Le conclave au Vatican, un protocole séculaire soigneusement réglé

Le conclave du Vatican réunit 133 cardinaux pour élire le successeur du pape François. Entre traditions séculaires, secrets bien gardés et enjeux géopolitiques, plusieurs candidats sont pressentis pour guider l’Église catholique vers une nouvelle ère.

Par
Olivier Delavande
Fils d’un père français et d’une mère vietnamienne, Olivier Delavande a baigné dans une double culture qui a façonné sa curiosité et son ouverture d’esprit dès...
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© Photo : m.iacobucci.tiscali.it (Depositphotos)

En ce mercredi 7 mai 2025, le conclave débute officiellement au Vatican pour désigner le 267e pape de l’Église catholique, suite au décès de François le 21 avril dernier. Cet événement exceptionnel, entouré de traditions séculaires et de règles minutieusement codifiées, attire l’attention du monde entier alors que 133 cardinaux électeurs s’enferment à l’abri des regards dans la chapelle Sixtine. Plongeons dans les coulisses de cette élection pas comme les autres, ses origines historiques et les enjeux qui pèsent sur le choix du prochain chef spirituel de 1,3 milliard de catholiques.

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Aux origines du conclave, une histoire insolite

Le terme « conclave » provient du latin cum clave, signifiant littéralement « avec clé ». Cette étymologie révèle l’essence même de ce processus électoral : un enfermement strict des cardinaux jusqu’à ce qu’une décision soit prise. Mais saviez-vous que cette pratique était née d’une situation pour le moins cocasse ?

L’histoire remonte à 1268, à Viterbe, petite ville située à quelques kilomètres de Rome. Après la mort du pape Clément IV, une vingtaine de cardinaux s’y réunissent pour élire son successeur. Problème : les rivalités entre Français et Italiens paralysent le processus. Deux ans plus tard, toujours pas de pape.

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Excédés par cette situation, les habitants de Viterbe prennent alors des mesures radicales : ils enferment les cardinaux à clé, réduisent leurs rations alimentaires à du pain et de l’eau, et vont jusqu’à retirer le toit du bâtiment pour les exposer aux intempéries. Cette pression porte ses fruits puisque Grégoire X est finalement élu en 1271, soit trois ans après la mort de son prédécesseur.

Cette méthode, bien qu’extrême, a tellement plu au nouveau pontife qu’il l’a institutionnalisée en 1274, établissant officiellement le conclave comme mode d’élection papale. Depuis, les règles ont évolué, mais le principe fondamental demeure : les cardinaux restent cloîtrés jusqu’à l’élection du nouveau pape.

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Le déroulement du conclave de 2025 : rituel et procédure

Le conclave actuel suit des règles précises, codifiées dans la constitution apostolique Universi Dominici gregis promulguée par Jean-Paul II en 1996. Ce matin même, à 10 heures, les cardinaux électeurs se sont réunis dans la basilique Saint-Pierre pour assister à la messe votive « Pro Eligendo Romano Pontifice ». Il s’agissait du seul événement public avant leur isolement total.

Cet après-midi, à partir de 15 h 45, les 133 cardinaux électeurs vont rejoindre en procession la chapelle Sixtine, au chant de la litanie des saints. Une fois installés, ils entonnent le Veni Creator et prêtent serment, d’abord collectivement puis individuellement. Le maître des célébrations liturgiques prononce ensuite la célèbre formule latine : « Extra omnes » (« tout le monde dehors »).

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La chapelle Sixtine sera désormais fermée au public. À l’intérieur, les cardinaux procèdent à leur premier scrutin. Pour être élu, un candidat doit recueillir les deux tiers des voix, soit 89 suffrages. Si aucun consensus n’émerge ce soir, les scrutins se poursuivront à raison de quatre par jour jusqu’à l’élection du nouveau pontife.

Les secrets jalousement gardés du Vatican

La discrétion qui entoure le conclave relève presque du roman d’espionnage. Avant même son commencement, toutes les vitres du palais du Vatican sont occultées. Environ 80 scellés en plomb ont été installés à toutes les entrées du périmètre. Les appareils technologiques et capteurs habituellement présents dans la chapelle Sixtine ont été désactivés.

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Les cardinaux sont totalement coupés du monde extérieur. Il leur est formellement interdit d’utiliser des téléphones portables, d’ailleurs le réseau est brouillé dans la résidence et la chapelle. Ils doivent jurer « de ne pas utiliser d’appareil enregistreur, ni d’entretenir des correspondances écrites, via téléphone ou les réseaux sociaux ». Le camerlingue et trois cardinaux assistants sont « chargés de vérifier l’absence de mouchards » pendant toute la durée du conclave.

Même le personnel de service, les électriciens, les techniciens et les fleuristes, doit prêter serment de garder le secret et reste confiné au Vatican, sans contact avec leurs familles. Entre les sessions de vote, les cardinaux logent à la maison Sainte-Marthe, suivant un « itinéraire protégé » pour leurs déplacements.

Qui succédera au pape François ?

Qui succédera au pape François ? Cette question taraude les observateurs du Vatican depuis des semaines. Parmi les « papabili » (candidats potentiels) régulièrement cités figurent plusieurs personnalités marquantes.

Le cardinal Pietro Parolin, âgé de 70 ans, secrétaire d’État du Vatican, fait figure de favori. Ce diplomate de carrière, considéré comme le numéro deux du Vatican, pourrait constituer un choix de consensus. Toutefois, sa proximité avec certains scandales financiers du Vatican pourrait lui porter préjudice.

Le cardinal Pierbattista Pizzaballa, 59 ans, patriarche latin de Jérusalem, s’est distingué pendant la crise israélo-palestinienne en proposant de se constituer otage en échange d’enfants israéliens enlevés. Toutefois, sa jeunesse pourrait jouer contre lui.

L’Afrique pourrait voir l’un des siens accéder au trône de Saint-Pierre avec le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa, le cardinal Peter Turkson du Ghana ou encore le cardinal Robert Sarah de Guinée.

L’Asie n’est pas en reste avec Luis Antonio Tagle, originaire des Philippines et souvent surnommé le « François asiatique ». L’Europe compte également des candidats sérieux comme Matteo Zuppi (Italie) ou Jean-Marc Aveline (France).

Les enjeux d’une élection sous haute tension

Ce conclave revêt une importance particulière dans le contexte d’une Église en pleine mutation. François a nommé environ 80 % des cardinaux électeurs actuels (110 sur 133), ce qui rend son influence sur le choix de son successeur indéniable.

L’orientation théologique et pastorale du futur pape reste incertaine. Maintiendra-t-il la ligne réformatrice de François sur des questions comme l’accueil des personnes LGBTQ+ ou le rôle des femmes au sein de l’Église ? Ou bien assistera-t-on à un retour vers des positions plus traditionnelles, à l’image de ce qu’incarnait Benoît XVI ?

Il ne faut pas non plus négliger la dimension géopolitique. Après un pape sud-américain, l’élection d’un pontife africain ou asiatique marquerait une évolution historique pour cette institution bimillénaire. Cette ouverture aux « périphéries » de l’Église, chère à François, pourrait ainsi se concrétiser au plus haut niveau.

La fumée blanche, signal d’une nouvelle ère

Le premier résultat devrait être connu ce soir vers 19 heures, lorsque la fumée s’échappera de la cheminée de la chapelle Sixtine : noire en cas d’échec, blanche si un nouveau pape est élu. Cette tradition séculaire est le seul moyen de communication entre les cardinaux enfermés et le monde extérieur.

Une fois élu, le nouveau pontife se retirera dans la « chambre des larmes », petite pièce attenante à la chapelle Sixtine, pour revêtir l’habit papal. Le cardinal protodiacre se présentera ensuite avec lui au balcon central de la basilique Saint-Pierre pour prononcer la formule célèbre « Habemus papam » (« Nous avons un pape »).

L’un des premiers gestes du nouvel élu sera de choisir son nom pontifical, une tradition qui remonte au Ve siècle. Jean II, qui s’appelait à l’origine Mercure, changea alors de prénom pour marquer sa foi, troquant un nom païen pour un nom chrétien.

Le monde entier retient son souffle devant ce spectacle unique mêlant traditions séculaires et enjeux contemporains. Qui sera l’homme appelé à guider l’Église catholique dans les défis du XXIe siècle ? La réponse ne devrait plus tarder.

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