László Krasznahorkai a reçu le prix Nobel de littérature 2025

L’écrivain hongrois László Krasznahorkai est récompensé du prix Nobel de littérature 2025 pour son œuvre visionnaire aux phrases interminables. Il devient le deuxième écrivain hongrois à obtenir cette distinction prestigieuse.

Par
Olivier Delavande
Fils d’un père français et d’une mère vietnamienne, Olivier Delavande a baigné dans une double culture qui a façonné sa curiosité et son ouverture d’esprit dès...
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© Photo : Hpschaefer (www.reserv-art.de)

Reconnu pour ses phrases interminables et ses sujets sombres, l’écrivain de 71 ans László Krasznahorkai est le deuxième Hongrois à recevoir le prix Nobel de littérature 2025. L’Académie suédoise a annoncé jeudi cette distinction majeure, saluant une œuvre visionnaire qui réaffirme la puissance de l’art face à la terreur apocalyptique.

Vous connaissez peut-être déjà cet auteur si vous vous intéressez à la littérature européenne contemporaine. Krasznahorkai construit des romans dont les phrases s’étendent sur des pages entières. Susan Sontag l’avait qualifié de « maître de l’apocalypse », tandis que le cinéaste hongrois Béla Tarr a adapté plusieurs de ses romans pour le grand écran.

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L’annonce du prix a été faite lors d’une conférence de presse organisée par l’Académie suédoise. Steve Sem-Sandberg, membre du comité de sélection, a souligné le « style épique puissant aux inspirations musicales » de l’écrivain. Il a précisé que « le regard artistique de Krasznahorkai, entièrement dépourvu d’illusions, perçoit la fragilité de l’ordre social tout en maintenant une croyance inébranlable dans la force de l’art ».

Une œuvre singulière

La particularité de l’écrivain hongrois réside dans sa construction syntaxique hors normes. Son roman La Mélancolie de la résistance, publié en hongrois en 1989 puis traduit en anglais en 1998, se compose d’une seule et même phrase de plus de 300 pages. Béla Tarr l’a adapté au cinéma en 2000 sous le titre Werckmeister Harmonies. L’histoire suit les événements qui bouleversent une petite ville hongroise après l’arrivée d’un cirque transportant une baleine empaillée géante.

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Son dernier ouvrage, Herscht 07769, publié aux États-Unis, ne contient qu’un seul point sur 400 pages. Ce roman imagine un nettoyeur de graffitis en Allemagne qui écrit des lettres à la chancelière Angela Merkel pour l’alerter de la destruction imminente du monde.

Lors d’un entretien accordé au New York Times en 2014, Krasznahorkai expliquait avoir cherché à développer un style « absolument original ». Il ajoutait : « Je voulais être libre de m’éloigner de mes ancêtres littéraires et ne pas produire une nouvelle version de Kafka, Dostoïevski ou Faulkner. »

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Un parcours remarquable

Né en 1954 en Hongrie communiste, il a grandi à Gyula, une petite ville située à 190 kilomètres de Budapest. Son père était avocat et sa mère travaillait au ministère de la protection sociale. La famille était d’origine juive.

Après ses études, il a effectué son service militaire, mais il a déserté à la suite d’une punition pour insubordination. Il a ensuite enchaîné divers emplois, dont celui de pianiste dans un groupe de jazz, avant d’étudier la littérature hongroise à Budapest.

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Sa percée littéraire survient en 1985 avec son premier roman, Satantango. Cette fresque sur la vie dans un hameau pauvre a fait sensation en Hongrie. Béla Tarr en a tiré une adaptation cinématographique de plus de sept heures en 1994.

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Une reconnaissance internationale

Les dernières décennies lui ont valu une série de distinctions au-delà de son pays natal. En 2015, il a remporté le Man Booker International Prize, alors attribué pour l’ensemble d’une carrière plutôt que pour un roman spécifique.

Marina Warner, présidente du jury cette année-là, déclarait aux journalistes que Krasznahorkai était « un écrivain visionnaire d’une intensité extraordinaire et d’une étendue vocale remarquable, qui capture la texture de l’existence contemporaine dans des scènes terrifiantes, étranges, comiques, effroyables et souvent d’une beauté bouleversante ».

Le prix Nobel est la plus haute distinction littéraire et couronne généralement une carrière d’écrivain. Parmi les lauréats précédents, on compte Saul Bellow, Toni Morrison, Harold Pinter et Bob Dylan en 2016.

Une diversité accrue

Ces dernières années, l’Académie suédoise s’efforce d’élargir la diversité des auteurs récompensés. Elle avait en effet fait face à des critiques concernant la prédominance d’hommes originaires d’Amérique du Nord ou d’Europe parmi les lauréats.

L’année dernière, le prix a été décerné à Han Kang, auteure sud-coréenne célèbre pour La Végétarienne, un roman surréaliste dans lequel une femme cesse de s’alimenter pour vivre de lumière solaire. Abdulrazak Gurnah, écrivain tanzanien dont les romans analysent l’expérience de l’immigration et l’héritage colonial, et Annie Ernaux, romancière française qui raconte des moments de sa vie, ordinaires ou traumatiques, comptent parmi les lauréats récents.

Krasznahorkai figurait depuis plusieurs années parmi les favoris des bookmakers pour obtenir cette distinction. Il devient le deuxième Hongrois à recevoir le prix Nobel de littérature après Imre Kertész, romancier et survivant de la Shoah, en 2002.

Une voix unique

La singularité de l’écrivain tient à sa capacité à maintenir une tension littéraire sur des centaines de pages sans recourir aux artifices conventionnels de la ponctuation. Ses phrases se déploient comme des fleuves tumultueux, entraînant le lecteur dans un flux ininterrompu de pensées et d’observations.

Cette technique exige une attention soutenue, mais récompense ceux qui acceptent de s’y plonger. Vous découvrirez une prose hypnotique qui bouleverse les conventions narratives traditionnelles.

L’attribution du prix Nobel à Krasznahorkai confirme la reconnaissance croissante des formes littéraires expérimentales. Son œuvre prouve qu’il reste des territoires inexplorés dans l’art du roman.

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