La nomination de Simone Bellotti au poste de directeur artistique de Jil Sander marque un tournant pour la maison de luxe milanaise, qui prend une nouvelle direction sous la houlette d’un créateur connu pour son équilibre entre tradition et modernité irrévérencieuse. Elle fait suite au départ de Luke et Lucie Meier, dont les sept années de mandat ont redéfini l’éthique minimaliste de la marque avec des textures tactiles et des silhouettes poétiques.
Renzo Rosso, président du groupe OTB, la société mère, a souligné le « talent unique » de Bellotti, qui a fait ses preuves chez Gucci, Dolce&Gabbana et Bottega Veneta avant de revitaliser Bally pendant son bref mais marquant mandat. Son travail chez le marque suisse traditionnelle a démontré son talent pour fusionner une confection rigoureuse avec des détails fantaisistes, comme des trenchs ornés de cloches de vache ou des imprimés folkloriques inspirés des légendes alpines. Cette dualité s’inscrit dans l’héritage de précision de Jil Sander en faisant le lien entre les racines austères de la marque et la sensibilité contemporaine.
Renzo Rosso, président du groupe OTB, a souligné le « talent unique » de Bellotti et leur vision commune de l’innovation, soulignant ainsi l’alignement stratégique entre le créateur et la marque. Bellotti lui-même a reconnu l’importance de cette opportunité, déclarant : « Je suis impatient de contribuer au plein potentiel de la marque ».
Chez Bally, les collections de Bellotti ont été saluées pour leur élégance sophistiquée et leur humour subtil. Sa ligne Printemps 2025 faisait référence au poète dadaïste Hugo Ball, en mélangeant des costumes structurés avec des fioritures surréalistes, comme des blazers bordés de mouton retourné dans des teintes fluo. Les accessoires, une catégorie au cœur des aspirations de croissance de Jil Sander, se sont démarqués, avec des classiques réinventés comme l’escarpin Glendale et les derbies cloutées, démontrant sa capacité à honorer l’héritage tout en repoussant les limites. Ces efforts ont été salués par la critique ; Vogue a noté son succès à générer un « buzz de bouche à oreille » sans recourir à des gadgets viraux.
L’arrivée de Bellotti coïncide avec des changements plus importants au sein de la marque. Serge Brunschwig, l’ancien PDG de Fendi, est désormais à la tête de Jil Sander, tandis que le groupe OTB envisage une éventuelle introduction en bourse en 2026. Le départ de Meier laisse un grand vide à combler : leur mandat a vu le lancement de la haute joaillerie, de parfums haut de gamme et d’agrandissements phares, dont un vaste magasin à Tokyo. Mais la maîtrise avérée de Bellotti en matière d’accessoires et de prêt-à-porter lui permet de s’appuyer sur ces bases.
L’affinité du créateur pour l’art et la narration, évidente dans ses collections inspirées du folklore suisse et de la poésie avant-gardiste, laisse présager une poursuite de l’approche sculpturale des Meier, bien que plus légère. Là où les Meier exploraient les détails marginaux et métalliques, Bellotti pourrait introduire des contrastes ludiques : des manteaux en cuir austères associés à des ourlets en taffetas, ou des costumes sur mesure ponctués de couleurs inattendues.
L’acquisition de Jil Sander par OTB en 2021 a placé la marque aux côtés de Margiela, Marni et Diesel dans un portefeuille qui équilibre l’expérimentation avant-gardiste et le pragmatisme commercial. Alors que les ventes du groupe ont légèrement baissé l’année dernière, la direction reste optimiste quant au potentiel de Jil Sander, en particulier en Asie et dans les catégories émergentes telles que les parfums. Les résultats obtenus par Bellotti chez Bally, une marque au patrimoine similaire, témoignent de la confiance d’OTB en sa capacité à relever ces défis.
Les observateurs du secteur scruteront la première collection de Bellotti, qui devrait être présentée lors de la Fashion Week de Milan. Son défi sera d’honorer l’ADN de Jil Sander (lignes épurées, tissus luxueux, élégance discrète) tout en y apportant sa propre touche. Les premiers indicateurs laissent entrevoir un accent sur l’innovation des matières et le raffinement des accessoires, deux domaines dans lesquels son sens du détail acquis chez Gucci pourrait briller.
Comme l’a fait remarquer Brunschwig pendant son mandat chez Fendi, « le luxe d’aujourd’hui exige à la fois des racines et de la pertinence ». La tâche de Bellotti sera de veiller à ce que Jil Sander reste ancrée dans son éthique minimaliste tout en évoluant pour séduire une nouvelle génération. Avec le soutien d’OTB et sa propre rigueur en matière de design, le décor est planté pour un chapitre qui respecte le passé sans y être lié.