Pour surmonter la crise actuelle, le constructeur allemand Volkswagen mise sur une restructuration profonde et une offensive produit ambitieuse. Le géant de Wolfsburg supprime plus de 35 000 postes en Allemagne afin d’économiser 1,5 milliard d’euros par an sur les cinq prochaines années. Cette réduction drastique des effectifs, qui représente 10 % de la main-d’œuvre locale, marque la transformation la plus importante du groupe depuis sa création en 1937.
Une conjoncture difficile sur tous les fronts
Le marché européen est en effet compliqué pour Volkswagen. Les ventes de véhicules neufs ont chuté à 13,4 millions d’unités fin 2024, contre 16,3 millions cinq ans auparavant. La France affiche un recul de 7,9 % et l’Allemagne de 4,7 % sur le premier semestre 2025.
Le constructeur allemand est confronté à des mesures protectionnistes américaines et à une dépendance problématique au marché chinois, où sa part de marché est passée de 19 % en 2019 à 14 % en 2024. Les marques locales, telles que BYD, GAC et Chang’an, grignotent des parts de marché sur le segment des véhicules électriques de milieu de gamme.
Pourtant, Volkswagen résiste mieux que certains de ses concurrents. Sur le premier semestre 2025, le groupe a livré 1,519 million de voitures en Europe, soit une progression de 2,3 %, tandis que Stellantis reculait de 11,1 %. Cette performance relative ne suffit toutefois pas à éviter les mesures drastiques annoncées fin 2024.

Des suppressions d’emplois sans fermeture d’usines
Le compromis négocié en décembre 2024, après plus de soixante-dix heures de discussions entre la direction et le syndicat IG Metall, évite les licenciements secs. Les 35 000 suppressions de postes s’effectueront par le biais de départs volontaires, de préretraites et du non-remplacement des départs naturels. Les dix usines allemandes restent ouvertes, même si l’avenir de certaines d’entre elles est compromis. La production automobile de Dresde cessera fin 2025, tandis qu’Osnabrück, qui emploie 3 000 personnes, pourrait être cédée à un groupe d’armement.
En septembre 2024, le constructeur avait résilié son accord de garantie de l’emploi, en place depuis trente ans, qui protégeait plus de 120 000 salariés. Cette décision historique ouvrait la voie à des licenciements potentiels dès la mi-2025. Le Land de Basse-Saxe, premier actionnaire du groupe avec 20 % du capital, a pesé dans les négociations pour préserver les sites industriels.

Un retour aux sources avec la « voiture du peuple »
Pour redresser la barre, Volkswagen mise sur une stratégie produit agressive. Le groupe entend retrouver son identité de constructeur de la « voiture du peuple », une image qui s’est estompée ces dernières années. Cette offensive s’articule autour de modèles électriques abordables et de motorisations hybrides, afin de répondre aux attentes du marché européen.
L’ID.Polo, dévoilée au salon de Munich sous un épais camouflage, sera commercialisée mi-2026. Cette citadine électrique vise à concurrencer les Renault 5 et Citroën ë-C3, avec un prix d’entrée d’environ 25 000 euros. Produite à Pampelune, en Espagne, elle marque le retour à une nomenclature familière pour les clients, plutôt que la logique ID + numéro qui n’avait pas convaincu. Elle inaugure la plateforme MEB traction et proposera deux capacités de batterie : environ 40 kWh pour l’entrée de gamme et 50 kWh pour atteindre une autonomie de 400 km selon le cycle WLTP.
Une version ID.Polo GTI est également prévue, avec une mécanique de 226 chevaux et un différentiel à glissement limité, afin de préserver l’image sportive de la marque. Le concept ID.Cross, présenté à Munich, est le pendant SUV de la Polo électrique. Long de 4,16 mètres, il sera commercialisé à l’automne 2026 et partagera les chaînes d’assemblage de Martorell, en Catalogne, avec le Škoda Epiq et le Cupra Raval. Volkswagen annonce jusqu’à 420 km d’autonomie pour concurrencer les Renault 4 et Peugeot e-2008.
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L’hybride comme plan B face aux difficultés de l’électrique
La transition vers le tout électrique prend plus de temps que prévu, ce qui oblige Volkswagen à envisager un plan B. Le constructeur introduit pour la première fois, depuis la Jetta confidentielle du début des années 2010, une motorisation full hybride sur le T-Roc, son deuxième best-seller après le Tiguan. Cette technologie, équivalente à celle de Toyota ou de Renault, sera déclinée en 136 ou 170 chevaux dès 2026.
Cette décision répond à la forte demande actuelle en Europe, où les automobilistes privilégient l’hybride. Le décollage des voitures à batterie, sur lequel Volkswagen avait massivement misé avec sa gamme ID, reste insuffisant pour faire vivre un appareil industriel de cette envergure. Les ventes de véhicules électriques ont même reculé de 10,8 % en un an en Europe.

Une bataille cruciale se joue sur le marché chinois
La Chine représente 40 % des ventes annuelles du groupe, ce qui rend ce marché stratégique. En 2024, le groupe a écoulé 2,2 millions de véhicules dans ce pays, mais cette performance cache une baisse annuelle significative. Pour reconquérir du terrain, le groupe vise 40 % d’économies sur les coûts de production de ses véhicules électriques d’ici 2026, grâce à une plateforme dédiée au marché chinois.
Un modèle électrique à 20 000 euros devrait prochainement être commercialisé pour concurrencer BYD et les autres marques locales. L’objectif est ambitieux : vendre 4 millions de véhicules par an en Chine d’ici 2030, contre 3 millions en 2024, afin d’atteindre 15 % de parts de marché. Le groupe possède plusieurs plateformes et centres de recherche dans l’ex-empire du Milieu, ce qui constitue un atout unique parmi les constructeurs allemands.
Des défis structurels persistants
Volkswagen doit toutefois composer avec plusieurs handicaps structurels. Les coûts salariaux allemands sont un handicap face à la concurrence chinoise, qui propose des véhicules électriques bien moins chers. La marge opérationnelle du groupe n’a atteint que 6,3 % au deuxième trimestre 2024, soit moins que l’objectif de 6,5 %. Le plan d’économies de 10 milliards d’euros n’a pas donné les résultats escomptés.
Les normes européennes en matière d’émissions de CO₂ obligent le groupe à revoir son modèle économique. Audi prévoit ainsi 7 500 suppressions de postes d’ici 2029, tandis que Porsche en annonce 1 900. Ces mesures touchent l’ensemble des marques du groupe éponyme, confrontées à la même conjoncture difficile.

Une fenêtre de tir étroite
Volkswagen dispose d’une fenêtre de tir étroite pour redresser la situation. Le lancement des ID.Polo et ID.Cross en 2026 sera un test crucial pour valider la stratégie de modèles électriques abordables. Le succès de ces véhicules conditionnera la capacité du groupe à maintenir ses volumes de production sans fermer de nouveaux sites.
L’introduction de la motorisation hybride sur le T-Roc offre une solution temporaire en attendant que le marché de l’électrique décolle vraiment. Cette double approche technologique vise à sécuriser les revenus tout en préparant la transition énergétique. Les prochains trimestres diront si ces plans de relance suffiront à surmonter la crise la plus grave de l’histoire du constructeur allemand.



