Pour les personnes intéressées par le dialogue constant entre structure et spontanéité dans la mode, la collection Automne 2025 de Bally constitue une étude de cas convaincante. Le directeur de la création Simone Bellotti a organisé son dernier défilé de mode masculine au 17ᵉ étage de la tour Velasca de Milan, un monument moderniste offrant une vue panoramique sur la ville. Le décor, dépouillé à l’exception d’un motif écossais audacieux bleu de Chine, reflétait l’esthétique austère de Bellotti, à la fois précise et de plus en plus irrévérente.

Le travail de Bellotti pour Bally a longtemps consisté à redéfinir l’héritage de la marque en alliant confection soignée et fioritures inattendues. Cette saison, il a ancré la collection dans des costumes-chemises en feutre gris, dont les lignes rigides étaient adoucies par des sacs en coton imprimés d’images d’archives des employés de Bally des années 1950. Ces pièces faisaient allusion à la performance, mesurée par la productivité, tandis que de subtiles perturbations, comme des pousses de mouton rose jaillissant des manteaux en cuir, suggéraient la performance, celle-ci étant présentée comme une expression décomplexée.
La tension entre contrôle et créativité se reflétait également dans les matières. Les cabans en cuir noir brillant, une signature Bellotti, conservaient leur élégance, mais étaient interrompus par des ourlets fendus révélant des jambes nues ou des touffes de fourrure vert citron. Les modèles en denim d’inspiration vintage conservaient leurs racines utilitaires tout en étant frais, leur simplicité étant juxtaposée à des bérets à paillettes rappelant les looks de drag queen scintillants du performeur suisse Luciano Castelli. Même les empiècements en forme de sablier sur les vestes en cuir, inspirés des bureaux, avaient un côté élégamment peu pratique, défiant la portabilité attendue des vêtements de luxe pour hommes.
Le sens italien du drame de Bellotti a parfois éclipsé la discipline suisse. Un costume de jour structuré en cuir noir, taillé avec précision et austère, contrastait délibérément avec les visages des mannequins, recouverts de paillettes. L’effet était discordant, mais intentionnel : un rejet de la logique au profit de l’instinct. Si les incontournables commerciaux de la collection, tels que les vêtements d’extérieur élégants et le denim raffiné, sont restés forts, les moments plus calmes du défilé ont suggéré une évolution. Les jupes mi-longues bordées de mouton retourné (portées par les mannequins masculins) et les basques rigides en crinoline ont repoussé les limites sans sacrifier la sophistication.
Les spéculations sur l’avenir de Bellotti chez Bally se poursuivent, notamment en raison de rumeurs d’un éventuel passage chez Jil Sander. Mais son travail pour l’automne 2025 souligne sa capacité à revitaliser une marque historique. En alliant la rigueur des archives de Bally à des fioritures avant-gardistes, il a créé un langage vestimentaire masculin à la fois ancré et en constante évolution. Pour l’instant, la marque reste une scène sur laquelle la discipline et la provocation se côtoient.