À une époque où la poussée hyper-accélérée de la technologie remodèle continuellement notre réalité, la dernière collection Printemps/Été 2024 de Walter Van Beirendonck agit comme un sémaphore provocateur de la mode, signalant les préoccupations profondes de son créateur sur la frontière inexplorée de la relation de l’humanité avec la technologie. Avec pour toile de fond un édifice brutaliste rappelant un donjon, le défilé de Van Beirendonck a livré un récit visuel intense, insufflant un commentaire social poignant au pouls de la haute couture.
Présentée à l’intérieur des confins froids d’une structure brutaliste, cette collection transmet un message qui résonne de manière glaçante dans les entrailles de la bête de l’ère numérique naissante. Une ère où l’innovation fulgurante déferle sur le monde, suscitant des vagues de fascination, mais ne s’arrêtant peut-être pas assez pour tenir compte aux conséquences potentielles qui se cachent sous la surface.
Puisant son inspiration dans le conte tragique de Dawleetoo, une ville mythique perdue dans la jungle où un explorateur du 19ème siècle aurait disparu, Van Beirendonck tisse une tapisserie de mode de son avenir envisagé. Un endroit où l’humanité et la machine coexistent, rappelant un avertissement sinistre que “nous sommes utilisés comme des mannequins d’essai”, une phrase extraite des notes du défilé qui reflète l’appréhension du créateur face à l’avancement technologique non contrôlé.
Créée avec un talent incroyable pour la narration, la collection présente un lexique vibrant de symboles, inspiré d’un “alphabet extraterrestre”. Tel un hiéroglyphe futuriste, chaque vêtement de la collection parle un dialecte différent du même langage du malaise. Le jaune et le blanc, couleurs souvent associées au danger et à la sécurité, dominent la palette de couleurs, savamment équilibrée par les fantaisies de Van Beirendonck : lunettes de soleil à nez artificiel, chaussures peintes au crocodile mettant en valeur une silhouette plus affûtée, casquettes en W emblématiques, et hauts moulants aux imprimés vibrants.
Un fil vif d’activisme est tissé dans le tissu de la collection, avec des slogans récurrents tels que “stop terrorizing our world” (“arrêtez de terroriser notre monde”) – une phrase déjà utilisée par Van Beirendonck dans sa collection Automne 2015 en réponse aux attaques terroristes à Paris. Cette répétition nous rappelle avec effroi que, malgré le temps qui passe, notre société est aux prises avec un schéma cyclique de troubles, aujourd’hui amplifié par l’avènement des nouvelles technologies et leur utilisation potentiellement abusive.
La collection Printemps/Été 2024 de Walter Van Beirendonck est une enquête provocante, une question ouverte posée à notre réalité actuelle. Il s’agit d’une intervention dans le domaine de la mode qui nous incite à entamer un dialogue plus que nécessaire sur notre monde, débordant de problèmes allant de la guerre, des crises économiques, et un avenir incertain brouillé par l’arrivée rapide de la technologie. Comme l’a déclaré Van Beirendonck de manière poignante, “Je voulais vraiment commencer une conversation à propos de ces choses”. Avec cette collection, on peut dire sans risque qu’il a réussi à ouvrir les portes à ce dialogue dans un langage qui lui est propre.
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