alma Pihl pour Nicolas II, l'Œuf d'Hiver Fabergé de 1913 sera vendu le 2 décembre. Estimé à plus de 20 millions de livres, il incarne l'excellence des arts décoratifs impériaux.

Par
Olivier Delavande
Fils d’un père français et d’une mère vietnamienne, Olivier Delavande a baigné dans une double culture qui a façonné sa curiosité et son ouverture d’esprit dès...
11 Minutes de lecture
© Photo : Christie's

Cette vente aux enchères représente une opportunité rare pour les collectionneurs et les amateurs d’art décoratif. Créé en 1913, l’Œuf d’Hiver Fabergé sera mis aux enchères le 2 décembre prochain lors de la Classic Week londonienne, avec une estimation supérieure à 20 millions de livres sterling. Commandé par l’empereur Nicolas II pour sa mère, la douairière impératrice Maria Feodorovna, à l’occasion du 300e anniversaire de la dynastie Romanov, cet œuf impérial est une pièce d’exception.

Il se distingue par sa construction en cristal de roche finement sculpté et par son motif de givre gravé à l’intérieur. L’extérieur arbore des flocons de neige en platine sertis de diamants taillés en rose, tandis que deux bordures verticales en platine dissimulent une charnière latérale et une pierre de lune en cabochon datée de 1913. La base en cristal de roche représente un bloc de glace fondante orné de ruisselets en platine et diamants, et une broche centrale supporte l’œuf.

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La surprise printanière cachée

Lors de l’ouverture de l’Œuf d’Hiver Fabergé, une surprise suspendue à un crochet en platine est révélée. Il s’agit d’un panier en treillis à double anse entièrement serti de diamants taillés en rose et rempli d’anémones des bois en quartz blanc finement sculptées. Les fleurs possèdent des tiges et des étamines en fil d’or, leur centre étant orné d’un grenat démantoïde, tandis que les feuilles sont délicatement taillées dans de la néphrite. Le tout émerge d’un lit de mousse dorée, créant un contraste saisissant entre la froideur hivernale de l’enveloppe et la chaleur du renouveau printanier.

Cette création a été commandée pour la somme considérable de 24 600 roubles, témoignant ainsi de son importance et de sa grande complexité technique. La base du panier porte l’inscription « Fabergé 1913 ». Cette œuvre incarne le symbolisme pascal de la résurrection et capture la transition entre la rigueur de l’hiver et le renouveau vibrant du printemps.

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Le célèbre Œuf d'Hiver Fabergé sera de nouveau mis en vente chez Christie's à Londres
© Photo : Christie’s

Alma Pihl, le génie créatif de la maison Fabergé

Alma Pihl (1888-1976) a conçu cet objet d’exception alors qu’elle n’avait que vingt-cinq ans. Issue d’une famille de joailliers finlandais travaillant pour Fabergé, elle était la petite-fille d’August Holmström, maître-orfèvre de la maison, et la fille d’Oscar Pihl, responsable de l’atelier de joaillerie Fabergé à Moscou.

En 1908, à l’âge de vingt ans, elle commence à travailler pour son oncle Albert Holmström en réalisant des aquarelles grandeur nature qui serviront d’archives pour les créations de l’atelier. Son oncle remarqua rapidement son talent et fit produire certaines de ses esquisses personnelles pour la boutique. Cette reconnaissance marque le début d’une carrière brillante, au cours de laquelle elle créera deux des pièces impériales les plus remarquables : l’Œuf d’Hiver de 1913 et l’Œuf Mosaïque de 1914, aujourd’hui conservé dans la collection royale britannique.

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Margo Oganesian, responsable du département Fabergé et objets d’art russes chez Christie’s, a déclaré : « C’est un privilège pour Christie’s d’être chargé, pour la troisième fois de son histoire, de la vente du magnifique Œuf d’Hiver de Fabergé. Avec seulement six autres œufs de Pâques impériaux conservés dans des collections privées, c’est une occasion extraordinaire pour les collectionneurs d’acquérir ce qui est sans doute l’une des plus belles créations de Fabergé, tant sur le plan technique qu’artistique. »

L’inspiration venue du givre

Le motif de flocon de neige qui caractérise l’Œuf d’Hiver Fabergé est né d’un moment d’observation fortuit. Alma Pihl, cherchant l’inspiration, contempla la fenêtre givrée de son atelier où se formaient des cristaux de glace « comme un jardin de fleurs gelées exquises ». Cette vision fugace lui inspira l’idée de recréer ces délicats motifs de givre en cristal de roche, en platine et en diamants taillés en rose.

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Cette approche naturaliste et poétique distingue Alma Pihl parmi les créateurs de la maison Fabergé. Largement autodidacte et exceptionnellement douée, elle était une rareté : une femme designer dans les ateliers d’orfèvrerie de Saint-Pétersbourg au début du XXe siècle. Son regard unique transforma des phénomènes naturels éphémères en objets d’art permanents, capturant la beauté fragile du givre dans des matériaux précieux destinés à traverser les siècles.

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La tradition des œufs impériaux

La réputation mondiale de Fabergé repose sur la série inégalée des œufs de Pâques impériaux, produits entre 1885 et 1916. Cinquante de ces créations exceptionnelles ont été réalisées : dix sous le règne d’Alexandre III, entre 1885 et 1894, tous offerts à son épouse, l’impératrice Maria Feodorovna.

À partir de 1895, Nicolas II a poursuivi cette tradition en commandant quarante œufs supplémentaires, deux par an, destinés à sa mère et à son épouse, l’impératrice Alexandra Feodorovna. Franz Birbaum, le designer en chef de Fabergé, a documenté cette pratique dans ses mémoires de 1919 : « Les dessins des œufs de Pâques n’avaient pas besoin d’être approuvés par la cour et Fabergé jouissait d’une liberté totale en matière de conception et de réalisation. La plupart de ces œufs nécessitaient près d’un an de travail. Les travaux commençaient peu après Pâques et n’étaient à peine terminés à la Semaine sainte de l’année suivante. »

Sur les cinquante œufs impériaux, quarante-trois existent encore aujourd’hui. La plupart sont conservés dans de grands musées internationaux ; seuls sept d’entre eux sont entre des mains privées, dont l’Œuf d’Hiver Fabergé. Cette rareté explique l’intérêt considérable que suscite chaque apparition sur le marché de l’art.

Un parcours mouvementé à travers l’histoire

L’Œuf d’Hiver Fabergé est l’un des œufs impériaux les mieux documentés. Après la révolution de 1917, il fut transféré de Saint-Pétersbourg à l’Armurerie du Kremlin, à Moscou, avec d’autres biens précieux de la famille impériale. Dans les années 1920, le régime soviétique, en manque de liquidités, vendit des trésors artistiques de l’Hermitage et d’autres collections nationales, y compris des objets personnels des Romanov.

Wartski, de Londres, l’acquit à la fin des années 1920 ou au début des années 1930 pour 450 livres sterling. La maison le revendit en 1934 à Napier Sturt, 3^e baron Alington, un collectionneur britannique, pour 1 500 livres. Il entra ensuite dans la collection de Sir Bernard Eckstein, un important collectionneur d’art britannique. Il fut vendu aux enchères à Londres en 1949 et acquis par Arthur Bryan Ledbrook pour 1 700 livres.

L’Œuf d’Hiver Fabergé disparut en 1975, à la mort de Ledbrook. Il réapparut en 1994 et fut vendu lors d’une vente aux enchères chez Christie’s à Genève la même année, établissant un nouveau record mondial pour une œuvre de Fabergé à 7 263 500 francs suisses. Huit ans plus tard, le 19 avril 2002, il fut à nouveau mis aux enchères chez Christie’s à New York, établissant un nouveau record à 9 579 500 dollars.

La position dominante de Christie’s sur le marché Fabergé

Elle détient le record mondial de vente pour une œuvre de Fabergé, établi en 2007 lorsque l’Œuf Rothschild a été vendu 8,9 millions de livres sterling à Londres. Plus récemment, la maison de ventes a commercialisé l’une des plus importantes collections Fabergé appartenant à un seul propriétaire jamais proposée aux enchères : la Harry Woolf Collection, qui a atteint 5,2 millions de livres en 2021.

La vente du 2 décembre 2025 comprend près de cinquante lots d’objets Fabergé, notamment des figures en pierre dure, des animaux, des objets de vertu et du mobilier, avec des estimations allant de 2 000 à 2 millions de livres sterling. Parmi les pièces notables, on compte un modèle rare en pierre dure représentant un peintre de rue, réalisé par Boris Fredman Cluzel en 1916 et estimé entre 1,5 et 2 millions de livres, ainsi qu’un album exceptionnel de dessins de l’atelier d’Henrik Wigström couvrant la période 1911-1916, estimé entre 500 000 et 800 000 livres.

Sergei Mosunov, le propriétaire actuel de Fabergé, qui a acquis la marque en août 2025, a partagé son enthousiasme : « Je suis extrêmement enthousiaste à l’idée que ce chef-d’œuvre soit mis en vente, et ce fut un honneur et un privilège d’avoir l’occasion de voir et de tenir en main l’œuf d’hiver Fabergé chez Christie’s avant l’annonce officielle. Pour moi, cet objet d’art unique incarne l’héritage historique de la maison Fabergé et l’histoire de Palmyre du Nord, réalisés grâce à un savoir-faire artistique et artisanal exceptionnel. »

Une œuvre symbolique pour les arts décoratifs

L’Œuf d’Hiver Fabergé transcende sa fonction d’objet précieux pour devenir le témoin d’une époque révolue. Il incarne le raffinement extrême atteint par les arts décoratifs russes au début du XXe siècle, juste avant que la Première Guerre mondiale et la révolution russe ne mettent fin à cette production.

Cette pièce illustre également la capacité de Fabergé à allier prouesses techniques et sensibilité artistique. Chaque élément, du cristal de roche sculpté aux minuscules étamines dorées des fleurs, témoigne de la maîtrise exceptionnelle des artisans de la maison. L’œuvre témoigne d’une époque où le temps et les ressources consacrés à la création d’un seul objet semblaient illimités.

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