Vous vous attendiez à quoi, franchement ? Que le roi du maximalisme continue d’empiler les broderies, les paillettes et les motifs d’archives jusqu’à saturation ? Alessandro Michele prend tout le monde à contre-pied. Pour la collection masculine Pré-Automne 2026 de Valentino, le créateur opère un virage inattendu vers l’épure. Exit l’excès, place à des costumes souples, des tons feutrés et une élégance romaine murmurée, presque silencieuse.

Les images du lookbook ne mentent pas. Photographiées dans un palais romain, elles montrent des hommes en costumes étroits à la coupe souple, empreints de cette nonchalance romaine des années 1980 qui a fait la légende de la Dolce Vita. Les tons sont assagis : beiges, gris, tons terre, noir profond. Les épaules ? Détendues. Les proportions ? Fluides. Alessandro Michele a posé son scalpel là où personne ne l’attendait : sur son propre vocabulaire créatif.
« Je suis dans une phase où l’absence me semble être un élément de décoration, comme si je créais le négatif de mon maximalisme », confie-t-il. Cette phrase résume tout. Après des années passées à ajouter, superposer et accumuler, Michele explore désormais ce qu’il appelle « le vide ». Mais attention, ce vide n’a rien d’aride. Il est habité, réfléchi et maîtrisé.
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La garde-robe masculine présentée pour la collection pré-automne 2026 se compose de pièces taillées nettes et minimalistes. Les costumes étroits à la coupe douce dominent, avec leurs proportions fluides évoquant le style débraillé chic romain des acteurs italiens des années 1970 qui fumaient des cigarettes sur la via Veneto. Michele mise sur des silhouettes détendues et des coupes amples qui épousent le corps sans l’étouffer.

Quelques détails brodés, discrets, surgissent çà et là, comme pour rappeler que le créateur n’a pas totalement renoncé à sa grammaire. Un survêtement apparaît de manière inattendue, superposé à une veste structurée. Une robe-veste fait son entrée. Une broche sertie de diamants scintille sur une cape en laine grise parfaitement taillée. Et puis, il y a ces tongs Rockstud noires, portées comme une ponctuation irrévérencieuse.
Michele n’a pas oublié qui il était. Il a simplement choisi de baisser le volume.
Parlons-en, des Rockstuds. Ce motif emblématique, créé par les prédécesseurs de Michele chez Valentino, Pierpaolo Piccioli et Maria Grazia Chiuri, a mis du temps avant d’être adopté par le créateur. « Je ne voulais pas faire ça le lendemain de mon arrivée ici, parce que je trouvais ça bizarre et que je ne connaissais pas encore bien ce territoire », a-t-il expliqué à WWD. Le Rockstud était trop fort, trop identifié, trop chargé d’histoire. Michele avait besoin de le regarder, de l’observer, de comprendre son lien avec Rome et ses portes cloutées avant de l’utiliser.
Sa version, présentée dans ce lookbook, est plus affûtée et plus tranchante, avec des bouts métalliques et des sangles à la cheville. Hasard amusant : au moment même où Michele finalisait ses nouveaux Rockstud, une paire de ces chaussures apparaissait dans la bande-annonce du film Le Diable s’habille en Prada 2, aux pieds de Meryl Streep. « J’ai sauté de ma chaise », raconte le créateur. Mais il a refusé de retirer ses modèles du lookbook. « Je les ai créés pour une raison, alors ils restent », a-t-il tranché.

Ce virage vers l’épure n’est pas qu’une lubie esthétique. Michele traverse une période de remise en question profonde. Après son départ de Gucci, il s’est remis à la lecture de poésie, fasciné par la beauté de quelques mots épars flottant dans l’espace vide de la page. Cette révélation l’a poussé à reconsidérer son rapport à la création.
Aujourd’hui, il cherche à voir ce qui reste quand on enlève. Cette démarche peut sembler paradoxale pour un créateur connu pour ses créations baroques. Mais Michele la vit comme une libération. « C’est quelque chose que je n’ai jamais fait auparavant et que j’apprécie énormément, car cela me redonne une nouvelle liberté sur le plan créatif », a-t-il confié.
Pour lui, Valentino sans Rome, c’est impensable. Michele le sait. Il admire l’audace de Monsieur Valentino, son courage d’être heureux et de vivre magnifiquement sans tourment. Cette joie romaine, ensoleillée et insouciante, transparaît dans les coupes fluides, les tons chauds et cette façon de porter un costume comme on porterait un pyjama de soie.
Selon les mots de Michele, la maison Valentino reste « très complexe et très challengeante ». Il reconnaît que sa main est forte et que sa présence peut déranger. Mais ce lookbook pré-automne 2026 représente, selon lui, « un point de rencontre heureux » entre lui et la marque. « C’est irrévérencieux et inconfortable, mais juste ce qu’il faut », dit-il. Il a fallu qu’il « manque de respect » juste assez pour laisser la maison respirer.
Oui, Michele a changé d’approche. Non, il n’a pas renoncé à lui-même. Il a juste appris à se taire un peu. Et c’est peut-être la chose la plus éloquente qu’il ait jamais faite chez Valentino.



































