Le monde du cinéma a perdu une légende. William Friedkin, le génie à l’origine de chefs-d’œuvre tels que « French Connection » et « L’Exorciste« , a laissé une empreinte indélébile sur l’industrie cinématographique. Son départ de ce monde à l’âge de 87 ans est un rappel poignant de la nature éphémère de la vie, mais son héritage restera à jamais gravé dans les annales de l’histoire du cinéma.
Le parcours de William Friedkin dans le monde du cinéma a été tout à fait extraordinaire. Ses œuvres se caractérisent par un flair visuel inégalé, un penchant pour l’approfondissement des sujets de genre avec un sérieux profond, et une capacité étonnante à utiliser le son pour évoquer un sentiment d’effroi et de mystère. Cette combinaison unique confère à ses films une qualité obsédante, qui les distingue dans une mer de productions cinématographiques. Ses mémoires, « The Friedkin Connection« , offrent un aperçu de sa psyché, révélant sa relation intime avec « la peur et la paranoïa« .
Les années 1970 ont été marquées par une renaissance du cinéma, les réalisateurs remettant en cause le statu quo et produisant des œuvres provocatrices et antiautoritaires. William Friedkin était à l’avant-garde de ce mouvement. Son audace était légendaire. Une anecdote concernant le grand Alfred Hitchcock est particulièrement révélatrice. Après avoir été réprimandé par Hitchcock pour ne pas avoir porté de cravate sur le plateau, Friedkin a eu une réplique à la fois insolente et mémorable lorsqu’il a remporté le Directors Guild Award pour « The French Connection« . Passant devant Hitchcock, il s’est amusé à tirer sur son nœud papillon, lui demandant : « Comment trouves-tu ta cravate, Hitch ?«
La vénération de Friedkin pour des légendes du cinéma comme Hitchcock et Orson Welles était évidente. C’était un véritable cinéphile et sa passion pour le métier était contagieuse. Cette passion a trouvé un écho auprès de jeunes cinéastes, comme Damien Chazelle, qui ont sollicité la connaissance de Friedkin avant de se lancer dans leur propre aventure cinématographique.
L’une des œuvres les plus célèbres de Friedkin, « L’Exorciste« , illustre sa capacité à transformer ce qui aurait pu être une histoire d’horreur typique en un drame profond. La séquence d’ouverture du film dans un désert du Moyen-Orient reste l’une des introductions les plus terrifiantes du cinéma, non seulement pour ses images, mais aussi pour sa bande sonore qui fait froid dans le dos. Il est intéressant de noter que Friedkin et William Peter Blatty, l’auteur du roman sur lequel le film est basé, ne le considéraient pas comme une histoire d’horreur mais comme un drame.
Les films de Friedkin brouillent souvent les frontières entre le bien et le mal. Ses personnages sont complexes et leurs motivations sont multiples. Cela est évident dans « The French Connection« , où la frontière entre les détectives et les criminels qu’ils poursuivent est souvent ténue. La représentation de la ville de New York, avec ses rues crasseuses et ses dangers cachés, est un chef-d’œuvre de narration atmosphérique.
Malgré le succès commercial de films comme « L’Exorciste » et « The French Connection« , la carrière de Friedkin a connu des hauts et des bas. Il a dû faire face à des difficultés personnelles et professionnelles, mais sa résilience et sa passion pour le cinéma n’ont jamais faibli. Même à la fin de sa vie, il a produit des œuvres saluées par la critique, comme « Killer Joe« , qui a été acclamé pour son mélange de matériel extrême et de rigueur esthétique.
La vie personnelle de Friedkin a été aussi colorée que ses activités cinématographiques. Ses mariages avec des personnalités comme Jeanne Moreau et Lesley-Anne Down, ainsi que son union avec l’ancienne productrice et directrice de studio Sherry Lansing, ont ajouté des couches à l’histoire déjà fascinante de sa vie.
Au crépuscule de sa vie, Friedkin est resté actif dans l’industrie cinématographique. Son œuvre la plus récente, une nouvelle version de « The Caine Mutiny« , a été présentée à la Mostra de Venise. Son autobiographie décrit de manière poignante son amour éternel pour le cinéma : « Je n’ai pas fait mon Citizen Kane, mais il y a encore du travail à faire. Je ne sais pas à quel point, mais j’adore ça.«
Le décès de William Friedkin est une perte pour le monde du cinéma. Toutefois, son héritage continuera d’inspirer des générations de cinéastes. Ses films, avec leurs récits complexes, leur éclat visuel et leurs thèmes profonds, resteront à jamais un témoignage de son génie. En disant adieu à ce maestro du cinéma, nous nous rappelons que le cinéma a le pouvoir de toucher les âmes, de remettre en question les normes et de laisser un impact durable.
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